Ainsi, le principal facteur de risque de développer la maladie de Parkinson est l’âge, avec une prévalence de 0,04% chez les personnes entre 40 et 49 ans qui augmente à 2% chez les plus de 80 ans. À l’occasion de la Journée mondiale qui lui est consacrée le 11 avril, l’Institut du Cerveau a fait un point sur les travaux de recherches qu’il mène contre cette maladie. En effet, si des avancées ont été faites sur le plan des symptômes moteurs, les mécanismes à l’origine de la neurodégénérescence ne sont pas complètement élucidés. Et il reste des progrès à faire pour améliorer le diagnostic et le pronostic des patients, et à optimiser les thérapies existantes. Trois projets développés à l’Institut du cerveau répondent à ces besoins. Le premier s’intéresse aux cellules microgliales, des cellules qui interviennent dans l’immuno-surveillance au niveau du système nerveux central. On sait déjà que ces cellules sont actives dans le cerveau de personnes atteintes de maladie de Parkinson, mais leur contribution précise au processus neurodégénératif reste à clarifier. C’est pourquoi l’équipe d’Olga Corti (Inserm) et de Jean-Christophe Corvol (Sorbonne Université, AP-HP) développe un projet novateur basé sur la mise en jeu d’organoïdes cérébraux (mini-cerveaux) humains et de co-cultures complexes de cellules humaines, pour explorer le rôle de la composante microgliale dans le contexte de mutations des gènes LRRK2 et PRKN (Parkine), des gènes retrouvés dans des formes familiales de la maladie et impliqués dans la régulation de mécanismes relatifs à l’immunité et à l’inflammation. L’idée est d’identifier de nouvelles voies intervenant dans la mort neuronale présente dans la maladie de Parkinson, de façon à réduire la progression de la maladie, et à terme, trouver de nouvelles molécules thérapeutiques.
Le deuxième projet développé à l’Institut du cerveau prévoit d’utiliser l’imagerie et l’intelligence artificielle pour affiner le diagnostic et le pronostic de la maladie. L’équipe MOV’IT, dirigée par Marie Vidailhet (Sorbonne Université, AP-HP) et Stéphane Lehéricy (Sorbonne Université, AP-HP) a ainsi utilisé un biomarqueur d’imagerie par résonnance magnétique, la neuromélanine, qui a récemment permis des avancées importantes dans le suivi de la maladie de Parkinson. Grâce à ce neurostransmetteur, un algorithme permet de détecter automatiquement les changements de volume et de signal de la substantia nigra, région principalement touchée dans la maladie. En outre, les chercheurs ont mis en évidence des différences entre les patients à un stade prodromal de la maladie et ceux présentant déjà des signes cliniques. « Cet algorithme automatique, rapide et indépendant de l’évaluateur constitue donc un outil précieux pour étudier les modifications de la neuromélanine de la substantia nigra, permettant une évaluation directe et non invasive des modifications neurodégénératives de cette structure, souligne l’Institut du cerveau. Ces mesures pourraient fournir des biomarqueurs pertinents pour évaluer l'efficacité de traitements modifiant l’évolution de la maladie de Parkinson. » Enfin, un troisième projet vise à améliorer les thérapies existantes - et en particulier la stimulation cérébrale profonde, qui vient en relais des traitements par L-Dopa - grâce aux nouvelles technologies. Ainsi, l’équipe « Neurochirurgie expérimentale », dirigée par Brian Lau (CNRS) et Carine Karachi (Sorbonne Université, AP-HP) à l’Institut du Cerveau cherche à tester sur plusieurs patients l’implantation d’un nouveau dispositif de stimulation, capable d’enregistrer l’activité intracérébrale de façon embarquée. « Cela permet d’enregistrer l’activité cérébrale à différents moments de la vie quotidienne, pour mieux comprendre les dysfonctionnements des réseaux profonds du cerveau dans la maladie et les effets de la stimulation cérébrale profonde. » Un autre projet, développé par Nathalie George (CNRS) dans cette équipe, est basé sur les méthodes de neurofeedback, qui consistent « à apprendre aux patients à réguler eux-mêmes certaines activités cérébrales associées à la maladie, en faisant par exemple varier une courbe affichée sur un écran représentant l’activité de leur cerveau », précise l’Institut du cerveau. Mais le chemin est encore long dans ce domaine, avant de pouvoir utiliser cette méthode dans des essais cliniques. En particulier, il apparait ainsi nécessaire de mieux comprendre les mécanismes d’apprentissage du neurofeedback, de la régulation de l’activité cérébrale, etc., ainsi que de trouver de nouvelles méthodes d’analyses du signal et de son enregistrement « très sophistiquées ».
La maladie de Parkinson est marquée par un retard diagnostique du fait que les symptômes n’apparaissent que tardivement dans l’évolution de la maladie, à un moment où la perte des neurones dopaminergiques est déjà bien avancée. Une équipe de chercheurs grenoblois a donc travaillé à identifier une signature biologique qui permettrait d’aboutir un diagnostic précoce de la maladie. « Une analyse biologique qui permettrait de poser le diagnostic de façon formelle serait une aide précieuse pour les médecins. Si cette analyse était en outre assez sensible pour repérer la maladie dès ses premiers stades, elle pourrait aider au développement de médicaments curatifs, qui cibleraient les mécanismes d’évolution de la maladie », expliquent Sabrina Boulet et Florence Fauvelle (unité 1216 Inserm/Université Grenoble Alpes, Grenoble Institut des neurosciences). En effet, lorsque la maladie s’exprime, les dommages cérébraux sont en général trop importants pour pouvoir utiliser des médicaments curatifs.
Grâce à l’observation de modèles animaux, les deux chercheuses ont tout d’abord mis en évidence l’existence de modifications de la composition en métabolites associées à la maladie de Parkinson - ce, quels que soient les stades de la maladie, et donc même aux stades précoces. Elles ont alors réussi à définir un biomarqueur comprenant plusieurs composés spécifiques, et ont montré que cette signature biologique permettait de diagnostiquer les personnes atteintes de Parkinson avec une précision de 82,6 %.
Les scientifiques posent l’hypothèse que ce biomarqueur pourrait être utilisé aussi chez les humains pour identifier les malades au stade débutant. La prochaine étape est donc de valider cette approche à partir d’échantillons issus de patients dont la maladie était encore silencieuse au moment du prélèvement, mais qui ont ultérieurement été diagnostiqués comme atteints. Les scientifiques ont déjà déposé un brevet : « L’analyse par résonance magnétique nucléaire d’un échantillon sanguin est un test rapide, simple à réaliser et qui n’est pas onéreux, détaille Florence Fauvelle. S’il était validé, on peut imaginer que ce biomarqueur pourrait être utilisé en pratique clinique de routine, pour diagnostiquer les personnes suspectées d’être atteintes ou qui ont un risque élevé de développer la maladie. »
De nouvelles pistes thérapeutiques sont aussi envisagées, ciblant notamment le pyruvate et les mithochondries. « Le niveau de pyruvate, une substance qui est utilisée par les mitochondries des neurones, est élevé chez les animaux malades et dans les échantillons issus de patients, précise Sabrina Boulet. Cela suggère que la maladie de Parkinson pourrait être associée à un dysfonctionnement mitochondrial. »
D’après un communiqué de l’Inserm, 15 mars 2022, et The Journal of Clinical Investigation, décembre 2021 (https://www.jci.org/articles/view/146400)
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