Egora : Où en est-on sur le plan médicamenteux ?
Pr Nicolas Lamblin : Depuis 3-4 ans, les progrès sont importants dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection (FE) réduite. Après le sacubitril/valsartan, des résultats positifs ont été rapportés avec deux gliflozines, et un agoniste stimulateur de la guanylate cyclase soluble, le vériciguat. Pour l’instant, nous ne savons cependant pas encore dans quel ordre utiliser ces classes thérapeutiques. L’étude Emperor HF-Reduced, conduite récemment avec l’empagliflozine, est importante. Elle confirme, après l’étude Dapa-HF publiée en 2019 réalisée avec la dapagliflozine, que cette classe thérapeutique a une action bénéfique chez les patients même non diabétiques avec une IC à FE réduite. Pour l’instant, la dapagliflozine est seule commercialisée en France mais uniquement dans le diabète avec une prescription réservée aux diabétologues. Les cardiologues devraient néanmoins y avoir accès rapidement pour leurs malades, car le médicament a mis en évidence dans Dapa-HF sa capacité à réduire la mortalité et les hospitalisations et, récemment, l’étude Dapa-CKD a montré que cette gliflozine améliore la fonction rénale et la mortalité des insuffisants rénaux chroniques. Or, la fonction rénale est souvent altérée chez les patients cardiaques. Je ne suis pas habilité à m’exprimer au nom des autorités de tutelle. Cependant, l’empagliflozine, malgré la confirmation de ces effets bénéfiques, pourrait avoir plus de mal à obtenir un remboursement malgré une AMM européenne probable, car on n’a pas relevé dans Emperor HF-Reduced, à la différence de Dapa-HF, de réduction significative de la mortalité mais uniquement une baisse des hospitalisations. Les différences entre les deux médicaments sont incomprises (population incluse, durée trop courte de l’étude, pharmacocinétique ??). Enfin, le vériciguat, a montré dans l’étude Victoria une capacité de réduire le critère combiné associant décès cardiovasculaires et hospitalisations chez des malades avec une IC à FE réduite récemment aggravée, le bénéfice étant surtout porté par une réduction des hospitalisations. Ce médicament pourrait être intéressant chez des patients sortant de l’hôpital pour éviter une réhospitalisation.
Dans l’IC à FE préservée, les résultats de l’étude Parallax conduite avec le sacubitril/valsartan ont été décevants. Comment l’expliquer ? Les résultats plutôt négatifs de l’étude Parallax sont proches de ceux de l’étude Paragon-HF, précédemment menée avec le sacubitril/valsartan. Ils pourraient être expliqués par le fait que l’IC à FE préservée n’est pas une maladie cardiaque pure mais une affection bien plus générale avec des atteintes vasculaire, rénale associée à un vieillissement accéléré du cœur, responsable d’une fibrose installée et peu réversible et que par conséquent une réponse uniquement cardiologique comme celle apportée par le sacubitril/valsartan n’est pas suffisante. Des études sont en cours pour déterminer si les gliflozines, qui ont une action plus vaste, sur le diabète, la fonction rénale, ne pourraient agir sur ces insuffisances cardiaques.
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