Une trentaine d’essais cliniques contrôlés, seulement, sont répertoriés sur Medline, dont la plupart concerne la mésothérapie à visée esthétique. Les autres indications sont représentées essentiellement par des pathologies douloureuses. Leurs résultats sont presque toujours en faveur de la mésothérapie, mais ces travaux sont bien trop hétérogènes et leurs méthodologies discutables pour pouvoir conclure. De plus les essais contrôlés par rapport à une mésothérapie fictive sont exceptionnels, ce qui ne permet pas de faire la part d’un effet placebo, d’autant plus probable que l’évaluation est faite sur des critères subjectifs comme la douleur. L’étude la plus convaincante a été menée par une équipe italienne, qui a traité 40 patients ayant une tendinite calcifiante de l’épaule par mésothérapie avec injection d’EDTA, associée à des ultrasons pulsés, et 40 autres par une mésothérapie réalisée avec une solution placebo, associée à des ultrasons fictifs (Cacchio A et coll.Arthritis Rheum.2009). Les scores de douleurs étaient significativement diminués une semaine après la fin du traitement et un an plus tard dans le groupe ayant bénéficié de la mésothérapie réelle, mais pas dans le groupe contrôle. Critère de jugement secondaire, les calcifications avaient disparu totalement chez 62,5% et régressé chez 22,5 % des patients ayant eu la mésothérapie et la sonophérèse, mais chez 0 % et 15 % des patients après procédure fictive. Cet essai est la seule étude "méthodologiquement acceptable", estimaient, en 2010, les auteurs d’un rapport thématique de l’Inserm ("Evaluation de l’efficacité de la pratique de la mésothérapie à visée thérapeutique", Inserm U669). Cependant, l’association de la mésothérapie aux ultrasons ne permet pas de conclure sur l’efficacité de chacun de ces deux traitements.
Un autre essai sur les tendinites, français, publié en 1990, a donné des résultats bien différents. Trois groupes de 20 patients ont été traités par mésothérapie avec du diclofénac, par mésothérapie au sérum physiologique ou par la seule piqûre au pistolet (Menkes J.C.et coll., Rev.Rhum.Mal.Osteoartic., 1990). Les patients des trois groupes ont exprimé une égale satisfaction du traitement reçu. Cinq essais ont été menés sur les lombalgies et lombo-sciatiques Dans une étude randomisée italienne incluant 84 patients souffrant de douleurs lombaires aiguës, un traitement anti-inflammatoire (kétoprofène + méthylprednisolone ) administré par mésothérapie a fait aussi bien que le traitement conventionnel par voie orale et intramusculaire (Costantino C.et coll.Evid Based Complement Alternat Med. 2011). Une autre étude italienne a comparé un traitement combinant mésothérapie, orthèse de soutien et exercices spécifiques à une thérapie au laser chez 22 patients ayant des lombalgies subaiguës associées à des signes de dysfonction sacro-iliaque (Monticone M. et coll.Eura Medicophys.2004). Seul le groupe ayant eu le traitement combiné a bénéficié d’une diminution des douleurs à l’issue du traitement et un an plus tard. Cependant, le protocole ne permet pas de déterminer la part respective des trois éléments de cette prise en charge dans l’effet observé.
Une équipe égyptienne a réparti 120 patients souffrant de lombalgies chroniques en trois groupes, traités soit par AINS oral et cortisone intramusculaire, soit par mésothérapie avec AINS et cortisone, soit par mésothérapie avec du venin d’abeille (Senara SH et coll.MJMR 2015). Les trois traitements ont entraîné une diminution significative des douleurs à court terme. Deux autres essais, italiens, apportent des résultats mitigés. L’un montre une efficacité supérieure de la mésothérapie lorsqu’elle est réalisée sur des points d’acupuncture, plutôt que sur les points classiques de mésothérapie (Di Cesare A. et coll., Complement Ther Med. 2011). L’autre, non référencé dans Medline, a comparé une mésothérapie avec de l’Aspirine à une mésothérapie sans principe actif, en association au traitement classique, chez 44 patients atteints de lombosciatique. Un effet significatif de la mésothérapie sur les douleurs a été observée après la première administration, mais pas après les séances suivantes (Parrini M. et coll. Minerva Ortopedica e traumatologica, 2002). L’American College of Physicians a publié une revue systématique sur les traitements non pharmacologiques des lombalgies, dans laquelle la mésothérapie n’est pas mentionnée (Chou R. et coll. Ann.Intern.Med.2017). Deux études ont été publiées sur l’arthrose La plus récente, chinoise, a comparé deux groupes de patients souffrant d’une arthrose du genou, les uns ayant une contre-indication aux AINS (n=26) et traités par mésothérapie (lidocaïne, piroxicam et calcitonine à la phase aiguë, ou procaïne, silice organique et calcitonine à la phase chronique), les autres traités par AINS par voie orale (n=24). Une diminution significative de la douleur a été constatée dans les deux groupes, mais avec l’inconvénient pour les patients traités par AINS oraux d’avoir davantage de symptômes gastriques (Chen L et coll., Evid. Based Complement. Alternat. Med. 2018). L’autre étude, italienne, concerne les bursites de la patte d’oie liée à l’arthrose. Après tirage au sort, 117 patients ont été traités par mésothérapie (diclofénac 3/semaine pendant 3 semaines ) ou diclofénac oral (50 mg/j pendant trois semaines). A un et trois mois, la douleur avait significativement diminué dans les deux groupes, mais la zone hyperéchogène était réduite uniquement chez les personnes traitées par mésothérapie (Saggini R. et coll., J Altern Complement Med. 2015). D’autres indications ont fait l’objet d’essais isolés. Ainsi dans une étude réunissant 85 patients atteints de leishmaniose, le traitement antiparasitaire était aussi efficace qu’il soit administré par une mésothérapie ou par les injections intralésionnelles classiques, mais moins douloureux avec la mésothérapie (Kashani MM et coll. Int.J.Dermatol. 2010). La mésothérapie a également été testée après chirurgie stomatologique, dans une étude française non randomisée, au cours de laquelle 10 patients ont reçu des microinjections multiples de diclofénac autour des sutures. Ces injections ont eu une efficacité supérieure à celle des AINS par voie orale sur les douleurs et identique sur l’œdème, avec des doses dix fois moindre d’AINS (Einholtz B.et coll. Actual Ondostomatol ., 1990).
