Pour lui, c'était une "évidence". Agé de 31 ans, le Dr Elliott Chaumont, médecin urgentiste, a grandi en Outre-mer. Il y a fait ses premières années de médecine, en Guadeloupe et en Martinique, où ses parents vivent toujours. Alors lorsqu'il a entendu l'appel du ministre de la Santé, Olivier Véran, pour venir en aide aux soignants des Antilles - en proie à une résurgence de l'épidémie de Covid liée à un variant Delta largement majoritaire, le jeune homme n'a pas hésité à stopper net ses vacances et à partir presque du jour au lendemain. "C'est là que j'ai grandi, donc c'était d'autant plus important pour moi et puis je connais un peu le terrain", explique-t-il. Comme près de 300 médecins, infirmières, aides-soignantes mais aussi pompiers de la métropole, il s'est envolé vendredi 20 août à bord d'un long courrier direction la Guadeloupe. Arrivé l'après-midi, il y a rejoint les soignants du CH de Basse-Terre, centre administratif et principale ville de l'île. "Ils étaient contents de nous voir arriver, raconte avec émotion le Dr Elliott Chaumont. Le métier d'urgentiste n'est pas de tout repos, mais là, c'est encore pire. On a clairement l'impression qu'ils sont épuisés." Un soulagement des médecins qu'a également constaté Nicolas Bandaly, interne à l'hôpital de Vierzon (Cher), venu en renfort dans l'unité Covid et le service des soins palliatifs de la clinique du centre médico-social de Basse-Terre. Le jeune homme de 27 ans - dont le père urgentiste a réalisé des missions à Fukushima ou encore après le tsunami de 2004 en Haïti - a lui aussi voulu soutenir le corps médical, frappé de plein fouet par cette 4e vague. "La Réserve sanitaire est venue nous aider à l'hôpital de Vierzon lors de la troisième vague, il était normal de rendre la pareille. J'ai reçu un accueil chaleureux de la part de toute l'équipe."
"Impression de guerre" Avec un taux d'incidence stratosphérique, qui a atteint plus de 2.000 / 100.000 habitants mi-août, la Guadeloupe est dans une situation "catastophique", et les établissements de santé peinent à tenir le rythme. "On sent que c'est un service qui est prévu pour un flux beaucoup moins important. Et même si on est plus de médecins, on sent que ça bloque un peu au niveau de la structure, constate le Dr Chaumont en direct des urgences du CH de Basse-Terre. "Je n'ai jamais vu...
autant de patients graves", ajoute le praticien qui exerçait à La Réunion où il y avait "peu de cas" lors des deux premières vagues. "Quand je suis arrivé, ça m'a rappelé la région parisienne lors de la première vague", confie de son côté le Dr Bandaly, face à l'afflux de patients. En 2020, celui qui était encore externe avait en effet passé le début de l'épidémie au Samu de Paris. Il y avait fait de la régulation, mais avait aussi participé au transfert de patients dans les TGV médicalisés déployés au printemps. Depuis une semaine, il rapporte néanmoins des situations inédites. "En réa, au CH, ils ont eu une femme enceinte à qui ils ont fait une césarienne en urgence pour sortir le bébé. Le bébé va bien et n'est pas contaminé, mais la mère est dans une situation très critique", rapporte-t-il.
"On a un peu cette impression d'être à la guerre car ça tourne beaucoup, on a beaucoup d'entrées et de départs : des décès mais aussi des gens qui rentrent chez eux ou vont en rééducation", ajoute le jeune homme originaire de Châteauroux. Sur la semaine du 16 au 22 août, on dénombrait 336 nouvelles hospitalisations pour Covid, dont 51 en réanimation en Guadeloupe. La situation est également critique en ville, relève son confrère, le Dr Chaumont : "Beaucoup de patients nous disent qu'ils ont voulu voir leur médecin traitant avant d'aller aux urgences mais qu'il y avait trop de monde dans les salles d'attente." "Les patients ont peur du Covid, ils arrivent souvent tard par rapport à leurs symptômes, et donc d'autant plus dégradés, déplore l'urgentiste. J'ai une dame de 95 ans qui est arrivée avec une dyspnée très importante. Ça faisait plusieurs jours qu'elle était comme ça mais la famille n'osait pas l'emmener aux urgences de peur qu'elle attrape justement le Covid. Elle est décédée quelques heures plus tard malheureusement." "On a aussi beaucoup de drames familiaux, regrette Nicolas Bandaly, avec plusieurs générations qui peuvent être hospitalisées en unité Covid au même moment, voire même décéder, ce qu'on voyait peu en métropole." "La place est prise dans l'heure" Les indicateurs virologiques montrent cependant une légère amélioration, indique ce jeudi 26 août Santé publique France : le taux d'incidence était de 1.885/100.000 habitants la semaine dernière lorsqu'il atteignait 2.245 du 9 au 15 août ; le nombre de cas positifs était de 7.103 la semaine passée, contre 8.460 cas du 9 au 15 août ; sur la même période, le taux de positivité est passé de 24,5% à 21,1% en une semaine. "Le nombre de passages commence à diminuer un peu, mais il reste toujours conséquent, avec des patients qui ont des formes graves", selon le Dr Chaumont. Le service de réanimation du CH demeure plein même si...
le nombre d'entrées à l'hôpital baisse légèrement. Les 28 lits déployés (il y en a habituellement 5 à 8) sont tous pris. "Dès qu'un patient va mieux ou est transféré, la place est prise dans l'heure, assure-t-il. Les patients qui arrivent aux urgences et nécessiteraient de la réanimation, on les garde, on fait le maximum, et on les transfère dès que possible. Quand on est urgentiste, on sait gérer la réanimation dans les premières heures, mais quand c'est plus long, c'est un peu moins notre formation. On n'est pas toujours très à l'aise." Si les patients contaminés et hospitalisés sont de tout âge, un point commun les relie : pratiquement tous ne sont pas vaccinés, selon les deux médecins. "Quand on demande à la famille pourquoi le patient n'est pas vacciné, on nous répond 'on attend'", déplore son confrère urgentiste. Un seul mot d'ordre pour l'interne en médecine, faire de la pédagogie : "On essaie de faire passer un message aux patients hospitalisés. On leur dit, sans être moralisateurs, parlez-en à vos proches car la vaccination est le seul moyen actuellement qu'on ait pour éviter cet afflux et peut-être des vagues futures." Au 25 août, en Guadeloupe, la couverture vaccinale schéma complet chez les plus de 12 ans et plus était de 23,4% (20,3% de la population générale), indiquait mercredi 25 août SpF, contre 64,1% de la population totale française, selon les chiffres de la Direction générale de la Santé (DGS). "On fait face à une population obèse, avec beaucoup d'hypertension, de diabète, avec des personnes âgées jusqu'à 95 ans qui ne sont pas vaccinées, alors qu'en métropole, on avait l'habitude qu'elles soient bien vaccinées", abonde en ce sens le Dr Chaumont.
L'évolution de la situation reste donc "difficile à prédire", estime l'urgentiste. "Comme ça bloque en réanimation, je pense que ça va mettre du temps à se résorber." Pour tenter d'endiguer l'épidémie, le Gouvernement a décidé, ce mercredi, de prolonger le confinement jusqu'au 19 septembre prochain et de décaler la rentrée scolaire au 13 septembre. Reste à voir si ces mesures produiront rapidement des effets et permettront de faire réduire la tension hospitalière dans les prochains jours. En attendant, "il y a encore besoin de mains dans les hôpitaux", assure Nicolas Bandaly, qui lance un appel à ceux qui voudraient se porter volontaires.
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