Avant le reconfinement, deux jeunes sur trois ont déjà pensé au suicide

12/11/2020 Par Marion Jort

Selon une étude de la fondation Ramsay Santé, deux jeunes sur trois ont reconnu avoir pensé au suicide. Un phénomène qui risque de s'accroître fortement dans le cadre du second confinement. Cinq jours après la journée nationale contre le harcèlement, la Fondation Ramsay Santé dévoile une étude sur le suicide des jeunes dans le cadre de ses troisièmes Rencontres Prévention Santé. Près de 1.000 réponses de jeunes ont été analysées sur le mois de septembre et les résultats ont de quoi inquiéter : 2/3 jeunes ont indiqué avoir déjà pensé au suicide, dont 18% “récemment”. Plus inquiétant encore, 7% d'entre eux n’ont pas voulu “le dire” et répondre à la question. Interrogés également sur la “raison numéro 1” des pensées suicidaires chez les moins de 25 ans, 54% ont répondu par le harcèlement, 16% ont évoqué les réseaux sociaux, 14% la solitude et 5% une raison amoureuse. Présentée par Monelle Barthélémy, directrice des Opérations du média interactif JAM, cette étude précise certains facteurs de risque, comme notamment la période de “sortie du nid”, moment où les jeunes quittent leur domicile. Ainsi, 13% des jeunes interrogés ont considéré qu’apprendre à vivre seul est “un parcours plein d'épreuves”. Plusieurs exemples sont cités, parmi lesquels le fait de quitter ses proches et ses habitudes, la gestion du quotidien, le fait de tenir un budget ou même de laver son linge et de gérer des événements tels qu’un dégât des eaux. Enfin, le dernier enseignement à tirer de cette étude concerne le manque d’information des jeunes sur le sujet. En effet, seul un jeune sur cinq interrogé affirmait connaître une solution d’aide existante. 41% des participants ont même déclaré ne rien connaître “du tout”.

Un risque encore plus important chez les carabins Pour rappel, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes après les accidents de la route. Ces données révélées par Ramsay Santé dans la population générale, sont à rapprocher d’une précédente étude de la Fondation Jean Jaurès publiée en mai expliquant qu’un interne en médecine à trois fois plus de risque de se suicider qu’un Français du même âge. Chaque année, une dizaine d’entre eux se suicident. L’étude de la fondation Jean-Jaurès estime le taux de suicide des internes à 33 pour 100.000. A titre de comparaison, celui de la population générale pour la même tranche d’âge (25-34 ans) est de 10,9 pour 100.000 habitants, en 2014. L’un des facteurs les plus importants est la prévalence de la dépression, mais aussi la pression des études. D’autres facteurs de prévalence sont également à noter, relèvent Dorothée de Trégomain, vice-présidente de SOS Amitié Paris Ile-de-France et Monelle Barthélémy : la confiance en soi, le harcèlement, les troubles anxieux, troubles liés à l’utilisation de substances ou le manque de moyens financiers. Seul point positif relevé par l’étude, la capacité des jeunes d’aujourd’hui à parler ouvertement de phénomènes jusqu’ici largement tabous. Ils sont notamment aidés par l’engagement de jeunes artistes, évoquant eux-même leur propre vécu telles que la chanteuse pomme ou la youtubeuse Léna Situation, explique Monelle Barthélémy.   Des pistes de prise en charge pour aider les jeunes Au cours d’une émission consacrée à l’étude, plusieurs pistes ont d’abord été développées par les intervenants, médecins ou associatifs : l’intégration d’une “mesure d’urgence” pour les pédopsychiatre -qui travaillent souvent...

plus sur le temps long- avec des moyens adaptés; le fait de réserver 15% des moyens des structures d’accueil pour les cas urgents; déconstruire les idées préconçues des jeunes sur l’hospitalisation psychiatrique; travailler de manière conjointe entre psychiatrie de l’enfant, adolescent et adulte.    

D’autres solutions émanent de recherches et d’initiatives de la part du corps médical ou des associations. Présente lors de l’émission, Dorothée de Trégomain a expliqué que 35% des utilisateurs du chat de SOS Amitié ont moins de 35 ans et que les idées suicidaires concernent 46% des échanges. Outre le travail de cette association, le Dr Sofian Berrouinguet, Psychiatre au CHU de Brest a présenté un protocole d'étude Suicide Intervention Assisted by Messages (SIAM) lancée en 2015 donc l’objectif est de démontrer l’efficacité du dispositif de veille par SMS sur la réduction de la récidive suicidaire à 6 mois. Une autre initiative, lancée par une interne en Santé publique a été présentée lors de cette conférence. Si pour sensibiliser les jeunes, les formats sont toujours courts et percutants, cette dernière a lancé une mini-série interactive dans le cadre de l’étude I-Share (une grande étude scientifique sur la santé des jeunes) intitulée “Qu’aurais-tu fais à ma place” dans laquelle l’utilisateur est acteur et doit faire une série de choix.   Effet délétère du confinement Une autre étude de la Fondation Jean-Jaurès publiée la semaine dernière sur les effets du confinement sur le risque suicidaire révèle que 20% des personnes interrogées ont déjà envisagé de le faire, 11% pendant le premier confinement et 17% depuis la fin du confinement en mai. Parmi les personnes qui ont déjà envisagé le suicide, 27% ont déjà fait une tentative de suicide provoquant une hospitalisation (22% en 2016) et au total, en France.

Interrogé sur l’impact du confinament concernant les jeunes dans le cadre des Rencontres Prévention Santé, le Pr Marcel Rufo, Pédopsychiatre spécialiste des adolescents qui dirige l’Unité d’hospitalisation à la Clinique des Trois Cyprès à La Penne-Sur-Huveaune (13) n’a pas caché son inquiétude, s’attendant un à une recrudescence de tentatives dans les prochains mois. “Je crois que le confinement a attaqué de manière très forte les plus fragiles”, a-t-il redouté. Les jeunes sont d’autant plus fragilisés en cette période qu’ils ont, pour la plupart, perdu le travail étudiant et peuvent manquer de ressources, sont parfois confinés seuls et voient leur formation complètement bousculée. 

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