Ce mercredi, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a présenté le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2018 au Conseil des ministres. Il met notamment en place un fonds pour le financement des innovations organisationnelles qui suscite bien des convoitises parmi les professionnels de santé tant libéraux que salariés ou hospitaliers.
Pour les médecins libéraux, mais également pour les établissements hospitaliers publics qui auront à fournir un très gros effort de rationalisation de leurs coûts et d'économies en 2018, l'une des principales innovations de ce projet de budget résidera dans la mise en place d'un fonds pour l'innovation organisationnelle. Souhaité et appuyé par MG France autant que par les Généralistes de la CSMF, applaudi par les centres de santé et l'hospitalisation publique et privée, il ne sera doté que de 30 millions d'euros en 2018, alors que de nombreux appétits ont été aiguisés par cette annonce.
Innovations testées sur une durée de cinq ans
Ce fonds devra permettre le financement d'expérimentations relatives à la prise en charge coordonnée du patient, portant à la fois sur l'organisation et la rémunération des actes et des séjours, aussi bien en ville qu'à l'hôpital ou dans le secteur médico-social. Les innovations testées sur une durée de cinq ans, pourront prévoir, par exemple, des paiements globaux pour une séquence complète de soins, ou la prise en charge coordonnée et globale d'une patientèle par des opérateurs de santé. Les projets seront analysés par un conseil stratégique, puis financées par le fonds géré par la CNAM. A l'occasion d'une table ronde au Centre national des professions de santé (CNPS), le 6 octobre dernier, le président de la Fédération de l'hospitalisation privée, Lamine Gharbi, a joué cartes sur table. "Oui, nous voulons nous intéresser aux centres et maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). Oui, nous voulons mettre en place des filières et des réseaux de soins", a-t-il reconnu en moquant les centres de santé, qui veulent confiner les cliniques hors du champ expérimental du fonds, en tant que "tenant du grand capital". "Nous défendons l'idée d'un projet médical qui unit les acteurs sur le terrain, tout en rendant service à la population, a-t-il fait valoir. Face aux GHT (groupements hospitaliers de territoires), il faut une ville extrêmement forte. Il va falloir passer à l'acte, inventer des filières" a plaidé le représentant des cliniques privées, qui n'a pas caché, lors d'une précédente intervention devant ses troupes, réfléchir à un financement au parcours de soins, quelle que soit la porte d'entrée du malade.
"Mais il est peu doté, de quelques millions simplement"
Mais Jean-Paul Ortiz, le président de la Csmf, ne l'entend pas de cette oreille. Car pour lui, les cliniques n'ont pas vocation à monter des MSP sur le terrain. "C'est aux professionnels de santé libéraux d'agir en entrepreneurs des soins de ville pour structurer l'offre dans les territoires" a-t-t-il avancé. Et d'appeler à la réflexion sur la création d'un lieu d'échange d'expérience, peut- être une fédération des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), qui pourrait tenir son rang face aux GHT leur pendant hospitalier. "Un enjeu majeur", pour le président de la Csmf, qui a lancé cet appel en revendiquant "une vraie place pour les syndicats", au-delà des Unions régionales des professions de santé (URPS), qui sont des "outils techniques". Car l'hôpital public, précisément, suit de très près toutes ces discussions. "Nous approuvons la création d'un fonds pour l'innovation organisationnelle", a fait remarquer Cédric Arcos, délégué général adjoint de la FHF, la fédération de l'hospitalistation publique. "Mais il est peu doté, de quelques millions simplement. Nous redoutons le saupoudrage car pour changer les pratiques, il faut investir massivement dans les territoires" a-t-il souligné, taclant au passage les expérimentations Paerpa "trop peu nombreuses, dont le bilan est faible et décevant", ou bien encore, les tentatives de rémunération à la qualité. Un investissement que le gouvernement entend bien faire. Il affiche son intention d'augmenter progressivement la dotation au fonds, d'ici la fin du quinquennat, pour pouvoir mener des évaluations et éventuellement, pérenniser les expérimentations. Et celles-ci semblent à portée de main. Pour Le Dr Michel Varroud-Vial, conseiller médical soins primaires et professions libérales à la DGOS, "le contexte ne se prête pas à ce que le privé gère de bout en bout des populations entières, comme le fait un HMO américain (Health maintenance organisation). Nous ne sommes pas prêts pour cela". Néanmoins, rien ne semble interdit, a-t-il laissé entendre. "Une expérimentation sur un territoire, pourquoi pas ?".
Ondam de + 2,3 %, dont + 2,4 % pour les soins de ville et 2,2 % (en incluant l'augmentation du forfait hospitalier de 2 euros) pour l'hôpital
4,165 milliards d'euros d'économies dont 1,465 milliard concernant la structuration du parcours de soins et l'amélioration de la performance interne des établissements de santé et médico-sociaux, 1,490 milliard sur le médicament et les produits de santé (baisse de prix, développement des génériques, baisse de prix des biosimilaires et des dispositifs médicaux, maîtrise des volumes, remises). S'y ajoutent 335 millions sur la pertinence et la qualité des actes et 240 millions sur la pertinence et l'efficience des prescriptions d'arrêt de travail et de transports et 635 millions d'euros de lutte contre la fraude et autres mesures de poches, dont l'augmentation du forfait hospitalier, la participation des organismes complémentaires au financement de la convention médicale et la gestion dynamique du panier de soins.
Prévention : augmentation progressive du prix du paquet de cigarette qui atteindra 10 euros en novembre 2020 ; amélioration de la couverture vaccinale au travers de l'obligation de passer de 3 à 11 vaccins obligatoires au 1er janvier prochain.
Expérimentation pour l'innovation, déploiement de la télémédecine (fin des expérimentations et généralisation dans le cadre du droit commun) accélération de l'inscription des nouveaux actes au remboursement, notamment effectués en équipe et soutien à l'investissement numérique en santé.
Est ainsi concernée, la mise en place d'un fond pour l'innovation interventionnelle, doté de 30 millions d'euros. Il permettra d'encourager et d'accompagner le déploiement de nouvelles organisations qui améliorent le parcours des patients. Lancement d'expérimentation sur une durée de 5 ans, portant à la fois sur l'organisation et la rémunération des actes et des séjours, tant en ville qu'à l'hôpital ou dans le secteur médico-social. Les installations innovantes en zone sous dotées pourront également bénéficier d'un soutien du fonds.
Meilleure régulation de la liste des produits et prestations, renforcement des dispositifs d'accompagnement et de contrôle pour une juste prestation, lancement d'un nouveau plan d'appui à la transformation du système de santé 2018-2022.
La présentation du PLFSS 2018 au conseil des ministres, a concrétisé la fin d'un cycle, entamé il y a plusieurs semaines, par la Cour des comptes, la commission des comptes de la sécurité sociale, le conseil d'Etat, la consultation des caisses nationales de sécurité sociale (qui avaient nourri le projet, au travers du document annuel Charges et produits, co-signé par les caisses nationales). Vient à présent le début d'un autre cycle, plus politique celui-là. Le projet est actuellement décortiqué et amendé par les commissions ad hoc de l'Assemblée nationale et du Sénat, avant d'être débattu dans les hémicycles, adopté. Et transmis pour finir, au conseil constitutionnel afin de s'appliquer au 1er janvier prochain. Ouf.
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