Trois essais menés par une équipe chinoise indique que la stimulation ovarienne pour fécondation in vitro pourrait être administrée par mésothérapie vaginale ou abdominale (Hsu CC et coll. Reprod Biol Endocrinol. 2009, Fertil Steril. 2011), avec des taux de transfert, de grossesse et de naissance identiques à ceux obtenus après des injections classiques de FSH, bien que le nombre d’ovocytes matures recueillis soit inférieur (Hsu CC et coll. Reprod Biomed Online. 2008). Une littérature aussi pauvre n’autorise pas une véritable analyse. "Il est impossible de dire à partir de données factuelles si le rapport bénéfice/risque de la mésothérapie est favorable", écrivaient, en 2010, les auteurs du rapport de l’Inserm. Les choses ont peu changé depuis, la rareté des études et leurs faiblesses méthodologiques empêchant toujours d’affirmer l’efficacité de la mésothérapie, même si celle-ci n’est pas exclue. Le tableau est similaire pour la mésothérapie à visée esthétique, qui a fait l’objet d’un autre rapport d’expertise de l’Inserm, dont la conclusion est tout aussi réservée. Des protocoles variés sont proposés pour traiter l’alopécie, rajeunir le visage, réduire la cellulite, réaliser une lipolyse, "sculpter" le corps... Les résultats des rares essais cliniques comparatifs sont disparates et certains franchement négatifs. "Il est regrettable de constater, qu’à ce jour, aucune étude méthodologiquement correcte ne permet de confirmer ou d’infirmer l’intérêt de l’approche dans au moins une de ses indications, estimaient les auteurs du rapport de l’Inserm. Plusieurs travaux sont potentiellement intéressants, ils ne conduisent cependant qu’à formuler des hypothèses restant encore à explorer". Par ailleurs, plusieurs publications font état de complications, dont la fréquence est inconnue. Parmi celles-ci, on peut citer réactions locales, alopécie, allergies, toxidermies lichenoïdes… Mais c’est le risque d’infection, du fait de la multiplicité des injections, qui apparaît le plus préoccupant. Entre 1986 et 1992, la mésothérapie a été mise en cause dans 15 % des 92 cas d’infections cutanées mycobactériennes recensés en France. En 2006 et 2007, 16 cas d’infections sous-cutanée à mycobactéries atypiques ont été identifiés dans la clientèle d’un généraliste parisien et 7 cas ont été signalés en 2009. Dans un rapport publié en juin 2014 ("Evaluation des risques liés aux pratiques de mésothérapie à visée esthétique"), la HAS confirmait ne pas disposer d’éléments pour évaluer la fréquence de ce risque infectieux. Elle soulignait également l’hétérogénéité des pratiques, qui reposent sur l’utilisation de médicaments hors AMM et à des teneurs non standardisées. Cette situation est d’autant plus inquiétante que, estimait-elle, "les systèmes de vigilances actuellement en place ne permettent pas d’effectuer une surveillance satisfaisante des effets secondaires dans le domaine de la médecine esthétique et de la mésothérapie en particulier".
Depuis 2003, la mésothérapie est reconnue par le Conseil national de l’Ordre des médecins, au même titre que l’acupuncture, l’homéopathie et l’ostéopathie. Un DIU est dispensé dans cinq villes de France, autorisant un médecin à faire mention de ce diplôme sur sa plaque et ses ordonnances.
La séance de mésothérapie à visée antalgique est codée dans la Classification commune des actes médicaux, mais n’est pas actuellement tarifée. L’acte en tant que tel n’est donc pas remboursé, mais s’il est réalisé à l’issue d’une consultation, celle-ci peut l’être. La mésothérapie à visée esthétique, classée dans la catégorie “médecine de confort”, n’est pas remboursée.
En 2015, 550 médecins étaient titulaires d’un DIU et avaient déclaré l’orientation mésothérapie au Conseil national de l’Ordre des médecins. Mais le diplôme n’est pas obligatoire pour exercer et il est probable que plus de 10 000 médecins ont recours à la mésothérapie au moins occasionnellement. Lors de l’enquête Baromètre santé médecins généralistes 2009, un quart des généralistes déclaraient pratiquer la mésothérapie (0,5 % systématiquement, 6,9 % régulièrement, 18,4 % occasionnellement). Ils étaient bien plus nombreux en 1994 (40,7 %), ce qui témoigne d’une relative désaffection pour cette méthode.
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