Baclofène : une supériorité de 20% par rapport au placebo

20/03/2017 Par Marielle Ammouche
Addictologie

Les résultats définitifs des deux études évaluant l’efficacité du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolisme, ont été rendus public le 17 mars, dans le cadre des Journées de la Société Française d’alcoologie (Paris 15-17 mars 2017)

Il s’agit tout d’abord de l’étude Bacloville, étude multicentrique, randomisée, comparative en double insu versus placebo lancée en mai 2012, qui avait pour objectif principal d’évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi du baclofène à fortes doses sur la consommation d’alcool en milieu ambulatoire (médecins généralistes). Le baclofène est un agoniste sélectif des récepteurs Gaba-B. Il a été initialement développé comme anti-épileptique, puis utilisé dans le traitement de la spasticité neuroogique jusqu’à la dose de 80 mg/j. Il permet de réduire la consommation en agissant sur le craving, besoin irrésistible de boire, ce qui permet aux patients de devenir indifférents à l’alcool, tout en leur conservant la possibilité de boire un verre ou deux s’ils le désirent.   Bacloville   Bacloville a inclus 320 patients volontaires âgés de 18 à 65 ans, ayant présenté des troubles liés à la consommation d'alcool les 3 derniers mois précédant l’essai, et ne prenant pas de traitement de sevrage ou de prévention des rechutes. Il ne leur a pas été demandé d'arrêter de boire. "C'est une étude pragmatique incluant quasiment tout patient ayant une demande de prise en charge pour problèmes d'alcool et quels que soient les antécédents, les pathologies, les traitements psychotropes" complète l’AP-HP, qui a promu cette étude. Le critère principal d’évaluation était une abstinence ou une consommation médicalement correcte (selon les critères de l'Organisation mondiale de la santé) au 12ème mois de traitement. D'après les résultats préliminaires présentés au dernier congrès mondial d’alcoologie (septembre 2016), ce critère a été atteint par 56,8% des patients sous baclofène contre 36,5% dans le groupe placebo. Les analyses secondaires, qui viennent d’être dévoilés par le Pr Philippe Jaury (Paris), confirment les premiers résultats, en montrant une supériorité du baclofène de 20% par rapport au placebo, au 12ème mois de traitement. Concernant la tolérance, l’étude n’a...  pas mis en évidence de différence significative entre les effets secondaires courants observés sous baclofène (93%) et ceux sous placebo (87%). En revanche, on observait plus d'effets indésirables graves (insomnie, somnolence et dépression) avec le baclofène (44%) comparé au placebo (31%). Pour les patients ayant eu au moins un événement indésirable grave potentiellement relié au traitement, la différence était aussi significative (19% contre 7%).  

Alpadir : efficacité sur la réduction de la consommation mais pas sur le maintien de l’abstinence

  L’étude Alpadir, promue par Ethypharm  qui commercialise le baclofène,  a aussi permis de conforter les données d’efficacité et de tolérance de cette molécule sur 320 patients. A la différence de Bacloville, Alpadir avait pour critère primaire l’abstinence et a été réalisée en centres d’addictologie de ville ou hospitaliers. Les sujets devaient avoir déjà fait au moins une tentative de sevrage et étaient désireux de maintenir une abstinence complète et durable après sevrage. Ils devaient avoir stoppé toute consommation d’alcool entre 3 et 14 jours avant la visite d’inclusion. Les résultats d’Alpadir ont été présentés par le Pr Michel Reynaud (Villejuif, 94). L’étude a duré 7 mois et a comparé 158 patients sous baclofène à la dose de 180 mg/jour et 162 sous placebo. Il en ressort que le traitement par baclofène ne s’est pas montré supérieur au placebo, sur le critère primaire de l’abstinence : vraisemblablement parce que les attentes des patients étaient plus tournées vers une diminution de la consommation, explique le Pr Reynaud. Et en effet, la baisse de consommation d’alcool observée était plus importante dans le groupe traité par baclofène et encore plus marquée chez les buveurs à haut risque (plus de 4 verres/jour pour les femmes, plus de 6 pour les hommes). "Des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 4,5 avec le placebo", détaille-t-il. Sur le plan de la tolérance, aucun effet indésirable grave n'a été relevé, mais les participants avaient été sélectionnés pour écarter les plus atteints (cirrhose avancée...) ou ceux ayant des antécédents suicidaires ou ayant d’autres conduites addictives. Enfin, les résultats d’une... troisième étude réalisée par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et l’Ansm portant sur la sécurité du baclofène, devraient aussi être bientôt présentés.  

Désormais, en première intention

  L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) a renouvelé pour une durée d’un an la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) du baclofène, qui lui avait été accordée en mars 2014. Elle a aussi élaboré, avec deux comités experts, un nouveau protocole de traitement et de suivi des patients. En effet, au cours de ces trois dernières années, un peu plus de 7 000 patients seulement ont été enregistrés, indiquait l'Ansm le 16 mars. Mais en réalité, un nombre beaucoup plus important de patients en bénéficient. Compte-tenu de ce "faible taux d’adhésion des professionnels de santé au dispositif et de la notion d’une utilisation persistante non encadrée (hors RTU) du baclofène chez des patients alcoolo-dépendants", l’Ansm a procédé à une révision de la RTU. Et, jusqu’à présent, la prescription du baclofène n'était autorisée qu'"après échec des autres traitements disponibles". Dans le cadre des nouvelles modalités de traitement applicables pour cette RTU, le baclofène pourra désormais être prescrit "en première intention dans les deux situations suivantes : aide au maintien de l’abstinence après sevrage ; et réduction de la consommation d’alcool". La prudence est toutefois recommandée en cas de prescription à des patients présentant des troubles psychiatriques en raison d'un risque d'aggravation. Des précautions doivent également être prises chez les patients épileptiques, selon l'agence sanitaire. Le laboratoire Ethypharm a annoncé qu'il comptait déposer "d'ici fin mars" une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour son produit en France pour cet usage.

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