1000 dollars pour un avis médical en 5 jours : à l'AH-HP, un projet de télé-expertise à l'international fait des vagues
Le premier CHU de France a été approché par une société privée spécialisée dans la télé-expertise médicale internationale. Moyennant finances, elle offre à ses clients américains et chinois un accès VIP aux meilleurs spécialistes mondiaux de cancérologie, neurologie ou cardiologie. A peine présenté, le projet de partenariat fait déjà débat. Un deuxième avis d'expert mondialement reconnu en un temps record. C'est ce que propose la société More Health, basée aux Etats-Unis, à ses clients américains et chinois. Cette plateforme de télé-expertise internationale, qui a contractualisé avec des assurances, propose aux patients qui en ont les moyens un accès privilégié à quelques 700 spécialistes américains en oncologie, pédiatrie, neurologie, cardiologie ou encore en gynécologie-obstétrique exerçant dans des hôpitaux partenaires. La société souhaite désormais élargir son panel d'experts à la médecine française. C'est la raison pour laquelle elle a approché l'AP-HP. Présenté fin septembre à la collégiale d'oncologie, le projet de partenariat "représenterait un levier potentiel pour la promotion de la marque APHP" à l'étranger (Etats-Unis, Chine mais aussi Proche, Moyen-Orient et Afrique, où More Health veut se développer) ainsi qu'une opportunité de "développement de la filière de prise en charge des patients étrangers", d'après le powerpoint consulté par Egora. Concrètement, le patient sollicite More Health, qui dans un premier temps va mettre en forme et rassembler son dossier médical. Le comité scientifique l'examine et le dirige vers un des médecins référents du réseau. Après acceptation "dans un délai de 48 heures", le médecin spécialiste dispose de 5 jours ouvrés pour proposer un deuxième avis sur le diagnostic et le traitement. Il peut solliciter un confrère ou faire appel à un radiologue. Le suivi du patient est ensuite assuré pendant six mois. Tarifs : 1000 dollars (soit 850 euros) pour le deuxième avis simple, 1500 dollars (1280 euros) en cas d'avis complémentaire et 500 dollars (430 euros) pour l'avis supplémentaire d'un radiologue. "La consultation de suivi est financée à hauteur de 500 dollars par 30 minutes", précise le document. Moi je propose 590 euros pour un troisième avis... Le partenariat est envisagé en oncologie dans un premier temps, avec "un nombre restreint de spécialistes volontaires de renommée internationale en oncologie médicale et en oncologie d'organes". Reste à savoir dans quel cadre. Sollicitée pour avis, la direction des affaires juridiques s'est prononcée en faveur d''un intéressement pour le service". "Cette activité ne peut entrer dans le cadre de l'activité libérale hospitalière", a-t-elle jugé. Réglementer des pratiques existantes Débattu au sein de la mailing list animée par le Pr André Grimaldi, le projet a vite rencontré l'opposition de certains médecins, qui dénoncent l'avènement d'une médecine à deux vitesses. Une spécialiste juge ainsi que cela reviendrait à "soigner dans les 5 jours de richissimes clients pendant que mes patients du tout monde et de tous milieux attendent parfois des mois", à les "hospitaliser avant les autres", se refusant à "participer à cette mission de destruction lente du service public hospitalier". Contactée par Egora, l'AP-HP précise qu'"aucune décision n’a été prise, ni même n’a été soumise au directeur général de l’AP-HP" à ce stade. "Si des collégiales sont intéressées par le projet, aucune décision ne sera prise avant discussion dans les instances de l’AP-HP", insiste-t-on. "En tout état de cause, si un projet de cette nature devait voir le jour, ce ne serait pas au détriment de l’activité AP-HP, mais pour éviter, ce qu’on observe régulièrement, des « deuxièmes avis » donnés et rémunérés dans des cadres non réglementés, sans aucun retentissement pour l’AP-HP, et sans aucun retour pour les services concernés".
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