L'actualité socioprofessionnelle vue par le Dr Alain Trébucq, directeur des publications de Global Média Santé.
Corset
Depuis vingt ans, le taux d’évolution des dépenses d’Assurance maladie, étroitement surveillé par Bercy, s’est toujours situé très en deçà – aux alentours de 2 % – du taux de croissance naturelle des dépenses de santé, de l’ordre de 4 % par an. Ce corsetage budgétaire aurait été une saine démarche dans un pays figurant parmi ceux consacrant la plus forte part de leur produit intérieur brut à la santé s’il s’était accompagné d’une vraie approche qualitative de chasse aux actes inutiles et de rationalisation des parcours de santé. A contrario, strictement comptable, cette gestion ne pouvait qu’aboutir à une paupérisation progressive de l’ensemble du secteur. La crise sanitaire en est le dernier révélateur, mettant en exergue trois faiblesses majeures : l’hôpital d’abord, en sous-investissement chronique, dans lequel l’administratif n’a cessé de progresser, au détriment des soignants ; les industries de santé, ensuite, qui n’ont eu d’autre choix que de se délocaliser pour maintenir leurs ambitions, avec, pour conséquence, la perte de notre indépendance sanitaire ; des soins primaires, enfin, peu intégrés dans le dispositif de réponse à l’urgence sanitaire, témoins d’un système de santé en manque de coordination. Deux sommes faramineuses se font face aujourd’hui : 31 milliards d’euros de déficit prévisionnel pour l’Assurance maladie et 50 milliards de dépenses de santé considérées comme non pertinentes (estimation de l’OCDE). S’il est probable que les entreprises de santé deviennent sans délai un levier de réindustrialisation de la France et de reconquête de notre indépendance sanitaire, les moyens doivent être donnés aux territoires afin qu’à leur échelle se conçoive une organisation ascendante des parcours de santé, partant donc des soins primaires pour assurer enfin une vraie maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
La sélection de la rédaction