Difficile de chiffrer le poids du syndrome post-Covid ('Covid long') : dans son avis remis au ministre de la santé, Aurélien Rousseau, le Covars l’estime à "plusieurs centaines de milliers de personnes" en France. Parmi les raisons de cette incertitude, la multiplicité des symptômes : "la présentation est protéiforme selon les patients, et plus de 200 symptômes ont été rapportés dans la littérature. Il s’agit d’une atteinte multisystémique, qui peut toucher tous les organes de la tête au pied", explique le Pr Xavier Lescure, (service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris), corédacteur de l’avis.
Selon la Haute Autorité de santé (HAS), ce syndrome se caractérise par la persistance de symptômes plus de quatre semaines après un épisode aigu de Covid-19. Parmi les pistes explicatives, la persistance d’une infection virale à bas bruit, des phénomènes immuno-inflammatoires (systémiques, cérébraux, etc.), voire une altération du microbiote intestinal.
Si les raisons pour lesquelles le syndrome post-Covid survient chez certaines personnes, mais pas chez d’autres, demeurent mal connues, plusieurs faits sont désormais établis. Notamment l’existence d’un 'effet variant' : les cas de syndrome post-Covid semblaient plus fréquents avec les premiers variants, Wuhan et Alpha, qu’avec Omicron. De même, la vaccination, en réduisant le risque de forme grave du Covid-19, atténuerait aussi celui de syndrome post-Covid.
Une offre de soins peu lisible, hétérogène
Face à un syndrome aussi complexe, le Covars estime que la prise en charge laisse à désirer. Il pointe "un manque de lisibilité de l’offre, une grande hétérogénéité géographique, un niveau de connaissances des professionnels de santé souvent insuffisant, et une tendance à la psychiatrisation des symptômes, dans un contexte général de pénurie médicale". Autant de facteurs qui favorisent un manque de reconnaissance, donc une errance médicale, à risque de désinsertion professionnelle, voire de décrochage scolaire chez les enfants et adolescents, que le syndrome post-Covid n’épargne pas.
Si les agences régionales de santé se sont attelées au Covid long, mobilisant notamment les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), "la mise en place de ce modèle est très hétérogène sur le terrain", estime Xavier Lescure. "Il y a des endroits où cela marche très bien [le Covars cite l’Ile-de-France et l’Occitanie, NDLR]. Il y a en a d’autres où, pour des raisons de volonté politique, de sous-dotation en ressources humaines des agences, de faiblesse des DAC, cela ne fonctionne pas", ajoute-t-il. "Même quand ces structures existent, les généralistes ne sont pas toujours au courant des dispositifs."
Généraliste, réadaptation, soins psychologiques
Le Covars prône la mise en place d’une "prise en charge holistique", dont le généraliste constituerait la principale voie d’entrée. Selon Xavier Lescure, "c’est lui qui connaît le mieux le patient avant l’occurrence des troubles, et qui peut faire plus rapidement le diagnostic différentiel". En l’absence d’examen biologique ou d’imagerie, le diagnostic ne peut être que clinique. "Avec un peu d’expérience, on arrive facilement, dans la plupart des cas, à faire la distinction entre un Covid long et d’autres maladies, néoplasiques, auto-immunes ou inflammatoires, ainsi qu’avec des troubles somatoformes."
Au-delà du généraliste, la prise en charge doit intégrer soins de réadaptation et rééducation, afin que "le patient ajuste son quotidien en fonction de sa fatigabilité", ainsi qu’un soutien psychologique. Egalement en coordination, la médecine du travail et la médecine scolaire. Dans un communiqué publié mercredi, le ministère de la Santé indique avoir saisi la HAS en août, en vue de recommandations sur des parcours organisés et coordonnés de soins.
Mieux tenir compte des syndromes post-infectieux
Au-delà du Covid long, c’est toute la question des syndromes post-infectieux qu’il faut repenser, estime le Covars. Le phénomène a été observé avec bien d’autres maladies infectieuses, dont Ebola, le chikungunya, le virus du Nil occidental, ainsi que le virus OC43, premier coronavirus épidémique ("grippe russe" de 1889-1890), désormais agent d’une banale infection hivernale.
"Le temps des émergences n’est pas terminé. Avec le changement climatique, la population mondiale et les migrations, on peut s’attendre à connaître de plus en plus de pathologies infectieuses, dont un grand nombre donnera vraisemblablement lieu à des syndromes post-infectieux", note la Pre Brigitte Autran, professeure émérite en immunologie (faculté de médecine Sorbonne Université) et présidente du Covars. D’où la nécessité, selon le comité, de se préparer à l’avenir, en incluant ce sujet dans la formation médicale, ainsi qu’en intégrant ces symptômes dans les plans de prévention et de préparation aux futures pandémies.
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