
La recherche sur la sclérose en plaques récompensée au niveau mondial
Deux chercheurs, un Américain et un Italien, ont reçu le 5 avril le Breakthrough Prize, sorte d'"Oscars de la science", pour leurs travaux sur la sclérose en plaques.

Il s’agit des docteurs Stephen Hauser, neurologue américain, et Alberto Ascherio, épidémiologiste italien. Leurs travaux ont chacun à leur manière révolutionné la recherche sur cette maladie neurodégénérative affectant près de 3 millions de personnes à travers le monde. Stephen Hauser a identifié la réponse immunitaire à l’origine de la maladie et a ouvert la voie à des traitements. Alberto Ascherio a confirmé l'implication d'un virus.
L'histoire commence plus de 45 ans plus tôt par la rencontre d'une patiente nommée Andrea, "une jeune femme extraordinairement talentueuse, qui était déjà avocate et travaillait à la Maison blanche", se remémore Stephen Hauser auprès de l'AFP. "Puis, la sclérose en plaques est apparue de manière explosive et a détruit sa vie", raconte-t-il. "Je me souviens de l'avoir vue, incapable de parler, paralysée du côté droit, incapable d'avaler, et bientôt incapable de respirer sans aide, et d'avoir pensé que c'était la chose la plus injuste que j'aie jamais vue en médecine."
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Jérôme Bidau
Non
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Une révélation pour le médecin, alors âgé de 27 ans, qui décide d'y consacrer sa vie. "A l'époque, nous ne disposions d'aucun traitement contre la sclérose en plaques et un certain pessimisme régnait quant à la possibilité d'en mettre un au point", se souvient le chercheur, aujourd'hui âgé de 74 ans et directeur de l'Institut de neuroscience de l'université de Californie (UCSF).
L’implication des lymphocytes précisée
On sait alors que cette maladie qui affecte le système nerveux central et provoque des perturbations motrices et cognitives handicapantes est causée par un emballement du système immunitaire. Mais les scientifiques pensent alors que les lymphocytes T sont les seuls "coupables". Un postulat que va remettre en cause Stephen Hauser. En menant avec ses collègues des recherches sur les ouistitis, il parvient à reproduire des lésions neurologiques identiques à celles observées chez les humains, et ce grâce à l'idée d'un de ses pairs d'étudier le rôle des lymphocytes B.
Une implication "biologiquement invraisemblable", leur rétorque l'agence américaine chargée de la recherche médicale, qui oppose une fin de non-recevoir à leur demande de financement d'un essai clinique. Convaincus de leur idée, Stephen Hauser et son équipe parviennent toutefois à le réaliser grâce au soutien du laboratoire pharmaceutique Genentech. Et à l'été 2006, les résultats tombent : les traitements administrés aux patients et ciblant les lymphocytes B produisent une "réduction spectaculaire, de plus de 90%, de l'inflammation cérébrale". Une révolution qui ouvre la voie à la commercialisation de traitements ralentissant la progression de la maladie chez de nombreux patients. Mais soulève également de nombreuses autres questions, notamment sur le mécanisme par lequel les globules blancs se retournent contre l'organisme.
Rôle du virus d'Epstein-Barr
Une interrogation au centre des réflexions du docteur Alberto Ascherio, aujourd'hui professeur à la prestigieuse université Harvard, qui a enquêté sur la prévalence des cas de sclérose en plaques dans l'hémisphère Nord. "La distribution géographique des cas de scléroses est assez frappante", explique-t-il à l'AFP, la maladie étant "très peu commune dans les pays tropicaux et proches de l'équateur". En s'interrogeant sur les raisons d'une telle disparité, Alberto Ascherio envisage l'implication possible d'un virus. Une théorie qui se révèlera juste.
Après avoir suivi pendant plus de 20 ans des millions de jeunes entrés dans l'armée américaine, l'équipe qu'il dirige confirme en 2022 le lien entre la sclérose en plaques et le virus très commun d'Epstein-Barr, responsable de la mononucléose infectieuse.
Si "la plupart des personnes infectées par le virus l'Epstein-Barr ne développeront jamais de sclérose en plaques (...) la maladie survient uniquement chez des individus ayant été infectés en premier lieu par le virus", résume le professeur de 72 ans. L'infection est donc nécessaire, mais n'explique pas à elle seule le déclenchement de la maladie. Cette découverte relance les espoirs de développement de nouveaux traitements et de prévention.
Une avancée qui pourrait par ailleurs bénéficier à d'autres pathologies. "Nous essayons maintenant d'étendre notre enquête pour étudier le rôle de l'infection virale dans d'autres maladies neurodégénératives, comme Alzheimer ou la maladie de Charcot", explique Alberto Ascherio. Un lien encore théorique, mais qui dispose de "certains éléments" en sa faveur, assure l'épidémiologiste.
Références :
AFP
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