"Chère Madame Schiappa, Je me permets de vous écrire afin de vous demander de l'aide. Je suis gynécologue à Paris, je fais principalement de la fertilité. Vous qui êtes attachée aux droits des femmes, je ne peux imaginer que la détresse des femmes que je vois en consultation ne vous touche pas. Moi elle me donne envie de pleurer à chaque consultation.
Aujourd’hui, en France, les femmes sont lésées. En fertilité, être Française est une perte de chance par rapport aux femmes des pays limitrophes. Chaque jour, je transfère des embryons anormaux, et qui n'ont aucune chance de donner des enfants ; ça sera soit un nouvel échec, soit une fausse couche. En effet, comme vous le savez, nous ne pouvons pas sélectionner les embryons en fonction de leur formule chromosomique, nous utilisons donc une classification prenant en compte le nombre de cellules et leur régularité - cette classification est peu fiable, et nous transférons donc des embryons ayant une formule chromosomique anormale qui ne pourront pas évoluer en une naissance vivante. Ceux qui décident des lois ne sont pas ceux qui font tentative de FIV sur tentative, ils ne sont pas ceux qui font 13, 15 ou 20 fausse-couches. C’est insupportable.
Chaque jour, je vois des femmes célibataires, inquiètes pour leur fertilité et qui voudraient juste être plus tranquilles pour l’avenir et écarter quelque peu l'épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Un homme peut entrer dans un laboratoire et avec une ordonnance, congeler ses spermatozoïdes, à ses frais. Pourquoi une femme ne le peut-elle pas? Je ne dis pas que c’est à la société de payer ces préservations mais qui sommes-nous pour interdire à ces femmes de se préserver? Chaque jour, je vois des femmes célibataires ou en couple homosexuel, perdues, ne sachant où consulter pour devenir maman. Ce n'est pas de gaité de cœur qu’elles auront recours à un don de sperme, c’est parce qu’elles n’ont pas le choix! C’est ça ou rien! Qui sommes-nous pour les empêcher de devenir mère?
Chaque jour, j'envoie ces femmes à l’étranger, en Espagne principalement, où elles sont par ailleurs très bien prises en charges et où elles bénéficient certainement de soins et techniques bien plus performantes que ce qu’on peut leur proposer en France. Et je leur annonce le coût : 3000 euros pour une préservation de leur fertilité, 6000 euros pour une FIV avec don de sperme, 7000 euros pour un don d’ovocytes, 10 000 euros pour le diagnostic pré implantatoire… Elles ont par la Sécurité sociale, pour les plus chanceuses (moins de 43 ans et en couple hétérosexuel), 1500 euros. Certaines renoncent, car c’est trop cher. D’autres vont dans des pays moins fiables où c’est moins cher mais où les centres sont moins surs. Quand je leur annonce que je vais les suivre, que je vais les guider, leur prescrire leur traitement, faire leurs échographies et travailler avec les Espagnols ou les Belges qui les suivent, elles pleurent de joie pour la plupart. Elles ont eu tellement affaire à des gynécologues qui n'y connaissaient rien, à des centres de PMA qui les ont renvoyées en leur disant d’aller en Espagne, au regard des autres, de leur famille, à la pression sociale autour de la grossesse… Elles sont déjà tellement en détresse, elles ont besoin d’aide ; de la mienne mais aussi de la vôtre. Il vous faut défendre leurs droits. Avec la présidence de Monsieur Macron, nous avons espéré que les choses changent mais je suis aujourd’hui très dubitative. Même si on autorise la PMA pour les femmes célibataires et homosexuelles, on ne pourra pas leur fournir le sperme nécessaire. Aujourd’hui, un couple hétérosexuel attend 1 à 2 ans son don. Si on dit à une femme de 35ans d’attendre 5 ans, elle ira quand même en Espagne, et on reproduira le problème du don d’ovocytes en France. Il existe des solutions, pourtant. Par exemple, en Angleterre, ils autorisent le recours à la banque de sperme Cryos et les patientes font livrer l’échantillon de sperme au laboratoire afin d’y être traitées. Nous avons énormément à apprendre de nos voisins.
Nous, le pays des droits de l'Homme, brimons la liberté de nos femmes. Et c’est scandaleux. Je vous écris, Madame, de Barcelone où je suis en congrès, l’ESHRE [European Society of Human Reproduction and Embryology, NDLR]. Et là, en parlant à mes collègues étrangers, je ne peux plus supporter ces lois liberticides qui pourrissent la vie de nos patientes et nous empêchent de progresser scientifiquement. Nous ne pouvons participer à la plupart des topos car nous n'avons pas le droit de pratiquer la plupart des techniques. Nous, Françaises -et je parle au nom de toutes mes patientes, devons faire bouger les choses. Une poignée de parlementaires complètement déconnectés de la réalité ne peut en aucun cas décider de l’avenir des femmes françaises. Voilà, j’espère ne pas être trop confuse, mais c’est un appel spontané vers vous qui me semblez plus proche du quotidien de mes patientes. J’espère que vous serez touchée et que vous pourrez nous aider: mes patientes, mes collègues et moi et puis vous, vos filles et toutes les femmes françaises pénalisées. Bien cordialement Dr Meryl TOLEDANO
Gynécologue médicale spécialisée en fertilité
Installée à Paris
Attachée et consultante à l’Hopital américain
Attachée à l’Hôpital Béclère (AP-HP) en préservation de la fertilité"
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus