En 1975, on estimait qu’un enfant sur 5000 était autiste. Le chiffre a progressivement augmenté pour atteindre en 2009 1 enfant sur 110, a rappelé le Pr David Cohen, pédopsychiatre, chef de service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris), lors des Journées Parisiennes de Pédiatrie (JPP, 30 septembre- 1er octobre). Assiste-on à une réelle augmentation de la prévalence des pathologies du spectre de l’autisme ? Selon ce spécialiste, « le meilleur repérage diagnostic, la détection plus précoce, la meilleure connaissance de la pathologie et l’élargissement des critères entre le DSM-III et IV et le DSM-V » permettent d’identifier plus de cas. La classification de l’autisme a été modifiée. Les troubles autistiques, syndrome d’Asperger, trouble désintégratif de l’enfance et troubles envahissant du développement non spécifiés sont remplacés par les « troubles du spectre autistique » (TSA) dans le DSM-V. Toutes ces pathologies sont liés à une dysfonction précoce du cerveau ou par un impact précoce sur le neurodéveloppement. Cependant, l’amélioration des réanimations néonatales et une exposition à des toxiques de plus en plus nombreux (diabète gestationnel, obésité de la mère, pollution atmosphérique) conduisent à une réelle augmentation des cas selon le spécialiste. De plus, on assiste à une « aspergisation » des temps modernes avec la montée des objets connectés qui s’accompagne d’un repli sur soi plus important. L’augmentation est plus importante dans les pays socio-économiques les plus élevés. De multiples causes possibles Concernant la part de la génétique, une analyse (Anttila V. et al. Science 2018) portant sur 265 218 patients et 784 643 participants témoins a étudié les variants génétiques de 25 troubles cérébraux. Les résultats ont montré que les troubles psychiatriques présentent un risque de variant commun, tandis que les troubles neurologiques semblent plus distincts les uns des autres et des troubles psychiatriques. Plus de 100 gènes de risque ont été impliqués, avec des mutations rares, souvent de novo. Ils convergent vers les mêmes mécanismes, tels que la régulation des gènes et la connectivité synaptique. Cependant le Pr Cohen souligne qu’il n’y pas de gènes spécifiques de l’autisme. On parle de calcul de risque mais il persiste beaucoup d’incertitudes. Il insiste sur les facteurs environnementaux qui vont avoir un effet sur le développement et la maturation cérébrale précoce et s’interroge sur le rôle de l’âge de plus en plus tardif des parents à la naissance de l’enfant. Il met également en exergue l’utilisation du valproate, de l’alcool, de la thalidomide, de la souffrance périnatale, et des encéphalites précoces. L’effet des privations et des migrations pourraient, de plus, jouer un rôle dans les troubles du développement cérébral. On constate, en effet, un nombre plus important d’autistes chez les enfants issus de l’immigration ou adoptés. Enfin, la pollution - lié à l’augmentation des petites particules – pourrait aussi avoir un impact. Diagnostic et prise en charge précoce Le diagnostic avant 2 ans est difficile. Il se fait le plus souvent vers 4-5 ans. Quelques signes discrets peuvent être observés précocement, mais ils sont souvent non spécifiques. Une étude a ainsi porté sur ce sujet en se fondant sur des films de famille avec des enfants bébés, qui ont été diagnostiqués ultérieurement autistes. Ces films ont été revus de façon rétrospective et comparés à ceux d’enfants bien portants ou avec un retard intellectuel. Il y avait trois groupes d’âge : moins de 6 mois, 6-12 mois et 12-18 mois. Le comportement des bébés et des parents ainsi que les interactions du parent vers l’enfant et inversement ont été analysés. Il n’est apparu aucune différence entre les parents d’enfants « normaux » et ceux de bébés qui ont été diagnostiqués ultérieurement autistes, leur comportement était strictement normal. Cependant, les films ont montré qu’à partir du troisième semestre, les parents des bébés à devenir autistique avaient un comportement assez spécifique par une hyperstimulation de leur enfant. Du côté du bébé, il y avait moins de comportements intersubjectifs. « Les parents sentent très tôt le déficit de réponse à leur sollicitation et essaient de surmonter cette difficulté en utilisant le toucher et des surstimulations vocales, qu’on appelle la up-regulation », explique le Pr Cohen. Entre 1 an et 18 mois, on observe de plus la présence plus marquée du père, la mère se décourageant un peu. Ainsi,il est difficile de faire un diagnostic précoce, c’est-à-dire avant 2 ans. On parle plutôt d’un diagnostic de risque, qui doit conduire à consulter des experts capables d’accompagner les familles. Le Pr Cohen recommande une prise en charge intensive avec le maximum d’intégration en milieu ordinaire et impliquant les parents de manière active. Cette prise en charge, fondée sur des soins comportementaux, doit débuter le plus tôt possible après le diagnostic. Elle requiert au moins trois ou quatre heures de soins quotidiens. Elle est à adapter aux réponses de l’enfant. Il s’agit, en particulier, d’encourager la communication spontanée, de promouvoir les aptitudes via des jeux avec les pairs, de positiver la réussite plutôt que punir les comportements-défis. Le Pr Cohen cite aussi la musicothérapie, l’équithérapie comme aides non négligeables aux enfants autistes. Le suivi doit être régulier, tous les six mois, afin de revoir l’objectif en fonction de l’évolution
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