Les spécialistes veulent tout mettre en œuvre pour améliorer l’errance diagnostique qui est de 7 ans en moyenne pour cette pathologie. Les chercheurs tentent de trouver des moyens moins invasifs que la chirurgie, actuellement seul outil de dépistage ; tandis que les gynécologues ont récemment appelé à la création de centres experts.
L’endométriose est une maladie fréquente, mais sur laquelle plane encore un certain tabou, et qui se manifeste par des symptômes très variés et peu spécifiques, ce qui conduit à une errance diagnostique et thérapeutique majeure. Ainsi, selon les données de l’association EndoFrance, reprises par les gynécologues du Collège nationale des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le diagnostic ne serait porté qu’au bout de 7 ans en moyenne. Or cette pathologie concernerait une femme sur dix en âge de procréer, 33 % des femmes qui souffrent de douleurs aiguës cycliques, et un tiers des femmes infertiles. En outre, il s’agit d’une maladie invalidante avec un impact majeur sur la qualité de vie. En effet 70% des patientes présentent des douleurs chronique qui pèsent sur la vie quotidienne. "Il est temps d’accélérer et d’améliorer la prise en charge" affirmaient ainsi le CNGOF à l’occasion de son 42ème congrès, fin 2018. Décrite pour la première fois en 1860, cette pathologie, caractérisée par la présence de cellules d’endomètre hors de la cavité utérine, apparait comme une maladie inflammatoire énigmatique, de causes multifactorielles (génétique, environnementale). Sa prévalence elle -même reste assez floue, dans la mesure "où l’on ne parle de la maladie que lorsqu’elle est symptomatique" précise le Pr François Golfier, chef du service de chirurgie gynécologique et cancérologique - obstétrique au CHU de Lyon-Sud qui a piloté le travail de la commission endométriose au sein du CNGOF. De nombreuses idées reçues persistent à la fois dans le grand public, mais aussi parmi les professionnels de santé qui sont mal formés sur ce sujet : "il n’est pas normal d’avoir très mal au ventre pendant ces règles" martèlent les gynécologues. Un diagnostic chirurgical actuellement De nombreux médecins ne connaissent pas la démarche diagnostique. Les bilans sanguins usuels peuvent se révéler normaux. L’échographie pelvienne fréquemment prescrite comme seul examen est insuffisante, puisque comme l’IRM elle peut afficher une image qui ne décèle pas des lésions d’endométriose superficielles. La coloscopie, souvent réalisée par les gastro-entérologues ne contribue pas plus au diagnostic. Et seule la coelioscopie, avec biopsies ciblées permet d’affirmer le diagnostic. Faut-il encore qu’elle soit réalisée par un praticien qui s’y connaisse : "l’errance thérapeutique est aussi souvent liée à la multiplication d’interventions qui se sont révélées inutiles parce que sous-optimales" déplore le Pr Golfier. "Le risque pour les femmes, outre se voir renvoyées de médecin en médecin pour finir adressées à un psychologue ou psychiatre au motif qu’elles seraient émotionnellement "fragiles" : est de devoir in fine subir une chirurgie beaucoup plus lourde, voire invalidante" ajoute le CNGOF. Des recherches pour identifier des marqueurs génomiques "Il existe un besoin évident de nouveaux moyens diagnostiques" souligne aussi la Fondation de l’Avenir qui a donc décidé de remettre au Pr Michel Canis (CHU Clermont-Ferrand) en décembre dernier son Prix Jean Bayle Lespitau, pour ses recherches sur les expressions géniques de l’endométriose. Ses travaux visent à comparer des cellules endométriales de patientes normales et de patientes atteintes de la maladie avec différentes techniques. L’espoir étant de mettre en évidence des expressions géniques dans les cellules de patientes, qui pourraient constituer des marqueurs diagnostique de la maladie, accessibles soit via une prise de sang, soit via une biopsie endométriale pendant la consultation gynécologique. Et si les résultats obtenus, n’ont pas permis pour le moment de trouver de tels marqueurs diagnostiques, ils ont tout de même permis de progresser dans la connaissance de la maladie, et en particulier sur sa physiopathologie. Et plusieurs gènes pourraient devenir des cibles pour de nouveaux moyens de dépistage. Le diagnostic de l’endométriose est d’autant plus important à poser que les traitements ont largement évoluer ces 20 dernières années. Et si aucun médicament spécifique ne permet de guérir de cette maladie chronique évolutive, on peut "la mettre en silence" rappelle le Pr Golfier. L’arsenal thérapeutique va de l’hormonothérapie à la chirurgie, en deuxième intention. Un suivi au long cours est aussi nécessaire, qui prendra aussi en charge les problèmes d’infertilité et les éventuelles évolutions ou rechutes. Pour des centres plurisdisciplinaires labellisés Pour améliorer la prise en charge de l’endométriose, les spécialistes plaident donc pour la création de centres pluridisciplinaires, rassemblant des praticiens formés à cette pathologie. Un groupe de travail du CNGOF en a décrit les grandes lignes. Ces centres seraient répartis à raison d’un ou deux par région et devraient répondre aux critères définis par le groupe de travail. Un centre expérimental de ce type a déjà vu le jour au CHU Charles-Nicole, à Rouen, et a servi de modèle. Il ouvert en 2015, avec l’aval de l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie. "Le principe est simple : il ne s’agit pas d’y adresser physiquement toutes les femmes pour consultation. Constitué d’équipes pluridisciplinaires (gynécologues médicaux et chirurgicaux, spécialistes de PMA…), il travaille en réseau avec des professionnels de référence identifiés dans la région, hôpitaux ou cliniques, établissement publics ou privés et médecins libéraux. Le but est que chaque praticien identifié dans ce maillage puisse adresser le dossier de sa patiente au centre expert" précise le CNGOF. L’équipe de spécialistes se réunit pour examiner le dossier et déterminer le meilleur traitement pour la patiente. "A Lyon-Sud, nous avons déjà créé un tel réseau, de façon informelle depuis plusieurs années. Toutes les patientes ne sont pas opérées - si nécessaire - au CHU : ce peut être un autre chirurgien, dans un autre hôpital ou une clinique, dès lors qu’il est suffisamment expert. Mais nous examinons ainsi une vingtaine de dossiers tous les 15 jours. Cela permet d’éviter des interventions inutiles et de s’assurer que celles qui sont prescrites seront réalisées par des praticiens qui savent faire", commente le Pr Golfier. Cependant ce mode d’exercice nécessite un financement pérenne et reconductible. C’est pourquoi le CNGOF, à l’image d’associations comme Endofrance espérait obtenir l’aval du Ministère de la Santé pour une labellisation nationale. Mais, sur cette question, les gynécologues déplorent un statu quo. "Reçus par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) avec les associations, le 5 juillet dernier, il nous a été clairement signifié qu’il n’y aurait pas de centres experts et que nous n’avions qu’à nous organiser pour créer, avec nos moyens des filières de soins" précise le Pr Golfier. "La prise en charge, la santé de toutes les femmes qui souffrent d’endométriose mérite mieux que cela" affirme le CNGOF qui a décidé de "ne rien lâcher" en sollicitant les candidatures, et en invitant les équipes à se structurer pour créer des centres experts malgré tout.
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