Les allergologues s’intéressent de plus en plus au microbiote dans les allergies alimentaires. A cela, plusieurs raisons. En premier lieu, "les facteurs environnementaux associés au développement de l’allergie : accroissement des naissances par césarienne, réduction de l’allaitement maternel, excès d’asepsie… influencent aussi la composition du microbiote intestinal", a expliqué le Dr Bertrand Evrard (Service d’immunologie biologique, CHU de Clermont-Ferrand). Par ailleurs, "dans les modèles murins, l’administration d’un microbiote « allergique », à une souris axénique augmente le risque qu’elle devienne allergique", a indiqué le Dr Carine Billard-Larue, allergologue à Meaux (77). "Lors de la fermentation, les bactéries du microbiote produisent aussi des métabolites, notamment des acides gras à chaîne courte comme le butyrate, qui ont été associés à une protection contre les allergies alimentaires chez la souris." Un des mécanismes évoqués, au vu notamment des études animales, voit dans l’altération du microbiote intestinal (dysbiose), consécutive aux modifications environnementales, la cause d'un défaut de maturation du système immunitaire des muqueuses, avec altération de lymphocytes T régulateurs, induisant ainsi un déséquilibre de la balance Th1/Th2 en faveur de l’allergie. Une autre hypothèse, dite de l’exposition duale aux allergènes, suggère "qu’une sensibilisation aux aliments se produirait tôt dans la vie via une exposition par voie cutanée à de faibles doses d’allergènes, alors que la consommation précoce de protéines alimentaires induirait plutôt une tolérance orale", a ajouté le Dr Evrard. Le microbiote intestinal participerait à l’instauration de cette tolérance orale. Probiotiques : pas de preuve formelle d’efficacité Il semble en tout cas que, si l’on veut un jour utiliser le microbiote comme outil thérapeutique dans les allergies alimentaires, la meilleure fenêtre d’opportunité pour agir soit la période de quelques années suivant la naissance, où le microbiote intestinal s’installe progressivement pour acquérir ses caractéristiques adultes, avec une flore dominée par la présence de Firmicutes et de Bacteroïdetes. Reste qu’on manque d’informations précises pour proposer des stratégies concrètes d’intervention. Certes, le microbiote intestinal est globalement moins diversifié chez les personnes allergiques que chez les non allergiques, et des travaux ont révélé que la richesse du microbiote à 3 mois en Firmicutes phylum et Clostridia est corrélée à la non persistance d’une allergie au lait avec l’âge. Mais "pour l’instant, les études ayant porté sur l’administration à titre préventif ou thérapeutique de probiotiques n’ont pas démontré l’intérêt espéré", a reconnu le Dr Billard-Larue. Un essai a suggéré qu’une administration combinée de Lactobacillis Rhamnosis GG à une immunothérapie orale à l’arachide a un effet protecteur vis-à-vis de ces allergies en comparaison d’un placebo. "Mais, il est difficile d’apprécier le rôle du probiotique, les effets de l’immunothérapie en monothérapie n’ayant pas été comparés au placebo", a-t-elle ajouté. "Seule une étude est intéressante pour l’utilisation de Lactobacillis Rhamnosis GG dans l’accélération de la guérison de l’allergie aux protéines du lait de vache." Dysbiose cutanée dans la dermatite atopique Quoi qu’il en soit, les allergologues réfléchissent à d’autres approches thérapeutiques en dehors des probiotiques : utilisation de prébiotiques, régimes alimentaires riches en fibres pour modifier le microbiote intestinal, transplantation de microbiote vaginal chez les bébés nés par césarienne, voire transplantation de microbiote fécal dans des allergies alimentaires sévères. Ils étudient aussi... la place du microbiote cutané dans la dermatite atopique. "Ce microbiote est déséquilibré dans cette affection cutanée avec une abondance de staphylocoques jusque 100 fois plus importante que sur une peau normale", a rapporté le Dr Audrey Nosbaum, dermatologue au centre hospitalier Lyon Sud. "Une étude métagénomique chez des enfants a également suggéré que certains staphylocoques comme S. aureus pourraient favoriser les poussées tandis que d’autres comme S. epidermidis pourraient avoir une action protectrice." D’où l’idée de neutraliser les facteurs de virulence des staphylocoques aux effets délétères pour la peau, ou de concevoir une bactériothérapie pour isoler et appliquer les souches protectrices pour rééquilibrer la dysbiose cutanée.
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