Covid : Epidémiologie, traitements… Les pneumologues font le point au congrès de l’ERS

23/09/2020 Par Corinne Tutin
Pneumologie

Organisé du 6 au 9 septembre 2020, le congrès digital de la Société européenne des maladies respiratoires (European Respiratory Society, ERS) a bien sûr consacré une large place à l’infection Covid-19.   Avec plus de 940 000 décès et presque 30 millions de personnes contaminées le 18 septembre 2020, la pandémie Covid-19 reste au cœur des préoccupations sanitaires mondiales. Le Pr Tobias Welte (Medizinische Hochschule, Hanovre), ancien président de l’European Respiratory Society (ERS), a toutefois émis un signal optimiste en indiquant que dans beaucoup de régions du globe, le rythme des infections se ralentit et que « le taux de décès parmi les patients avec une infection confirmée se situe désormais en dessous de 5 % et même souvent de 3 % alors qu’il était de 10 à 15 % au début de la pandémie ».  L’âge des patients, globalement plus jeunes aujourd’hui, intervient mais n’explique pas tout ; les facteurs climatiques ne semblent pas en cause, car cette réduction a été observée dans l’hémisphère sud pendant l’hiver austral ; la diffusion sur le globe de mutations qui auraient pu diminuer la virulence du Sars-COv-2 est mal évaluée. Le Pr Welte a insisté sur le fait que « l’augmentation de mortalité vue au printemps en Italie, en Espagne, en France et en Grande-Bretagne est davantage en rapport avec les difficultés rencontrées par les systèmes de santé qu’avec la virulence du germe ». La moitié des décès étaient associés à des pathologies, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux traités de façon inappropriée. En Allemagne, aucune surmortalité n’a été déplorée. Le fait que le pays dispose de moyens de réanimation importants n’y est pas étranger, « car une étude récente vient de mettre en évidence une corrélation étroite entre nombre de lits en soins intensifs et décès par infection Covid-19 », a expliqué le Pr Welte. Mais, l’infection arrivant plus tardivement, l’Allemagne a pu aussi mettre en place plus précocement des mesures de prévention. « Des différences sociales ont pu, par ailleurs, intervenir. En Allemagne, le nombre de foyers avec une seule personne est 6 fois plus important qu’en Italie et les habitants disposent de 2,5 fois plus d’espace », a fait remarquer le Pr Welte.

  Une meilleure prise en charge La prise en charge ventilatoire des patients s’est améliorée. « Lorsque, les patients ne répondent pas à une oxygénothérapie à faible dose au masque (indice de saturation en oxygène restant inférieur à 92 %), on utilise plus volontiers en secteur médical des techniques comme l’HFNC (High Flow Nasal Cannula) où de l’oxygène à haut débit est délivré au patient grâce à une canule nasale, la ventilation en pression positive continue (Continuous Positive Airway Pressure ou CPAP), ou la ventilation non invasive au masque », a souligné le Dr Paolo Navalesi  (Hôpital universitaire de Padoue). Ces techniques, qui ont été beaucoup utilisées au printemps 2020 en Italie faute...

d’unités de soins intensifs, permettent d’éviter chez la majorité des patients une ventilation invasive avec intubation. Le risque d’infection des soignants peut être maîtrisé en respectant des mesures strictes pour prévenir l’aérosolisation du virus autour des malades (masque...). «  Ce taux est inférieur à 1 à 2 % à Padoue », a signalé le Dr Navalesi. Les méthodes de ventilation invasive, toujours indispensables chez les patients sévères, seront adaptées en fonction des lésions pulmonaires, du poids, avec des durées d’intubation pas trop longues. L’oxygénation extracorporelle par Extracorporeal membrane oxygenation (ECMO) peut sauver des malades et donne, selon une étude française, les mêmes résultats, dans l’infection Covid-19, que dans les autres pathologies avec détresse respiratoire aiguë. « Mais, elle nécessite d’importantes ressources, en particulier humaines, parfois difficiles à mobiliser », a reconnu le Dr Navalesi. L’anticoagulation a permis de réduire la mortalité chez les patients infectés. Comme l’a montré une série française dès avril 2020, environ un tiers d’entre eux présentent en effet une thrombose, artérielle ou veineuse (1). Un phénomène qui semble être lié à l’affinité du Sars-CoV-2 pour le récepteur ACE2, la liaison étant à l’origine d’une inflammation incontrôlée avec rupture de la barrière alvéolo-capillaire. « Malheureusement, on ne sait pas encore parfaitement quelle anticoagulation administrer », a reconnu le Dr Maxime Patout (CHU de Rouen).  Des algorithmes proposent une anticoagulation à titre prophylactique dans les infections modérées sans inflammation marquée et/ou hypercoagulabilité, et une anticoagulation thérapeutique dans les infections sévères ou avec inflammation ou hypercoagulabilité. « Mais, ils ne sont pas encore validés », a expliqué le Dr Patout.

