Tout a commencé il y a une "vingtaine d’années". A l’époque du déploiement des défibrillateurs semi-automatiques. A ce moment-là, la Société nationale de sauvetage en mer cherche des médecins pour délivrer des formations à ses bénévoles et cadres afin qu’ils puissent se servir de ce précieux outil en missions. Le Dr Antoine André, urgentiste au Samu de Nantes depuis déjà une dizaine d’années, est contacté par l’antenne de la SNSM de la cité des Ducs. Il accepte volontiers de leur donner un coup de main. C’est le début d’une étroite collaboration. "Je fais moi-même beaucoup de bateau et m’intéresse aux choses de la mer. De fil en aiguille, je me suis de plus en plus investi au sein de l’association." Aujourd’hui, l’urgentiste est à la fois sauveteur embarqué à la station de Pornichet, où il a une résidence secondaire, et médecin référent départemental pour la Loire Atlantique. "En somme, je chapote sur le plan médical l’ensemble des stations du 44 : la Turballe, le Croisic, Pornichet et Pornic", explique-t-il. Un rôle en quelque sorte de "conseiller santé" du délégué départemental de la SNSM. "Ce n’est pas tant opérationnel mais c’est plutôt un rôle d’expertise sur le plan des aptitudes des sauveteurs embarqués, des éventuels problèmes médicaux qui peuvent survenir lors des opérations."
Il donne aussi des formations au pôle national de formation de la SNSM qui se situe à Saint-Nazaire sur l’"aide médicale en mer". Au total, il consacre entre 15 et 20 semaines par an à la SNSM, en plus de son activité d’urgentiste pour le Samu. "Je donne de mon temps."
Attention aux hélices C’est le plus souvent en tant que sauveteur embarqué que le Dr André aide la SNSM. "Dès que je rejoins Pornichet, je me mets disponible sur l’application que l’on utilise à la SNSM. Cela signifie que je suis opérationnel. Après c’est un déclenchement un peu similaire à celui des pompiers volontaires", résume l’urgentiste, intrépide. "J’interviens sur l’ensemble des opérations SNSM, explique-t-il. Quelques interventions de secours aux personnes mais on fait surtout beaucoup de remorquage, d’interventions sur des navires en panne sans qu’il y ait nécessairement, et heureusement, péril ou nécessité de sauvetage de vie humaine." En matière de sauvetage en mer, la SNSM n’intervient pas "dans la bande des 300 mètres, délimitée par les bouées jaunes, qui relève des municipalités et des sauveteurs positionnés sur les plages", mais au-delà. "On n’intervient pas sur les noyades de baigneurs, sauf s’ils se trouvent très au large, mais c’est quand même assez exceptionnel." Mais face à la "démocratisation des loisirs nautiques" – jet ski, paddle, etc. – les sauveteurs de la SNSM doivent parfois porter assistance à des vacanciers à la dérive "Ils ne sont pas forcément très au fait des procédures", observe le Dr André. A Pornichet, où l’activité est bien plus intense l’été, une patrouille côtière inspecte la baie tous les après-midis. A bord, surtout des jeunes sauveteurs saisonniers "qui font ça à titre de job d’été". Redressage de catamaran, ressalage de dériveur… occupent leurs journées. "On a quelques accidents liés aux bateaux à moteur avec malheureusement des personnes qui passent dans les hélices. C’est rare mais c’est parfois dramatique." Le Dr André se souvient d’une mission qui l’a particulièrement marqué. C’était en 2015 ou 2016. L’urgentiste était chargé d’organiser la mise en place d’un dispositif de surveillance et de sécurisation des plans d’eau de départ de course au large. "C’est un dispositif qu’on déploie par exemple sur le départ du Vendée Globe ou de la Route du Rhum, de grands événements nautiques qui ont besoin d’être sécurisés car il y a beaucoup de spectateurs sur le plan d’eau." "Il y a eu un accident avec un maxi ultime qui s’appelle Spindrift [trimaran de course, NDLR], qui a coupé en deux un zodiac de l’organisation. Une dame s’est retrouvée à l’eau avec une quasi-amputation des deux jambes", raconte-t-il, le ton grave. Lui venait tout juste de quitter la permanence, ce sont ses collègues qui l’ont prise en charge. Tous ont été choqués. Malaise sur un chalutier Fort heureusement, au cours de ses sorties en mer, le Dr André fait le plus souvent face à de la traumatologie bénigne, liée la plupart du temps à des chutes. "Ça relève souvent de la petite fracture. Mais lorsque vous vous faites une petite fracture sur votre voilier, c’est tout de suite compliqué pour revenir, indique le sauveteur passionné. Le milieu crée la complexité de l’intervention, de la prise en charge, pas la lésion en elle-même." Avec certains vecteurs comme les jets ski, "on peut craindre une accidentologie proche de ce que l’on peut voir sur la route, type accident de moto, car ce sont des engins très rapides", ajoute-t-il encore. Le médecin est aussi amené à faire face à des pathologies "classiques" : "La personne qui fait ses douleurs thoraciques, un malaise ou un AVC sur son voilier…" D’astreinte le 17 juillet soir, le Dr André est intervenu dans la nuit noire avec son équipe sur "un petit chalutier à bord duquel un pêcheur travaillant seul présentait un malaise".
