"J'ai acheté en SCI et aujourd'hui, je m'en mords les doigts"

22/06/2017 Par Catherine le Borgne

Conçue en pleine période de stabilité démographique médicale, la SCI de quatre parts de ce confrère du Nord est restée cinq ans invendable, faute de repreneurs, mais avec toutes ses charges à payer. Ayant enfin réussi à vendre les murs près du tiers de leur dernière estimation, aujourd'hui le généraliste conseille : "Surtout n'achetez pas, louez".

La crise démographique ne se ressent pas seulement dans la difficulté d'accès aux soins des patients ni au travers des semaines harassantes que doivent supporter nombre de médecins généralistes et spécialistes pour pallier le manque de bras en campagne et maintenant, même en centre- ville. Elle se fait aussi cruellement ressentir dans la population des propriétaires de SCI (société civile immobilière), qui ont de plus en plus de mal à trouver un nouvel associé lorsque l'un des porteurs de parts part en retraite, déménage ou décède. Tel a été le cas d'un médecin généraliste du Nord, propriétaire et gérant d'une SCI de quatre parts, près de Douai. Sous le pseudo de Rebecran, ce généraliste de 71 ans a témoigné de son histoire après avoir lu celle d'un médecin radiologue de Ouistreham qui, au même âge et voulant lui aussi prendre sa retraite, ne trouvait pas de successeur pour son cabinet (partagé avec un associé médecin généraliste spécialisé en échographie) alors qu'il le mettait en vente, tout équipé, à 1 euro… Rebecran, lui, a enfin réussi à se débarrasser de l'immeuble constitué de 4 parts de SCI en 2011, après en avoir assumé la charge pendant cinq ans puisqu'un associé propriétaire est parti en retraite, le deuxième est décédé et le dernier a déménagé (après avoir embauché la secrétaire). A lui la taxe foncière et les réparations des dégradations, plus rapides dans un immeuble vide. Pour pouvoir assumer les charges de la SCI désertée alors qu'il était tombé gravement malade et avait pris sa retraite, Rebecran a accepté une activité de médecin coordinateur en EHPAD, qu'il poursuit toujours jusqu'à la fin du mois.  A l'entendre, cet immeuble fut un fardeau barbant et coûteux. "Nous avons acheté en 1985, à quatre parts égales, après l'avoir loué 10 ans. On a enfin réussi à vendre en 2011, mais à quel prix !". Idéalement situé en centre-ville et dans une zone passante et pratique avec parkings, le bien avait été évalué 260 000 euros en 2007. Il a été vendu à 100 000 euros. "On ne s'en rend pas compte au début, on est content de pouvoir aménager les choses à notre façon. Mais il faut réunir une assemblée générale pour prendre toute décision importante, ce qui revient à 600 euros de l'heure, si elle est organisée par un expert-comptable. Au bout de 20 ans, arrivent les gros travaux, chauffage, toiture, plomberie, tout à notre charge". Et au résultat, à l'heure de la retraite, impossible de céder ses parts puisque ce genre de montage juridique n'intéresse plus les jeunes. "Et encore, par rapport au confrère de Ouistreham, nous n'avons pas eu à acquitter les frais de licenciement du personnel", se félicite-t-il. Des frais, en l'occurrence, qui vont sans doute monter jusqu'à 80 000 euros pour les 6 employées du cabinet de radiologie… Alors, son conseil en direction des confrères est on ne peut plus clair : "Surtout, n'achetez-pas ! Il ne faut pas vouloir maîtriser tout, à tout prix. La vie avance, les choses changent. Les locaux professionnels sont très spécifiques, et d'autant plus difficiles à céder ensuite. Louez, les travaux seront pris en charge par les propriétaires. Et les communes vont être obligées de faire des efforts pour attirer les médecins"… Le marché est du côté des jeunes générations qui '"n'ont plus besoin de courir pour s'installer", ajoute-t-il. "Ils sont attirés par les maisons de santé pluridisciplinaires, pas par les groupes à l'ancienne". Nicolas Loubry, juriste responsable du département protection juridique à la Macsf, reconnaît qu'il a eu vent de beaucoup d'histoires de ce genre. "C'est tout le problème de l'exercice en groupe. Si personne ne reprend les parts et si l'immeuble n'est pas vendu, c'est le dernier associé qui doit tout payer. Je conseille aux médecins de s'assurer que la SCI sera reprise, ou de la dissoudre avant de se retrouver seul porteur de parts. En un mot, plutôt que de se retrouver seul dans un local trop grand, il faut anticiper." Cette assurance de pérennité de l'activité, les jeunes peuvent davantage la trouver dans les maisons de santé pluridisciplinaires, dont les médecins peuvent acheter les murs, mais qui sont soutenues par les municipalités et se montent dans une zone de pénurie, et sont donc faites pour durer. Modèle des 20 dernières années, conçu en période d'essor démographique, imaginée pour représenter un petit pactole au moment du départ en retraite, au même titre que la vente de clientèle, la SCI illustre aujourd'hui "toute la difficulté de l'exercice libéral", en ces périodes de décrue démographique, relève Nicolas Loubry. Un problème qui touche généralistes et spécialistes, aussi durement. "On est dans une période d'ubérisation, de libanisation de l'économie. Les générations actuelles ne veulent plus investir. Et franchement, elles n'ont pas tort", conclut Rébécran.

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