Téléconsultation : la Cour des compte pointe "des effets d'aubaine" pour les médecins

11/10/2021 Par Louise Claereboudt
E-santé

Durant la crise sanitaire, la télésanté, qui jusque-là peinait à décoller, a littéralement explosé, notamment grâce aux dérogations qui ont été adoptées au regard du contexte exceptionnel. Mais, alerte la Cour des comptes dans un rapport publié ce mardi 5 octobre, ces assouplissements ont permis l’apparition de dérives de professionnels de santé.   18,4 millions. C’est le nombre d’actes de téléconsultation qui ont été pris en charge par l’Assurance maladie en 2020. En 2019, ce nombre n’était que de 140.000. Propulsée par la crise sanitaire, la pratique, jusqu’ici boudée par les médecins, a permis de garantir la continuité de soins de nombreux patients, notamment chroniques, et aux soignants de maintenir un certain niveau d’activité, alors que les cabinets libéraux tournaient au ralenti. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, le Gouvernement a décidé de lever au printemps 2020 de nombreux freins à l’usage de la téléconsultation et de la télésanté, en supprimant de l’obligation de passer par son médecin traitant et d’avoir eu une consultation présentielle les 12 mois précédant la téléconsultation par exemple, et en permettant le remboursement de consultations par téléphone. En parallèle, des dérogations avaient été faites sur le télésoin, notamment pour les masseurs-kinésithérapeutes autorisés à pratiquer des actes de télésoin, à l’exclusion des bilans initiaux et des renouvellements de bilans. Un arrêté publié le 3 juin dernier a également autorisé les pharmaciens et les auxiliaires médicaux à pratiquer des actes de télésoin, inscrivant la mesure dans le droit commun, de même que la télé-expertise.   Facturer de simples conseils Bien que les assouplissements aient été bénéfiques pour de nombreux patients durant la crise, la Cour des comptes signale dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale publié ce mardi 5 octobre des "effets d’aubaine" apparus avec l’adoption des dérogations. En cause selon les Sages : "Le système d’information de la Cnam ne permettait pas d’identifier automatiquement les patients atteints de la Covid-19 ou susceptibles de l’être, ni de s’assurer de l’éligibilité du patient au recours dérogatoire au téléphone."

Conséquence : selon plusieurs études*, des professionnels de santé auraient facturé des conseils médicaux, ce qui est contraire aux dispositions du code de la santé publique qui stipule qu’ils ne peuvent exiger le paiement d’une prestation "qui ne correspond pas directement à une prestation de soins" (article L1111-3-4). "Le simple avis ou conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire", précise l’article R4127-53.   La Cnam va intensifier les contrôles "Les actions de contrôle de la Cnam doivent prendre en compte les risques associés à la télésanté de non-respect des règles définies par le cadre conventionnel d’autant que la prise en charge à 100 % des téléconsultations et du télésoin facilite la facturation d’actes fictifs", recommande de fait la Cour des comptes dans son rapport. "Un plan de suivi et de contrôle des actes de télémédecine va être mis en place pour veiller au respect des conditions de réalisation et de facturation des actes, qui pourra aboutir en cas de manquement à la récupération d’indus voire à des procédures conventionnelles", a répondu le directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme.   Fin du remboursement à 100% Dans son rapport, la Cour des comptes formule d’autres recommandations pour améliorer l’efficacité de la télésanté, comme la fin de la prise en charge à 100% de la télésanté. Elle déplore en effet que "les téléconsultations qui se sont multipliées pendant la crise sanitaire sont essentiellement des actes de substitution aux consultations réalisées habituellement en présentiel, non ciblés sur les publics ou les zones pour lesquels l’accès aux soins doit être amélioré". "Très utile durant cette période exceptionnelle, il conviendra néanmoins, au terme de la crise sanitaire, que ce type d’utilisation des téléconsultations cesse de bénéficier des conditions dérogatoires permises depuis le printemps 2020", écrivent les Sages qui estiment que "là où les patients ont un accès satisfaisant au système de santé, les ressources publiques n’ont en effet pas vocation à financer le développement non maîtrisé d’actes de télésanté, qui se surajoutent au mode de recours traditionnel à la médecine de ville".   *Un sondage commandé par l’Agence du numérique en santé indique que "la proportion de téléconsultations avec des patients âgés ‘qui avaient une question’ est passé de 20 % en octobre 2019 à 34 % en novembre 2020". Selon une autre étude menée par Doctolib en avril 2020, 57% des professionnels utilisant sa solution ont indiqué qu’après l’épidémie, "la téléconsultation leur permettrait d’être rémunérés pour les informations et conseils donnés auparavant aux patients par SMS, e-mail ou téléphone", sans honoraire donc ni remboursement par l’Assurance maladie.

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