"Ne vous laissez pas manipuler" : appel à la "majorité silencieuse des médecins"
Si ce projet de convention soumis par la Cnam aux syndicats de médecins libéraux ne constitue pas encore le "choc d’attractivité que nous espérons tant', il y a "de bonnes choses dans ce texte", souligne un collectif de médecins "qui s'engage pour la convention". Dans une tribune libre publiée en intégralité par Egora, ils appellent la "majorité silencieuse" des médecins à ne pas se laisser emporter dans un "suicide collectif".
"Consœurs et confrères, informez-vous directement pour ne pas vous laisser manipuler ! A lire les réseaux sociaux, il n'y aurait absolument rien de bon dans ce projet de nouvelle convention. Pire, certains nous disent même que le Gouvernement "se moquerait de nous" ! Que ce texte serait "une provocation de plus" ! Que signer signifierait notre reddition et la fin de la médecine libérale …
La réalité est tout autre, loin des excès de certains : si ce projet de convention ne constitue certes pas encore le "choc d’attractivité" que nous espérons tant pour la médecine libérale et que les revalorisations ne sont effectivement qu'un rattrapage de l’inflation... il y a cependant de bonnes choses dans ce texte et la majorité des médecins est pragmatique et se pose les bonnes questions !
Pour certains cette convention serait injuste car "elle divise les médecins", mais de quoi parlent-ils ? Il faut remonter à 1991 pour comprendre ce sujet ! C'est à cette date qu'est commise une erreur majeure : certains de nos représentants ont alors accepté la fermeture du secteur 2 aux médecins non titulaires d’un titre (clinicat), soit la quasi-totalité des généralistes et de nombreux spécialistes. C'est cette mauvaise négociation qui est en grande partie à l’origine de l’absence de marge de manœuvre actuelle des médecins libéraux. Si le projet de nouvelle convention ne revient certes pas sur ce point, peut-être est-il temps de comprendre que c'est la solidarité entre médecins qui nous permettra un jour de sortir de ce mauvais pas désormais bien ancien !
Cette convention comprend-elle de vraies revalorisations ? Oui, le G à 30 et l’APC à 60, une CCAM qui évoluera, et un nouveau forfait médecin traitant qui va dans le bon sens avec la rémunération d'un acte annuel complémentaire individualisé par patient, et non plus un forfait global sur la base de pourcentage, qui rend ainsi bien plus lisible notre travail de prévention auprès de chaque patient. Un effort est également fait sur les assistants médicaux. Il manque cependant encore clairement une ambition sur les consultations complexes, et un espace de liberté tarifaire nécessaire pour investir, nous y reviendrons. La majorité silencieuse des médecins se pose une troisième question, pragmatique : que gagnerait la profession à ne pas signer ? En quoi rester à 26,5 euros pendant encore plusieurs années améliorerait notre situation ?
Alors certains rêvent du grand soir. Difficile d’y croire quand on pense que le simple appel à anticiper la revalorisation à 30 euros a été si peu suivi (1500 médecins…).
Un déconventionnement collectif qui ferait pression sur l’Etat ?! Cela serait en réalité un suicide collectif tant le déconventionnement coûterait cher à une majorité de médecins et maintiendrait les autres à un tarif non revalorisé. Analyser nos capacités réelles d’action est essentiel avant d’entraîner certains dans des actes extrêmes et désespérés. La médecine à deux vitesses, le gouvernement actuel en rêve peut-être mais ne saurait en tout cas jamais l'assumer. En faisant la promotion du secteur 3, certains risquent de précipiter ce désinvestissement de l’Etat dans la médecine de ville et paupériser la médecine conventionnée, sans bénéfice pour la majorité des médecins.
Et que dire de la communication de notre profession autour de ces aléas conventionnels ? La demande de consultation à 50 euros a confisqué le débat sur la rémunération et non sur le financement et la modernisation de nos entreprises libérales. Elle a occulté la nécessaire revalorisation des consultations complexes qui était bien plus ambitieuse dans la première mouture et bien plus entendable dans le débat grand public. L’absence de pédagogie et de concertation dans notre communication en tant que médecins libéraux ont contribué à réduire notre capacité d’action.
Tant que nous ferons l’erreur de croire que l’opinion majoritaire est le fruit du miroir déformant des réseaux sociaux, nous donnerons un écho démesuré aux extrêmes et aurons un message inaudible et une com’ inefficace.
