Vers une flambée de cancers du foie : le cri d’alarme des hépatologues

15/01/2019 Par Marielle Ammouche
Hépato-gastro-entérologie
Si les hépatites font désormais partie des maladies curables avec une grande efficacité, du fait des énormes progrès thérapeutiques réalisés ces dernières années, c’est maintenant vers le cancer du foie que se tournent les efforts des hépatologues actuellement réunis au Palais des congrès pour la 12ème Paris Hepatology Conference (PHC, 14 et 15 janvier).

  Les spécialistes font en effet un constat alarmant : la mortalité des maladies du foie, essentiellement due au cancer hépatique, est en augmentation alors que ces maladies, contrairement aux autres pathologies chroniques, peuvent être généralement guéries, prévenues ou contrôlées évitant l’évolution vers le cancer. A l’échelle mondiale, les estimations actuelles font état de 844 millions de personnes touchées par une maladie du foie, et de 2 millions de décès par an, ce qui est bien supérieur à la mortalité due au diabète (1,6 million de décès, 422 millions de personnes malades). Ce taux est probablement sous-estimé, complète le Pr Patrick Marcellin (hôpital Beaujon, Clichy 92), fondateur et organisateur de la PHC, et risque de s’accroitre de façon importante dans les années à venir du fait d’un pic de cancer consécutif à l’hépatite C lié au pic de la maladie apparue dans les années 1980. En Europe, le cancer du foie constitue la troisième cause de décès liés au cancer, avec 50 000 morts par an. Et dans les prochaines années, ce taux de mortalité pourrait doubler, estiment les hépatologues.

En France, en 2018, le cancer du foie aurait provoqué entre 8 500 à 9 000 décès en France, selon les estimations de Santé Publique France. La cirrhose, qui fait le lit du cancer du foie, est aussi en augmentation dans notre pays, avec 700 000 personnes concernées, dont 30% à un stade sévère ou de cancer.   Les Nash en pleine expansion En cause, une augmentation massive et rapide des maladies hépatiques d’origine métabolique (stéatohépatite non alcoolique ou Nash), alors que les maladies d’origine virale ont, elles, tendance à diminuer. "Alors que le surpoids et la malbouffe gagnent la planète, la Nash - ou maladie du foie gras - représente une menace inédite en termes de santé publique Véritable maladie de civilisation, elle impose un retour à une médecine plus globale et plus personnalisée. Il y a urgence !", estiment les experts de la PHC. Les chiffres sont en effet alarmants. Aux Etats-Unis, en particulier, 35 à 40% de la population présenterait une stéatose. Et la Nash est en passe de devenir la première cause de transplantation hépatite dans ce pays. En France, la situation est moins préoccupante, mais une récente étude fait tout de même état de 16,7% d’adultes souffrant d’un foie gras (24,6% des hommes et 10,1% des femmes) ; parmi lesquels, 2,6% seraient atteints d’une Nash associée à une fibrose sévère.   Pour un dépistage de masse Pour les experts, une amélioration de cette situation passe nécessairement par une prise en charge plus précoce et donc par un renforcement du dépistage. Les maladies du foie restent en effet largement méconnues du grand public et sous diagnostiquées par les médecins. Ce dépistage apparaît bénéfique quel que soit le stade de la maladie. En effet, en plus des traitements des hépatites qui permettent soit de contrôler efficacement la réplication virale (dans le cas de l’hépatite B), soit une véritable guérison dans la très grande majorité des cas (pour l’hépatite C) - avec à la clé l’élimination de la maladie espérée pour l’horizon 2025 - , les traitements apparaissent aussi efficaces aux stades plus évolués. Ainsi, "si l’on a longtemps cru que la cirrhose était irréversible, on sait maintenant qu’elle peut non seulement régresser lorsque l’agression cesse, mais aussi disparaître complètement lorsqu’elle est prise en charge suffisamment tôt", précisent les hépatologues. En conséquence, pour le Pr Marcellin : "Nous devons sensibiliser le public, les professionnels de santé et les autorités de santé publique pour encourager la mise en place de politiques efficaces afin de diminuer la mortalité liée aux maladies du foie à court et à long à terme. Le dosage des transaminases respecte tous les critères de dépistage c’est un test simple, bon marché, disponible partout et dont la sensibilité, lorsqu’elle est correctement interprétée, est satisfaisante. En d’autres termes, le dosage systématique des transaminases lors de tout examen de routine constitue aujourd’hui le meilleur outil pour dépister à grande échelle et traiter efficacement les maladies du foie encore trop souvent négligées".   Cancer : de nouveaux traitements pour 2019 Ce dépistage apparaît d’autant plus adapté à la situation que la prise en charge du cancer hépatique pourrait bien être bouleversée par l’arrivée, dans les prochains mois, de nouveaux médicaments prometteurs. En effet jusqu’à présent, ce cancer était considéré comme rarement guérissable avec une survie nette à 5 ans qui n’excédait pas 8% pour les cas diagnostiqués entre 1989 et 1993, même si elle s’est un peu améliorée, passant à 16%, pour les cas diagnostiqués entre 2005 et 2010. Aujourd’hui, on assiste à une nette augmentation de la survie. Cela est lié tout d’abord à l’amélioration des pratiques chirurgicales (en particulier des hépatectomies), au développement des pratiques de chimio-embolisation et de radiofréquence, et aux greffes de foie, qui sont de plus en plus efficaces, avec une survie à 5 ans qui est désormais de l’ordre de 80 %. Mais "les plus gros espoirs viennent de la recherche sur les médicaments", notent les experts de la PHC. Plusieurs molécules prometteuses devraient en effet arriver sur le marché d’ici la fin 2019.

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