La thérapie cellulaire, nouvel horizon de la greffe d’îlots
Efficace chez les patients présentant un diabète de type 1 instable, la greffe d’îlots pancréatiques permet de restaurer une sécrétion d’insuline. Pourtant, de nombreux écueils demeurent, du fait de la pénurie d’organes et de la dépendance à vie aux immunosuppresseurs. Des recherches sont en cours afin de lever ces obstacles, notamment grâce aux cellules souches embryonnaires.
Suite à l’avis favorable de la Haute autorité de santé (HAS) publié en juillet 2020, la transplantation allogénique d’îlots de Langerhans, implantés dans le foie via une injection dans la veine porte hépatique, est intégrée depuis 2021 aux soins courants du diabète de type 1 (DT1). Réservée à six centres experts, elle est indiquée chez les patients atteints d’un diabète chroniquement instable, ainsi qu’aux greffés rénaux dont le DT1 est mal équilibré. En 2022 et en 2023, une vingtaine de patients ont été greffés dans l’année, après un coup d’arrêt lors de la crise du Covid-19.
Chez les patients transplantés, les retombées métaboliques sont très positives. Un an après la greffe, 80% d’entre eux présentent un taux d’hémoglobine glyquée inférieur à 7%, et 50% à dix ans. Quant aux hypoglycémies sévères, ils sont 90% à en être débarrassés dix ans après la greffe. Les résultats sont moins favorables en termes de fonctionnalité du greffon, qui s’épuise progressivement au fil des ans.
Alors que de 60 à 80% des patients peuvent se passer d’injections d’insuline un an après la greffe, ils ne sont plus que 40% à cinq ans, 10% à dix ans et 5% à vingt ans, estime la Pre Sandrine Lablanche, cheffe du service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition du CHU Grenoble Alpes (1) (2). Lors du congrès, une équipe du CHU de Lille a dressé un bilan à 20 ans de son activité de greffe d’îlots, le premier dressé en France à si long terme. Sur 32 patients greffés depuis plus de 10 ans,14 présentaient encore un greffon fonctionnel, et quatre patientes demeuraient insulino-indépendants, jusqu’à 17 ans après la greffe.
Immunosuppresseurs et pénurie de greffons
Comme toute greffe, celle d’îlots requiert un traitement immunosuppresseur à vie, dont la toxicité affecte aussi bien l’hôte (risques métabolique, cardiovasculaire, infectieux, néoplasique, etc.) que le greffon (altération de la viabilité cellulaire, baisse de la capacité de sécrétion d’insuline). Raison pour laquelle, selon Sandrine Lablanche, « elle ne peut pas être proposée à l’ensemble des diabétiques de type 1 : la balance bénéfice-risque n’est pas en faveur de la greffe d’îlots chez un patient qui va bien, dont la glycémie est plutôt bien équilibrée. De toute façon, on n’aurait pas assez de greffons ».
Comme pour toute greffe, la disponibilité des organes fait en effet largement défaut. D’autant qu’« elle est extrêmement consommatrice d’organes : pour chaque receveur, deux à trois donneurs sont nécessaires », explique Sandrine Lablanche. En cause, la forte mortalité des îlots, tout au long du processus. Notamment lors de leur isolement, du fait de la destruction de la matrice extracellulaire, nécessaire à leur architecture. De même, la perte de vascularisation, que les îlots ne parviennent à reconstituer que 10 à 15 jours après la greffe, entraîne une mort massive des cellules bêta, liée à l’hypoxie.
Vers de nouvelles sources de cellules bêta
Face à ces obstacles, la recherche se poursuit sur plusieurs fronts. D’une part, en cherchant de nouvelles sources cellulaires. Parmi les principales pistes, les cellules souches embryonnaires, qu’il est possible de différencier in vitro en cellules sécrétrices d’insuline -mais qui nécessiteront un traitement immunosuppresseur. Autre possibilité, le recours aux cellules souches pluripotentes induites (iPSC), issues du donneur lui-même (tissu adipeux, musculaire, etc.), là aussi reprogrammées.
Autre champ de recherche, la possibilité d’une allogreffe sans besoin de traitement immunosuppresseur. Parmi les pistes explorées, celle de l’encapsulation des cellules greffées, intégrées à un dispositif leur assurant une meilleure survie au sein de l’hôte. Enfin, des travaux récents, menés chez l’animal, ont suggéré l’intérêt d’invisibiliser le greffon aux yeux du système immunitaire, par édition génomique (3).
Début janvier, le laboratoire américain Vertex a annoncé les résultats, positifs, d’une étude de phase précoce (phase 1/2), menée avec des cellules souches embryonnaires. Parmi les 14 patients greffés à ce jour, sous traitement immunosuppresseur, tous présentent une production endogène d’insuline. Et parmi les sept qui ont pu être analysés plus avant, six ont interrompu leur insulinothérapie, avec un taux de HbA1c inférieur à 7% -le septième patient s’est retiré de l’essai. Une autre étude de phase précoce, dont les résultats ne sont pas connus, est en cours avec les mêmes cellules, mais encapsulées. « Si cette étude livre des résultats positifs, nous aurons résolu les deux problèmes actuels de la greffe, à savoir la source des cellules et le traitement immunosuppresseur », conclut Sandrine Lablanche.
Au sommaire :
- Boucle fermée, greffe d’îlots, sujet âgé… Que faut-il retenir du congrès de la Société francophone du diabète ?
- Avec le Covid-19, le diabète de type 2 est reparti à la hausse
- Diabète du sujet âgé : traiter sans surtraiter
Références :
Congrès de la Société francophone du diabète (Toulouse, 19-22 mars). D’après les présentations des Prs Sandrine Lablanche (CHU Grenoble Alpes) et Thierry Berney (ancien médecin-chef du service de transplantation des Hôpitaux universitaires de Genève, Suisse), lors des sessions « La thérapie cellulaire du diabète : après l’allogreffe d’îlots pancréatiques » et « Ilots - insulinosécrétion » ; et la conférence de presse de la SFD (13 mars).
- Vantyghem MC et al., Diabetes Care, 10 octobre 2019
- Lablanche S et al., American Journal of Transplantation, 29 juillet 2021
- Hu X et al., Science Translational Medicine, 12 avril 2023
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