Son rôle au sein de la station est aussi de soutenir les équipes, de faire des débriefings, des retours d’expériences. "Grâce à ma casquette de médecin urgentiste du Samu de Nantes, tout en respectant évidemment le secret médical, je peux quand même donner quelques nouvelles aux équipes sur des prises en charge lourdes. Ça permet de les conforter dans leurs techniques ou de leur donner des pistes d’amélioration", ajoute-t-il, précisant qu’un deuxième médecin est sauveteur à Pornichet, ce qui fait que "la station a un contact médical permanent". Ce qui n’est pas le cas de toutes les antennes. Mais si son statut d’urgentiste est un plus, "quand je suis à la SNSM, je suis avant tout sauveteur avant d’être médecin", tient-il à préciser "La plus-value que je peux apporter sur le plan médical est à contre balancer avec mon rôle d’équipier sur la vedette. Je dois être capable de manœuvrer, je ne dois pas être un boulet, je dois être capable de passer une remorque, mettre en place la motopompe, faire tous ces gestes", explique l’urgentiste, qui a dû se former pour être pleinement opérationnel. "Ce qui est important, c’est d’être avant tout amariné avant d’être médecin ; c’est d’appréhender le milieu, car ce que l’on peut faire à terre ne se fait évidemment pas de la même façon en mer." L’urgentiste entend poursuivre cette activité "jusqu’à [sa] limite d’âge", qui est de 67 ans pour les sauveteurs embarqués. Ensuite, "il faut savoir passer la main aux jeunes si on veut pérenniser le système", admet-il souriant.
Le Dr Alexis Belhache s’est installé en 1999 en tant que médecin généraliste au Havre. Passionné de tennis "depuis tout gamin" – ses grands-parents s’occupaient d’un club – il s’est ensuite formé à l’ostéopathie. "Je me suis blessé et je me suis adapté pour pouvoir me soigner moi-même, continuer à jouer", explique le médecin pour qui le tennis est "un amusement, mon jardin d’enfant". Puis il s’est orienté vers la médecine du sport, "pour m’ouvrir des portes". Depuis, le praticien havrais suit les plus grandes équipes : "J’ai été médecin de la ligue d’athlétisme, je suis d’ailleurs allé au championnat d’Europe avec l’équipe de France, au championnat du monde de golf, au championnat du monde de tennis universitaire, j’ai été médecin de la ligue de gymnastique. Prochainement je vais être médecin de l’équipe de France hockey sur glace et je vais aller aux JO de la jeunesse en Corée", énumère-t-il.
Il y a deux ans, le centre de formation de la SNSM du Havre l’a contacté pour lui demander de prendre en charge les sauveteurs en mer. Ravi de se lancer dans une nouvelle aventure, le Dr Belhache a tout de suite accepté. "J’ai compris qu’ils avaient besoin d’aide. On ne peut pas se permettre de laisser un jeune bénévole avec une pathologie. Ça m’a paru naturel de les aider." Une activité ponctuelle mais enrichissante pour le médecin du sport. "Quand des jeunes rejoignent les rangs, je leur fais un bilan cardiaque pour être sûr qu’ils n’aient pas de problème. Après, à la moindre douleur musculaire, tendineuse, à la moindre blessure, ils viennent me voir, j’essaie de les soigner le plus efficacement possible", explique-t-il. "Ce sont souvent des déchirures musculaires, des tendinites, douleurs à l’épaule, aux ischio jambiers."
S’il a vu défiler les sportifs dans son cabinet, les sauveteurs en mer "sont pour moi les athlètes de plus haut niveau que j’ai vu", assure-t-il, admiratif. "Ce qui m’impressionne, c’est qu’ils risquent leur vie et le font bénévolement. Ils peuvent être plongés en pleine mer dans la nuit noire, dans une eau à 3 degrés, pour aller chercher quelqu’un. Ils ont intérêt à être balèzes physiquement. Car ce n’est pas pareil de nager en pleine mer que dans une piscine. Il y a aussi la trouille, le courant, le sel, le froid… Je vais à plein de compétitions internationales, le mec qui fait du 100 mètres et se blesse, il s’arrête. Là, les sauveteurs peuvent se retrouver dans l’eau la nuit avec quelqu’un qui se noie, qu’ils doivent ramener sur le bateau. S’ils ont une crampe, ils sont mal."
L.C.
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