  Indications de la corticothérapie variables selon le profil clinique Si les infections Covid-19 guérissent chez la majorité des patients au décours de la première phase virale, chez une minorité, le développement de la pneumonie s’accompagne d’une inflammation excessive. L’étude britannique Recovery, qui a inclus plus de 6400 patients (et qui a aussi analysé les effets de l’hydroxychloroquine, de l’azithromycine et du lopinavir-rinovarir) a révélé que la dexaméthasone à la dose de 6 mg/j réduit globalement de 17 % la mortalité à 28 jours (p = 0,0007), mais avec de fortes différences selon les patients, a rapporté le Dr Richard Haynes (Université d’Oxford, Royaume-Uni) (2). Les 24 % des patients n’ayant pas eu besoin d’oxygène ne tiraient pas bénéfice de la corticothérapie (et présentaient même une mortalité accrue de 19 % en comparaison du placebo). En revanche, la mortalité était abaissée de 18 % sous dexaméthasone chez les 61 % de patients traités par oxygénothérapie seule et réduite de 36 % chez les 15 % de patients ventilés ou ayant eu une ECMO. « Ces différences sont mal expliquées,  mais le profil des patients n’ayant pas besoin d’oxygénothérapie diffère par leur âge ou d’autres caractéristiques de ceux ayant besoin d’oxygène ou d’une ventilation », a souligné le Dr Haynes qui a conseillé de « débuter la corticothérapie en même temps que l’oxygénothérapie ». L’IL6 paraissant jouer un rôle important dans l’inflammation associée au Covid-19...

 des anti-IL6 comme le tocilizumab, et le sarilumab ont été largement utilisés chez des patients en état critique. L’étude Covacta, entreprise sur 450 patients avec une pneumonie sévère, n’a toutefois pas abouti à des résultats significatifs statistiquement en termes d’amélioration clinique (malgré un accroissement de 19 %) et de mortalité à 4 semaines sous tocilizumab. « Une deuxième randomisation est prévue dans l’étude Recovery, chez des patients en hypoxie et avec un état inflammatoire, pour analyser l’effet de cet anti-IL6 sur un grand nombre de patients », a complété le Dr Haynes. De nombreux médicaments mis sur le marché, dotés d’activité antivirale potentielle, ont été testés. « Le remdesivir a démontré une efficacité, l’hydroxychloroquine et le lopinavir/ritonavir un manque d’efficacité au vu des essais Recovery et Solidarity », a expliqué le Pr John Beigel (National Institute of Allergy and Infectious Diseases, Bethesda, États-Unis), lequel est le premier auteur de l’étude randomisée menée avec le remdesivir sur 1063 patients (3). En fait, l’administration intraveineuse durant 9 jours de remdesivir (200 mg en dose de charge puis 100 mg/j) a certes démontré sa capacité de réduire le nombre de jours d’hospitalisation (11 contre 15, p < 0,001) (critère de jugement primaire de l’essai). En revanche, l’effet était non significatif sur la mortalité même si les chiffres de décès étaient plus bas à 14 jours (7,1 % contre 11,9 %). Beaucoup d’autres antiviraux sont en développement clinique, comme le favipiravir oral. « Les interférons pourraient aussi être bénéfiques au début de la maladie ».

Les injections de plasma de convalescents contenant des anticorps ont suscité des espoirs après de premières séries chinoise et américaine. « On ne peut cependant recommander ces injections en dehors des essais cliniques car, depuis, un essai randomisé sur 103 patients a échoué à trouver un bénéfice global de ce traitement en termes d’amélioration clinique ou de mortalité », a mentionné le Dr Patout (4).  

Références:
1) Leonard-Lorant I, et al. Radiology. 2020 Apr 23 : 201561.
2) The Recovery Collaborative Group. N Engl J Med. 2020 Jul 17 : NEJMoa2021436.
3) Beigel J, et al. N Engl J Med. 2020 May 22. DOI : 10.1056/NEJMoa2007764
4) Ling Li, et al. JAMA. 2020 ; 324(5) :460-470.

Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?

M A G

M A G

Non

Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus

0 commentaire
5 débatteurs en ligne5 en ligne





 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Enquête
Soirées d'intégration en médecine : le bizutage a-t-il vraiment disparu ?
02/10/2024
2
Concours pluripro
Maisons de santé
Objectif 4000 maisons de santé : les enjeux des prochaines négociations conventionnelles
07/11/2024
2
Podcast Histoire
"Elle aurait fait marcher un régiment" : écoutez l’histoire de Nicole Girard-Mangin, seule médecin française...
11/11/2024
0
Histoire
Un médecin dans les entrailles de Paris : l'étude inédite de Philippe Charlier dans les Catacombes
12/07/2024
1
Portrait
"On a parfois l’impression d’être moins écoutés que les étudiants en médecine" : les confidences du Doyen des...
23/10/2024
5
La Revue du Praticien
Addictologie
Effets de l’alcool sur la santé : le vrai du faux !
20/06/2024
2