Après les recommandations américaines et maintenant européennes, des experts français travaillent sur un texte qui devrait être rendu public en décembre prochain.
Le Dr Thierry Denolle, président de la Société française d’hypertension artérielle (Sfhta), donne son point de vue sur les principales actualités du congrès. Egora : Que pensez-vous de ces nouvelles recommandations européennes de prise en charge de l’HTA ? Dr Thierry Denolle : Les recommandations américaines de 2017 ont préconisé un seuil de 130/80 mm Hg pour le diagnostic de l’HTA. Depuis les recommandations européennes ont été présentées à l’ESH le 8 juin 2018. Elles ont quelques points communs avec le texte américain même si elles vont moins loin, et préconisent désormais une bithérapie d’emblée chez la plupart des hypertendus. La Société française d’hypertension artérielle (Sfhta) a pris bonne note de ces recommandations. Deux groupes de travail ont été formés pour les étudier, notamment les recommandations européennes auxquelles certains hypertensiologues français ont participé, en s’appuyant sur les spécificités de l’HTA en France. Ces experts rendront leurs conclusions les 13 et 14 décembre 2018 à Paris lors des prochaines Journées de l’hypertension artérielle. En attendant, les recommandations proposées en 2013 par la Sfhta et reprises par la Haute autorité de santé (HAS) demeurent la référence. Quelles sont les principales actualités en matière d’HTA ? Elles sont mauvaises s’agissant de l’HTA en France. La prise en charge de cette affcetion se dégrade depuis 10 ans dans notre pays, avec comme l’ont bien montré les dernières données de l’étude FLAHS 2017 et une étude observationnelle de Santé publique France, un taux de patients contrôlés représentant à peine la moitié des patients hypertendus traités, et un équilibre tensionnel global insuffisant. Les raisons de cet état de fait sont diverses : mauvaise observance du traitement souvent liée à une mauvaise compréhension de la maladie, intolérance au traitement, prise en charge thérapeutique insuffisante. En décembre 2017, lors des Journées de l’HTA, nous avons publié un livre blanc avec une liste de préconisations pour améliorer cette prise en charge. Depuis, nous avons rencontré des responsables de la HAS, de la Caisse nationale d’assurance maladie et nous sommes en relation avec des responsables de la Direction générale de la santé. Nous avons bien avancé et pensons que ces échanges pourront déboucher prochainement sur des propositions d’amélioration concrètes. Que pensez-vous des résultats de l’essai Radiance-HTN Solo ? Bien qu’elle ait porté sur relativement peu de patients, cette étude est très intéressante. Elle suggère en effet que la dénervation rénale pourrait représenter une nouvelle perspective thérapeutique chez les patients hypertendus. Il n’est pas au goût du jour de la réaliser en routine, et les recommandations européennes considèrent d’ailleurs qu’on ne dispose pas de suffisamment de preuves d’efficacité et de sécurité pour la proposer en dehors des essais cliniques randomisés. Mais, c’est une option à étudier, car les dernières études réalisées mettent toutes en évidence une baisse de 5 à 8 mm Hg de la PAS. Ce qui n’est pas négligeable, même si ces chiffres sont moins spectaculaires que ce qui avait été rapporté initialement dans les premières études américaines Symplicity HTN-1 et HTN-2 conduites dans l’HTA résistante. Après Symplicity HTN-3, qui a été négative et où aucun effet de baisse tensionnel n’a été relevé, des résultats positifs ont été retrouvés dans l’étude française Dener-HTN conduite également dans l’HTA résistante, puis dans les études Spyral, réalisées cette fois ci non chez des patients avec une HTA résistante, mais chez des patients mal équilibrés sous 1 à 3 médicaments. Plusieurs présentations s’intéressaient au congrès de l’ESH à la question de l’HTA chez les patients avec une fibrillation atriale. Pourquoi cela ? Ce sujet est important en pratique. Les patients hypertendus développent plus souvent une fibrillation atriale, ce qui majore encore le risque d’apparition d’un AVC chez eux. En outre, chez ces patients en raison du trouble du rythme, la mesure de la pression artérielle est moins fiable. Par ailleurs, l’HTA augmente le risque de complications hémorragiques sous médicament anticoagulant, en particulier sous médicament antivitamine K. Nous consacrerons une session entière à ce thème lors de nos prochaines journées d’HTA en décembre 2018.
L’étude, qu’a effectuée Santé Publique France en 2015-2016 sur un échantillon de 2169 adultes de 18 à 74 ans, à 42,2 % de sexe masculin, n’est guère encourageante (A.L. Perrine et coll., Saint-Maurice, France). Dans cette population, soumise à au moins 2 mesures de la PA à l’occasion d’un examen de santé, la prévalence de l’HTA (140/90 mmHg) a été estimée à 30,6 % globalement, soit 36,5 % chez les hommes et 25,1 % chez les femmes. Parmi les sujets hypertendus, 47,3 % étaient traités par un médicament anti-hypertenseur, et seulement 49,6 % des patients traités étaient globalement contrôlés sur le plan tensionnel (41,4 % chez les hommes, 60,1 % chez les femmes). Trente-huit pour cent des malades étaient dépourvus d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, tandis que 36 % en présentait un (le plus souvent alors un comportement sédentaire ou une obésité) et que 20 % en avaient deux. La comparaison des chiffres avec l’étude de 2006, qui avait utilisé la même méthodologie, a confirmé que la prévalence de l’HTA était stable (p = 0,90) dans notre pays et que la proportion de patients traités et contrôlés n’avait pas évolué significativement en 10 ans (p = respectivement 0,11 et 0,84).
Les auteurs ont estimé qu’au seuil de définition de 130/80 mm Hg pour l’HTA, la prévalence de celle-ci s’élèverait à 48,8 % de la population et que le taux de contrôle s’abaisserait à 19,2 %.
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