Troubles fonctionnels intestinaux : la place des probiotiques et des approches non médicamenteuses précisée
Les troubles fonctionnels intestinaux motivent souvent les patients à recourir à une automédication ou à des approches non médicamenteuses. Mieux connaître ces différentes modalités doit permettre de les orienter au mieux vers ceux qui ont un niveau de preuve suffisant.
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) associé à la diarrhée se distingue de la diarrhée fonctionnelle essentiellement par la présence de douleurs abdominales récidivantes présentes au moins un jour par semaine depuis au moins 3 mois, en association aux autres critères de Rome IV. "Aujourd’hui, il n’est plus question d’un diagnostic par élimination basé sur des examens complémentaires mais d’un diagnostic positif basé sur les symptômes", a insisté le Pr Benoît Coffin (Hôpital Louis-Mourier, Colombes), au cours d’une session plénière dédiée à la synthèse des dernières recommandations sur ce sujet.
La démarche diagnostique, telle que présentée dans ces recommandations de 2022 rédigées par la Société européenne de neurogastroentérologie et motricité (ESNM), demande à rechercher les signes d’alarme justifiant des examens complémentaires (perte de poids, selles nocturnes, rectorragies, ténesme, nombre élevé de selles, antécédents de cancer colorectal signes de dénutrition…). Lorsque ces derniers sont absents, la démarche diagnostique est poursuivie : "Il ne faut pas hésiter à poser les questions adéquates pour rechercher une incontinence fécale car elle est souvent associée au SII avec diarrhée, constitue un facteur associé à la sévérité des symptômes, et parce qu’elle est rarement évoquée spontanément", a commenté le gastro-entérologue.
Parallèlement, quatre examens biologiques de première intention doivent être prescrits : la numération formule sanguine (NFS), la protéine C-réactive (CRP), les anticorps anti-transglutaminase et la calprotectine fécale. La parasitologie n’est envisagée que pour les personnes ayant voyagé ou originaire d’un pays à risque infectieux. Une coloscopie permet aussi d’exclure certaines atteintes associées à des diarrhées (maladie inflammatoire intestinale, colite microscopique, cancer colorectal). Enfin, l’un des examens les plus pertinents dans ce contexte est le test d’épreuve par un chélateur des sels biliaires, la malabsorption des sels concernant près de 20% des patients.
Lorsque le diagnostic de SII avec diarrhée prédominante est confirmé, les traitements ayant le plus haut niveau de preuve sont le lopéramide (réduction du nombre de selles), la rifaximine (antibiotique non absorbée favorisant l’équilibre du microbiote) et les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline et imipramine, considérés comme des neuromodulateurs). Parallèlement, la prise en charge peut reposer sur un régime pauvre en Fodmaps, les régimes sans gluten ou sans lactose étant inappropriés. Ensuite, une approche par hypnose ou par thérapies cognitivo-comportementales peut compléter la prise en charge.
Place des approches non médicamenteuses dans les TFI
Étant donné le rôle du microbiote dans le SII, et du fait de l’insatisfaction des patients envers les traitements conventionnels, les probiotiques ont été évalués et peuvent s'avérer efficaces sur certains symptômes. Le Pr Jean-Marc Sabaté (Hôpital Avicenne, Bobigny) a présenté les données disponibles sur le sujet au cours de la plénière FMC-HGE Gastroentérologie : est inutile de faire réaliser une analyse du microbiote du patient. Et seules des souches ayant fait leur preuve dans le cadre d’études randomisées de bonne qualité doivent être utilisées. Il s’agit des produits contenant principalement Bifidobacterium longeum et Lactobacillus plantarum. Selon les données disponibles, ces probiotiques, administrés 4 à 8 semaines peuvent améliorer la qualité de vie, l’anxiété, le score composite de sévérité de la maladie et la douleur abdominale. Les problèmes de tolérance sont inexistants, mais il est inutile de poursuivre l’utilisation de ces probiotiques si aucune amélioration franche n’est observée.
