Violence contre bienveillance : gynécos et patientes divisés sur le label maternité

24/10/2019 Par Audrey Freynet
Le CNGOF a annoncé jeudi 17 octobre, la venue d'un "label maternité" destiné aux établissements bienveillants. Une mauvaise surprise pour les représentants des usagers qui n'ont pas été informés et contestent farouchement cette initiative, tant sur la forme que le fond.

Un label maternité a été créé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Annoncé le 17 octobre, il est attribué aux établissements "qui s’engagent à mettre la bienveillance au centre de toutes leurs activités" et qui "acceptent la transparence" sur leurs pratiques, telles que les taux d'épisiotomie, d'accouchements déclenchés et de césariennes. Une labellisation à l'initiative unilatérale du CNGOF* que déplorent les représentants des usagers qui n'ont pas eu leur mot à dire. "Les associations d’usagers n’ont jamais cautionné ce label ni participé à son élaboration. Sur le fond, le Ciane (Collectif inter associatif autour de la naissance, ndlr) considère que la bientraitance n’est pas une option à laquelle des maternités volontaires pourraient adhérer. Elle est une obligation pour tous", pointe le communiqué du Ciane.

Capture d'écran Facebook du groupe "Stop à l'Impunité des Violences Obstétricales" à l'annonce du label.   Un label, une plateforme, douze critères Les maternités qui sont et seront labellisées CNGOF s'engagent à respecter 12 grands principes, tels que "l’amélioration de l’information des femmes enceintes par la plate-forme Maternys", la "transparence des maternités" sur leurs pratiques, ou encore "le confort du nouveau-né avec en particulier une aide à l’allaitement pour les femmes qui le souhaitent".

L'initiative du label et de la plateforme a débuté fin 2017, en réponse aux accusations de violences obstétricales et gynécologiques qui ont émergées ces dernières années. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les témoignages de gestes et d'attitudes...

inappropriées à l'égard des patientes déferlent. Non prise en compte de la douleur, de la volonté ou du consentement, épisiotomie forcée, paroles dégradantes... Sur la page Facebook "Stop à l'Impunité des Violences Obstétricales" ou sur Twitter sous le hashtag "PayeTonGynéco", les histoires s'enchaînent. Il y a deux ans, il nous a été reproché un défaut d'information et d'être maltraitant à cause de cela. […]  Le label et la plateforme sont des moyens de remplir le devoir d'information, avec des moyens actuels. Il n'est pas là pour déresponsabiliser les confrères mais pour améliorer l'impact de l'information qui est délivrée, car la patiente peut l'absorber quand elle le souhaite", explique le Dr Bertrand de Rochambeau, président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF), qui salue l'arrivée tant du label que de la plateforme Maternys.   Améliorer l'information ou protéger les soignants ? C'est via Maternys, liée au label, que l'information sera aussi prodiguée aux femmes tout au long du processus de grossesse. Si une patiente opte pour un suivi dans une maternité labellisée, l'inscription à la plateforme lui est systématiquement proposée avec un accès qui se fait "sur ordonnance", souligne le Pr Israël Nisand lors de l'annonce de la mesure, le 17 octobre. Le coût de l'inscription, cinq euros, reste à la charge de la patiente. Des vidéos explicatives disponibles sur Maternys répondent, selon le CNGOF, aux "besoins fondamentaux d'information des femmes". Un questionnaire en fin de séquence permet de vérifier leur compréhension au regard des informations données. Un moyen selon le CNGOF de diffuser les informations que "le gynécologue obstétricien ou la sage-femme ne sont pas en mesure de détailler" et qui présente "une valeur médico-légale, car il apporte la preuve de l'information et de la prise de connaissance de chaque contenu par la patiente". Un point que conteste fortement l'IRSAF. "Il n'est pas possible de répondre à un phénomène social ou de santé publique, comme les violences obstétricales et gynécologiques, par quelque chose qui protège les soignants !, déplore Basma Boubakri, co-présidente de l'Institut. Pour moi, le but de cette opération c'est encore quelque chose fait par les soignants, pour les soignants. Au final le label illustre parfaitement le problème des violences obstétricales et gynécologiques dans le sens où l'on ne fait pas avec les femmes".     Meilleure prise en compte des patientes ? "Nous passons notre temps à bien faire notre travail et chercher des voies d'amélioration et honnêtement, le label en est une. Pour la première fois il s'appuie sur une communication dans les deux sens : entre les soignants et les patientes, insiste le président du SYNGOF qui fait référence à la possibilité...

laissée aux femmes de donner leur avis après l'accouchement sur la plateforme Maternys. Les patientes évalueront en effet, elles-mêmes, les maternités labellisées sur les critères énoncés via un formulaire qu'elles rempliront, trois jours puis trois mois après leur accouchement. Les "notes" ne seront pas rendues publiques. Seul le "comité éditorial du label" – dirigé par le CNGOF et tenu au secret professionnel – pourra en prendre connaissance. En cas de "dérapage" d'une maternité, ledit comité pourra prendre contact avec le chef de service et lui retirer le label. Déjà une soixantaine de maternités ont demandé le précieux sésame. Une dizaine sont d'ores et déjà pré-labellisées sur la base de leurs statistiques d'activité passées et leur engagement à respecter les critères.   Une avancée à saluer ? "C'est une très bonne idée", qui "donne aux maternités l'obligation de se poser la question de comment elles peuvent s'améliorer", estime Patrick Fournet, gynécologue-obstétricien dont la maternité en Seine-Maritime est la première à avoir obtenu le label CNGOF. Mais pour les associations et collectifs qui luttent contre les "violences obstétricales", ce procédé ne permettra pas de changer en profondeur certaines pratiques médicales et relations entre patients-soignants qu'ils jugent "obsolètes". "Aujourd'hui, à partir du moment où vous accouchez, il est presque considéré normal que de nombreux intervenants viennent mettre les mains dans le sexe, ne respectent pas l'intimité, que des internes s'entraînent sur la patiente, sans parler des violences verbales, etc… C'est donc toute une mentalité qu'il faut faire évoluer et il faut travailler ensemble pour le faire et enfin se rejoindre sur la définition des violences obstétricales et gynécologiques." À l'énoncé des témoignages sur Internet, repris par les représentants des usagers, le Dr Bertrand de Rochambeau réagit : "Nous serions, dépassés par l'image et le statut de la femme alors qu'on baigne dedans 24h/24h ? Il faudrait le démontrer et ce n'est pas le témoignage de l'immense majorité des femmes". Du chemin reste à parcourir pour mettre CNGOF, syndicats, patientes et associations d'accord.     *Interviewé pour cet article, le Pr Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) n’a finalement pas souhaité être cité face au refus de ses demandes de relecture/réécriture.

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