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Recherche, diagnostic, traitement… Les inégalités persistent entre les hommes et les femmes à chaque étape de la prise en charge

De la recherche clinique à l’innovation thérapeutique, des inégalités dans la prise en charge subsistent encore aujourd’hui entre les hommes et les femmes.

06/03/2025 Par Alexandra Verbecq
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Depuis de nombreuses années, les études (dont Meritxell O. Science, septembre 2020) mettent en évidence, pour chaque tissu et organe, selon le sexe, des différences d’expression des gènes actifs. Ces variations entre les hommes et les femmes s’observent notamment au niveau de la prévalence, de l’évolution et de la sévérité de nombreuses pathologies et dans la réponse aux traitements. « Et malgré cette évidence scientifique, les femmes restent sous-représentées dans la recherche médicale. En effet, 80 % des études cliniques sont menées sur des hommes. Il en résulte une prise en charge des femmes souvent sous-optimale, les molécules n’ayant pas le même effet selon le sexe, avec des conséquences parfois importantes », introduit Vincent Olivier, président de Coopération Santé, qui poursuit : « Un autre exemple concerne l’infarctus [du myocarde] dont les manifestations chez la femme sont différentes de celles chez l’homme. La méconnaissance de ces signes engendre un retard au diagnostic de vingt à trente minutes, pouvant impacter leurs chances de survie. »

Pour le Dr Amaury Martin, directeur adjoint de l’Institut Curie, « des études montrent également qu’à l’issue d’un traitement, la fatigue chronique est plus marquée chez une femme que chez un homme. Avec l’Institut des cancers des femmes, créé en 2023, l’un de nos objectifs est d’aller plus loin dans la compréhension de ces sujets et des liens entre les pathologies et les cancers chez les femmes ».

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Les femmes plus exposées aux facteurs de risque

Certains comportements (tabac, alcool, mauvaise qualité de l’alimentation, manque d’activité physique, sédentarité…) mettent plus à risque les femmes de développer des pathologies. « Au niveau physiologique, à tabagisme égal, les femmes ont 25 % de plus de risques qu’un homme. Par ailleurs, à partir de l’adolescence, 40 % des jeunes garçons maintiennent une activité sportive contre seulement 15 % des jeunes filles », alerte Patricia Minaya Flores, sous-directrice adjointe à la DGS. La santé mentale est également plus dégradée chez les femmes que chez les hommes. « Les dernières enquêtes montrent que les jeunes filles ont plus de pensées suicidaires », précise-t-elle.

Des inégalités dans l’accès à l’innovation thérapeutique

L’accès des femmes aux innovations thérapeutiques constitue un autre défi. C’est notamment le cas de l’hystérectomie, intervention concernant environ 50 000 femmes en France chaque année. Alors que la chirurgie robot-assistée est une nouvelle technologie mini-invasive performante, elle reste moins utilisée en gynécologie qu’en urologie (chirurgie de la prostate notamment). « En chirurgie, la voie robotique est ce qui se fait de mieux aujourd’hui. Elle évite les laparotomies et permet des suites opératoires beaucoup plus simples », indique le Pr Martin Koskas, chef de service, chirurgien gynécologue à l’hôpital Bichat. Pourtant, alors que dans le monde l’accès aux robots est réparti de façon équivalente entre l’urologie, la gynécologie et la chirurgie digestive, ce n’est pas le cas en France, où la part de la gynécologie ne dépasse pas 15 %. Et concernant les hystérectomies, seules 6 % des interventions sont robotiques alors que les urologues l’utilisent dans 55 % des chirurgies, notamment pour les prostatectomies (rapport de l’Académie nationale de chirurgie, juin 2024). « À l’AP-HP, j’ai la chance de disposer de ces robots, mais ce n’est pas le cas partout en France. Je pense que nos patientes ont aussi le droit de bénéficier de cette nouvelle technologie ! », plaide le spécialiste.

Un autre exemple concerne le traitement de l’endométriose pariétale par cryoablation, traitement mini-invasif réalisé en radiologie interventionnelle. « Depuis plusieurs décennies, l’endométriose pariétale est traitée par chirurgie. Parfois, lorsque la résection du nodule est importante, nos collègues chirurgiens posent une plaque pour éviter la survenue d’une éventration par la suite. D’une part, nous savons aujourd’hui qu’une majorité des patientes récidivent à distance et, d’autre part, avoir une plaque est compliqué, surtout pour des patientes de 30-40 ans », constate le Dr Léo Razakamanantsoa, radiologue à l’hôpital Tenon, spécialiste de l’endométriose pariétale, qui poursuit : « La cryoablation consiste à congeler le nodule de l’intérieur à l’aide d’aiguilles guidées sous imagerie et d’un gaz à -150 °C. L’intervention dure trente minutes, et la patiente repart après deux heures de surveillance. Ainsi, après plusieurs années d’errance diagnostique et de douleurs, une patiente peut être traitée en un seul et unique geste grâce à cette technique innovante. »

 

Cancers ovariens : la liste révisée des établissements autorisés toujours en attente

Signé en avril 2022, le « décret Véran » visait à redéfinir les critères d’agrément des établissements publics ou privés, y compris les centres de radiothérapie libéraux, pratiquant la cancérologie afin d’améliorer la qualité et la sécurité des prises en charge. Parmi les critères figure la pratique régulière d’une équipe, avec la fixation d’un seuil minimal d’activité annuel. « La liste révisée des établissements autorisés n’est toujours pas finalisée par les agences régionales de santé. Or sur 17 400 cancers gynécologiques, le cancer de l’ovaire représente 5 400 cas, dont 3 800 décès à cinq ans. Une étude (Robert E Bristow. Gynecol Oncol, février 2014) incluant 11 865 patientes avait montré qu’un haut volume d’activité par établissement et par chirurgien améliorait significativement la survie des patientes atteintes d’un cancer avancé de l’ovaire versus un faible niveau. Il est essentiel d’appliquer au plus vite ce décret pour que les patientes sachent vers quel établissement se tourner pour être prises en charge et avoir accès à la même qualité de soins », insiste Coralie Marjollet, présidente de l’association Imagyn.

 

Références :

D’après une table ronde organisée par « Les matinales de Coopération Santé » (22 janvier).

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