Thromboprophylaxie après une fracture : l’aspirine, une alternative aux HBPM ?

07/02/2023 Par Marielle Ammouche
Cardio-vasculaire HTA
Une vaste étude montre que la prévention thromboembolique par aspirine chez des patients ayant une fracture est au moins aussi efficace que le traitement par l’héparine de bas poids moléculaire.  

Jusqu’à présent, les recommandations internationales préconisent d’utiliser une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) pour éviter le risque de thrombophlébite après une fracture. Cependant, pour certains spécialistes, l’aspirine pourraient être utiliser. Pour en savoir plus sur cette potentielle alternative dans cette indication, des auteurs américains, appartenant au Major Extremity Trauma Research Consortium, ont mené une vaste étude qui a porté sur plus de 12 000 patients hospitalisés pour une fracture traumatique. Les fractures étaient de localisation variée. En cas de fracture d’un membre, elle était traitée chirurgicalement. Mais il pouvait aussi s’agir d’une fracture pelvienne ou acétabulaire. Les patients étaient donc considérés comme à haut risque thromboembolique. L’âge moyen était de 44,6 ans. 

Les patients ont été randomisés pour recevoir soit une héparine de bas poids moléculaire (énoxaparine, 30 mg deux fois par jour), soit de l'aspirine (81 mg deux fois par jour) à l’hôpital. Le traitement était ensuite prolongé sur une durée médiane de 3 semaines à domicile, selon le protocole en vigueur. 

Le critère principal observé par les chercheurs était la mortalité au bout de 90 jours. Au cours de cette période de suivi, 47 patients (0,78%) du groupe aspirine et chez 45 patients (0,73%) du groupe HBPM sont décédés. Cette faible différence, de 0,05 point, était inférieure à la marge de non-infériorité fixée par les auteurs, qui était de 0,75 point. Pour les autres critères, les différences aussi étaient nulles ou faibles. Ainsi, les incidences des embolies pulmonaires (1,49% dans les 2 groupes), et celles des complications hémorragiques (13,72% dans le groupe aspirine, et 14,27% dans le groupe HBPM) et des autres événements indésirables graves, étaient similaires dans les deux groupes. A noter cependant une différence pour les thromboses veineuses profondes (TVP), qui sont survenues chez 2,51% des patients sous aspirine, contre 1,71% de ceux du groupe HBPM. Même si cette conséquence sur les TVP semble moins fondamentale que les résultats concernant les décès, embolies ou hémorragies, elle doit être regardée avec vigilance. 

Les auteurs concluent donc que la thromboprophylaxie par l'aspirine est non inférieure à l’HBPM pour prévenir le décès, et est associée à une faible incidence de thrombose veineuse profonde et d'embolie pulmonaire et à une faible mortalité à J30, chez les patients ayant eu une fracture opérée, pelvienne ou acétabulaire. 

"Bien qu'il ne s'agisse pas du premier essai portant sur le choix de l'aspirine ou de l'héparine pour la prophylaxie de la thromboembolie veineuse chez les patients souffrant de fractures des extrémités traitées chirurgicalement (ou de toute fracture pelvienne ou acétabulaire), il s'agit de loin du plus grand essai à ce jour et fournit des preuves convaincantes qu'un médicament facilement disponible et peu coûteux, pris par voie orale, est une alternative viable à une prophylaxie pharmacologique injectable", commente le Pr Matthew Costa (Université d’Oxford) dans un éditorial du NEJM accompagnant la publication des résultats de l’étude. Pour ce dernier, "les résultats de cet essai indiquent clairement que les lignes directrices pour la prévention de la thromboembolie veineuse nosocomiale devront être réécrites pour inclure l'option de l'aspirine chez les patients souffrant de lésions traumatiques". 

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