Troisième plan cancer : des "échecs" dans plusieurs domaines, considère un rapport d’évaluation

13/10/2020 Par Marielle Ammouche
Cancérologie
Certes le 3ème plan cancer (2014-2019) a permis des avancées, notamment concernant la recherche ou le sevrage tabagique, mais certains échecs sont notables. C’est ce qui ressort de l‘évaluation menée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (l'IGESR), qui vient d’être publiée.

  Ce rapport de 373 pages est le fruit de travaux très approfondis auxquels ont participé plus de 200 personnes (représentants des patients, professionnels de santé, sociétés savantes, conseils professionnels, collège de médecine générale, fédérations d’établissements, institutions de recherche, etc.), provenant de plusieurs régions. Les experts reconnaissent tout d’abord de nombreux points positifs au plan. La recherche a été développée et mise en avant, en particulier concernant la recherche transversale. « La capacité de réactivité des chercheurs a pu être mobilisée par exemple face aux développements rapides des immunothérapies ou des enjeux liés au partage des données soulevés par le développement de la médecine de précision » affirment les auteurs du rapport. Les thérapies innovantes ont pris de l’ampleur, notamment grâce au programme d’Accès Sécurisé à des thérapies ciblées innovantes (AcSé), « reconnu à l’international et qui devraient être consolidé ». « Les progrès réalisés pour la survie des malades sont réels » considèrent les auteurs : pour de nombreuses localisations, surtout  les plus fréquentes, la survie nette à 5 ans a augmenté entre 1990 et 2015, même si certains cancers restent d’évolution péjorative. « Les gains de survie sont mesurés dans certains cas en années et plusieurs innovations permettent un espoir de vie pour des malades en échec thérapeutique », comme avec les Car-T Cells, par exemple.

L’Igas et l’IGESR saluent de plus les efforts réalisés en prévention, dans la lutte contre le tabagisme. «  Le plan cancer 3 a joué un rôle décisif dans l’adoption d’un programme national de réduction du tabagisme en 2014 ». Il a ainsi participé à la baisse de la consommation observée actuellement. Autre axe, la qualité de vie pendant et après la maladie. Le plan cancer 3 a contribué au développement de la chirurgie ambulatoire, à l’amélioration des techniques de radiothérapie, au droit à l’oubli, et à la préservation de la fertilité. Enfin, la prise en charge des cancers de l’enfant a aussi connu « des avancées majeures », grâce à une augmentation notable du budget alloué à ce domaine.   Des échecs, voire des régressions Mais, « dans un certain nombre de domaines, les réalisations du plan cancer 3 ne sont pas à la hauteur des enjeux » soulignent les auteurs du rapport. Pour les dépistages organisés...

 qu’il s’agisse du cancer du sein, du cancer du col de l’utérus ou du cancer colorectal, « la mission considère qu’il s’agit d’un échec », avec des résultats « très loin des objectifs du plan ». Le parcours du malade demeure complexe avec des difficultés d’accès aux soins de support (ex. conseils diététiques, activité physique adaptée, soins esthétiques) et parfois des ruptures. Les cancers de mauvais pronostic restent un problème majeur. Les enjeux de soins palliatifs et de fin de vie étaient quasi absents du plan, de même que l’évaluation des séquelles causées par un cancer. Enfin, « la réduction des inégalités, qui était une des deux priorités transversales du plan, progresse mais de façon dispersée et insuffisamment structurée tant sur les inégalités sociales que territoriales » affirment les auteurs. Plus encore, ces derniers soulignent des « régressions constatées pendant la mise en œuvre du plan » dans certains domaines. Cela concerne particulièrement la prévention, et en particulier la lutte contre l’alcool, qui est pourtant responsable de 8% des cancers et de 16 000 décès annuels par cancer. « Outre le fait que le plan manquait singulièrement d’ambition dans la lutte contre l’alcool, la période est marquée par plusieurs régressions dans cette lutte (dont l’assouplissement de la loi Evin) » s’indignent les auteurs du rapport. La consommation d’alcool n’a quasiment pas baissé et  la France reste parmi les plus gros consommateurs de l’OCDE. « Cette situation requiert l’adoption d’une politique publique ambitieuse de prévention du risque alcool, comme le réclamait déjà la Cour des comptes en 2016 » insistent l’Igas et l’IGESR. En dehors de l’amiante, la lutte contre les expositions professionnelles a aussi connu des reculs avec, en particulier, le retrait en 2017 des risques chimiques des critères de pénibilité du compte professionnel de prévention. Autre problème majeur : les délais d’accès à l’IRM, avec une situation qui s’est détériorée est-il écrit dans le rapport. En outre, « de réels problèmes d’accessibilité sont constatés tant pour les médicaments que pour les actes innovants malgré une forte augmentation des dépenses dans ce domaine. La réalité de l’accessibilité aux médicaments innovants est en régression et source de fortes inégalités sur le territoire ».

  Des « priorités plus affirmées » Pour réussir la prochaine stratégie décennale de lutte contre les cancers en cours de construction, la mission Igas/IGESR propose  de s’appuyer sur divers leviers : une meilleure évaluation et répartition des ressources financières, une gouvernance dynamisée avec mise en place d’un comité d’orientation stratégique placé auprès du comité de pilotage interministériel, et une plus grande implication des régions de façon à lutter contre les inégalités. L’organisation globale devrait comprendre une définition des principales orientations pour les dix ans, accompagnée d’un plan d’action détaillé à trois ans, suivi lui-même chaque année. Pour les auteurs de cette évaluation, il est important de suivre ces recommandations « quitte à prévoir moins de priorités, mais des priorités plus affirmées ».

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