Avec 160 millions de femmes concernées dans le monde, les mutilations sexuelles féminines restent un problème d'actualité, a rappelé le Dr Pierre Foldes, cofondateur et président de l'Institut Women Safe and Children qui aide les femmes et enfants victimes de violences à Saint-Germain-en-Laye*. Ces mutilations se pratiquent en Afrique mais aussi en Asie (Inde, Indonésie), en Amérique Latine et Centrale. En France, plus de 60 000 fillettes ou femmes seraient mutilées ou en danger d'excision. Ces pratiques, qui ont pour but de contrôler la sexualité féminine, se voient chez les musulmans comme chez les chrétiens (au Mali, en Guinée-Conakry, à Djibouti), en milieu urbain comme rural, quel que soit le niveau socio-économique. Il n'existe aucun parallélisme anatomoclinique entre l'importance de l'excision, qui est le plus souvent réalisée avant l'âge de 3 ans mais parfois à l'adolescence ou plus tard, et les conséquences sur la sexualité féminine. La réalisation de ces mutilations par des médecins, comme on le voit aujourd'hui, ne diminue pas leurs conséquences délétères (décès, hémorragies, infections, rétention urinaire, dyspareunie, problèmes psychologiques) et aurait même tendance à les augmenter, selon le Dr Foldes. Les programmes mis en place, dans des pays comme le Burkina Faso pour lutter contre ces mutilations, ne sont pas toujours couronnés de succès et, un changement de responsable gouvernemental, ou une épidémie comme le Covid-19, peuvent faire monter rapidement à la hausse ces coutumes, « dont la profondeur de l'ancrage sociologique a été sous-estimée », considère le Dr Foldes. Du reste, une enquête conduite en Guinée en 2017 a montré que 75 % des jeunes hommes et 82 % des jeunes filles de 18 à 24 ans étaient favorables à la poursuite des mutilations génitales féminines. Bonne nouvelle cependant, « les femmes se réapproprient la question et des progrès pourraient donc avoir lieu grâce à elles », espère le Dr Foldes. A l'Institut Women Safe en France, beaucoup de femmes consultent pour des violences conjugales et c'est à l'occasion des échanges avec l'équipe que leur excision est abordée avec la possibilité d'une reconstruction chirurgicale, qui donne de bons résultats dans plus de 85 % des cas et est remboursée à 100 % par la Sécurité sociale. Il n'est pas rare qu'au centre on annonce à des jeunes filles placées à l'Aide sociale à l'enfance qu'elles ont été excisées, alors qu'elles ne le savaient pas, a rapporté Frédérique Martz, cofondatrice et directrice générale de Women Safe. Examiner les enfants et informer les parents Le Dr Céline Deguette, médecin légiste à l'unité médico-judiciaire (UMJ) de l'Hôtel Dieu de Paris, a insisté sur l'intérêt d'examiner systématiquement les organes génitaux externes des petites filles, comme on le fait pour les petits garçons, au minimum à l'occasion des examens de santé obligatoire. De même à l'adolescence. Les conclusions seront notées dans le carnet de santé ainsi que dans le dossier médical (de façon à ce que si l'enfant subissait une excision par la suite, on ait une trace d'un examen normal avant ; ce qui est important car ...
il est difficile de déterminer la date d'une mutilation sexuelle). Dans beaucoup de PMI, qui jouent un grand rôle dans la prévention, cet examen est pratiqué. Il faudra se méfier lors des retours au pays, des entrées à l'école, en collège, si les parents expriment que « l'enfant va devenir grande et recevoir des cadeaux ». En consultation, on abordera sans détour la question de l'excision avec les parents pour recueillir leur point de vue, et on les informera avec tact et empathie que la réalisation ou l'incitation à pratiquer des mutilations sexuelles féminines sont considérées comme un crime (pas un délit) par la loi française pouvant être puni de 5 ans à plus de 15 ans de prison, que les parents peuvent être incriminés, que l'auteur de l'excision même faite à l'étranger peut être poursuivi en France. Si on entend parler d'une intention d'excision prochaine ou que l'on constate une excision à l'examen de l'enfant, il faudra en signaler l'existence en urgence (éventuellement par téléphone) au Procureur de la République sans prévenir les parents (sauf bien sûr s'ils désirent protéger leur enfant), et bien reporter leur adresse et leur téléphone sur le signalement. Le risque serait en effet, que les parents qui dans ces familles déménagent souvent, ne puissent être retrouvés à temps alors qu'il faut protéger l'enfant ou ses sœurs. En cas de doute sur la réalité de l'excision, on notera cela dans le dossier et on demandera un 2e avis, éventuellement à un médecin spécialisé en médecine légale exerçant en UMJ. Le Dr Deguette a relevé le fait que « les mutilations sexuelles féminines étant un crime, aucun secret médical ne s'oppose à la diffusion des informations les concernant ». Le code déontologique va aussi en ce sens. Les jeunes filles seront informées qu'elles peuvent faire le 119 en cas de danger. Les victimes disposent d'un délai de prescription de 30 ans à compter de leur majorité (soit jusqu'à l'âge de 48 ans). Beaucoup de sages-femmes informent les femmes excisées en maternité. Pour rendre encore plus efficace la prévention, certains médecins légistes comme le Dr Deguette, et des pédiatres, plaident pour une inscription dans le carnet de santé de l'enfant des excisions maternelles ainsi que du lieu géographique de provenance des 2 parents (le pays d'origine du père peut influencer la décision d'excision).
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