Du côté de la neuromodulation électrique, l’approche transcutanée, qui se déroule à domicile, une ou deux fois par jour selon différentes modalités (stimulation vagale, cervicale…), et l’approche de neuromodulation des racines sacrées, qui impose une pause d’électrodes invasive et complexe, sont toutes deux efficaces pour la prise en charge de l’incontinence fécale, ainsi que celle du SII. On préconise toutefois de conserver la procédure invasive pour les cas les plus sévères, ou en cas d’échec des autres traitements a suggéré le Dre Charlène Brochard (CHRU Rennes) au cours du symposium Traitement non médicamenteux des troubles fonctionnels intestinaux. Aucune donnée ne permet de proposer la neuromodulation dans la prise en charge de la constipation fonctionnelle et de la gastroparésie. Enfin, les données relatives au reflux gastro-oesophagien ne sont pas suffisamment nombreuses afin de statuer.
Les médecines complémentaires et alternatives - hypnose, méditation pleine conscience, thérapies cognitivo-comportementales (TCC) - peuvent, elles, être utiles notamment lorsque l’anxiété au premier plan. La Dre Pauline Jouët (Hôpital Avicenne, Bobigny) a recommandé d’aborder systématiquement le sujet avec les patients, "notamment ceux qui ne sont pas bien soulagés par les traitements conventionnels (...) parce qu’ils se les auto-administrent sans nous le dire". Ouvrir le débat permet de les orienter vers celles qui sont les plus reconnues. "Il faut les interroger sur celles qu’ils ont déjà utilisés et le résultat qu’ils en ont tiré", a poursuivi la spécialiste. Les associations de patients sont de bons relais pour les orienter, car elles connaissent les professionnels formés pour la prise en charge des SII, que ce soit dans l’hypnose (APSSII), la méditation (Association pour le Développement de la Mindfulness) ou les TCC (AFTCC).
Finalement, la phytothérapie pourrait être utile, comme le rapporte la littérature, mais avec un niveau de preuve qui reste limité du fait de l’absence de standardisation des produits. Ainsi, certains produits de phytothérapie potentiellement efficaces (huile de menthe poivrée, berbérine, …) sont des mélanges ou ont une composition hétérogène selon l’origine des produit ; ce qui doit inviter à une grande prudence, a suggéré Benoît Coffin. Il faut donc orienter les patients qui veulent utiliser des produits de phytothérapie vers des professionnels qui les connaissent, et notamment vers les pharmacies qui peuvent avoir des circuits d’approvisionnement en plantes de bonne qualité non contaminées. En revanche, et malgré l’engouement qui les accompagne, le cannabis et les cannabinoïdes ont un niveau de preuve très faibles.
Au sommaire du congrès :
- Des recommandations françaises dans la maladie de Crohn
- MASH, VHB : quelle est la valeur pronostique de la régression de l’atteinte hépatique ?
- Cancer du pancréas : un lien avec l’exposition aux pesticides identifié en France
- Maladie cœliaque : 4 cas sur 5 sont atypiques ou frustres
Références :
Journées Francophones d’Hépato-gastroentérologie et d’Oncologie Digestive (JFHOD, 14 -17 mars, Palais des congrès de Paris). D’après les communications des Prs Benoît Coffin (Hôpital Louis-Mourier, Colombes) et Jean-Marc Sabaté (Hôpital Avicenne, Bobigny), et des Dres Charlène Brochard (CHRU Rennes) et Pauline Jouët (Hôpital Avicenne, Bobigny) lors de la session plénière FMC-HGE « Synthèse des nouvelles recommandations », du symposium « Traitement non médicamenteux des troubles fonctionnels digestifs : du cannabis à l'endoscopie » et de la plénière FMC-HGE Gastroentérologie du jeudi 14 mars 2024.
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