Rappelons-nous aussi qu'aucune convention n'a maintenu pendant 5 ans le même tarif sauf depuis cette nouvelle stratégie d'opposition systématique... Et qu’aucun avenant n’est possible pendant la durée du règlement arbitral. Et que détruire le processus de négociation conventionnelle revient à laisser notre sort entre les mains des parlementaires. Ceux qui souhaitent nous le faire croire, manquent de recul ou tentent de nous manipuler! Une convention vit, s’adapte et évolue.
Une fois cette convention signée, quels moyens d’action pour la profession ?
- continuer à s’investir dans l’organisation des territoires et favoriser les installations.
- faire vivre la convention, en obtenant d’autres consultations complexes, allant dans le sens de ce qu’est devenu notre exercice.
- moderniser notre pratique par une démarche proactive en dépistage, prévention et santé publique, en maximisant le nouveau forfait médecin traitant et en intégrant les assistants médicaux dans nos cabinets.
- se battre pour un espace de liberté tarifaire.
Ce dernier point est essentiel.
Comment solvabiliser les patients tout en impliquant la part complémentaire à investir dans la qualité et la modernisation de nos pratiques ?
Comment faire une communication grand public, comme d’autres professions savent très bien le faire, pour faire passer cette idée dans le débat et montrer comment les patients en tireraient un grand bienfait: une médecine de qualité, avec des cabinets modernes et des équipes autour des médecins libéraux ?
Pour cela, malgré sa lassitude bien compréhensible, il faut que la majorité silencieuse se réveille. Volontarisme et pragmatisme contre défaitisme et extrémisme.
Il n’est que temps.
Si vous voulez rajouter votre signature à cette tribune, contactez nous à fairevivrelaconvention2024@gmail.com"
Les signataires
Dr Mickael Riahi, généraliste, Paris (75)
Dr Bertrand Legrand, généraliste, Tourcoing (59)
Dr Yannick Frezet, généraliste, Rive-de-Gier (42)
Dr Nadia Simon, généraliste, Pleneuf-Val-Andre (22)
Dr Sophie Richter-Max, généraliste, Montigny les Metz (57)
Dr Emmanuel BOIGE, généraliste, La Teste de Buch (33)
Dr Guy URSULE , Psychiatre,Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
Dr Cécile Drugeon, généraliste , Villeneuve sur Lot (47)
Dr Augustin Vallet, généraliste, Batselicaccia (Corse)
Dr Sigolène Roumieu, généraliste, Paris (75)
Dr Damien Beligne, généraliste, Moret Loing et Orvanne (77)
Dr François Verdon, généraliste, La Gaubretiere (85)
Dr Georges Siavellis, généraliste, Noisy-le-sec (93)
Dr Jérôme Bittan, généraliste, Paris (75)
Dr Pascal Biltz, généraliste, Paris (75)
Dr Patrick Assyag, cardiologue, Paris (75)
Dr Jean Paul Armand, généraliste, Valenton (94)
Dr Veronique Pasquali, cardiologue, Gentilly (77)
Dr Mathieu Blondet, généraliste, Le Havre (76)
Dr Florence Doury Panchout, spécialiste en MPR, Blois (41)
Dr François Verdon, généraliste, La Gaubretiere (85)
Dr Marc Sylvestre, psychiatre, Suresnes (92)
Dr Emmanuel de Poix, généraliste, Le Palais (56)
Dr Romain Mivielle , généraliste, Lormont (33)
Dr Jean-Philippe Mesa, généraliste, Loudun (86)
Dr Jean-Luc Leymarie, généraliste, Rueil-Malmaison (92)
Dr Michèle De Boynes, généraliste, Villers Cotterets (02)
Dr Marc Hung, généraliste, Villeneuve-sur-Lot (87)
Dr Pierre-Henri Mailhes, généraliste, Dole (39)
Dr Anne-Marie Ladeveze-Cayla, généraliste, La Montagne (46)
Dr Marianne Szapiro, généraliste, Mons-en- Baroeul (59)
Dr Jean-Brice de Bary, généraliste , Mandre-les-Roses (94)
Dr Delphine Messabihi, généraliste, Villeneuve d’Ascq (59)
Dr Jean Louis Berthe, généraliste, Tarbes (65)
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