Laquelle de la glycémie à jeun, de la glycémie après charge en glucose ou de l’HbA1c prédit le mieux la survenue d’un diabète ultérieur ?

06/05/2019 Par Pr Philippe Chanson
Diabétologie
On s’interroge depuis longtemps sur la meilleure définition du pré-diabète, c’est-à-dire des glycémies ou des hémoglobines glyquées (HbA1c) qui permettent de définir, avec une forte probabilité, le risque qu’apparaisse ultérieurement dans la vie un authentique diabète.

En effet, le taux de progression varie en fonction des définitions de cette hyperglycémie « intermédiaire », prédiabétique. De plus, les critères utilisés par l’OMS et l’American Diabetes Association (ADA) ne sont pas les mêmes pour définir l’hyperglycémie modérée à jeun. Enfin, on dispose de peu d’études ayant évalué la valeur prédictive de ces définitions à partir de mesures (glycémie à jeun, glycémie après charge en glucose et hémoglobine glyquée) faites de manière concomitante chez les mêmes individus. De plus, les études dont on dispose ont surtout été faites dans des pays développés, en Amérique du Nord, en Europe ou en Asie, rarement en Amérique Latine. Ce sont les résultats d’une étude réalisée au Brésil qui sont publiés dans le Lancet Diabetes Endocrinol. Cette étude, la Brazilian Longitudinal Study of Adult Health (ELSA BRASIL) est une étude de cohorte portant sur des fonctionnaires âgés de 35 à 74 ans et recrutés dans des universités publiques et des instituts de recherche de 6 villes importantes du Brésil. Le diabète de type 2 a été défini sur la base d’un traitement antidiabétique ou de mesures de la glycémie à jeun et 2 heures après glucose et d’hémoglobine glyquée démonstratives. Afin de connaître la valeur prédictive de glycémies, soit à jeun, soit après charge en glucose, ou de mesures de l’hémoglobine glyquée prélevée au même moment pour prédire la survenue d’un diabète, 5 définitions d’hyperglycémie « intermédiaire » (donc de prédiabète) ont été utilisées : intolérance au glucose (glycémie 2 heures après 75 g de glucose ≥ 7.8 mmol), hyperglycémie modérée à jeun selon les critères de l’ADA (glycémie ≥ 5.5 mmol/l), hyperglycémie modérée à jeun selon les critères de l’OMS (glycémie à jeun ≥ 6.1 mmol/l), hémoglobine glyquée selon les critères de l’ADA (HbA1c ≥ 5.7 %) et hémoglobine glyquée selon les critères du comité international d’experts (IEC) (HbA1c ≥ 6%). 15 105 participants ont été recrutés entre 2008 et 2010 et ont été suivis pendant une moyenne de 3.7 ± 0.63 années. Le taux d’incidence du diabète a été de 2 pour 1000 personnes/année (IC 95 % = 1.8 – 2.1). Parmi les 11 199 sujets éligibles, 6 563 (59 %) vérifiaient au moins une définition d’une anomalie de glycémie « intermédiaire » (ou prédiabète). L’hyperglycémie modérée à jeun selon l’ADA (4 870 sur 11 199, soit 43.5 %), l’hémoglobine glyquée selon l’IEC (1 005 sur 11 199, soit 9 %) et l’HbA1c selon les critères de l’ADA (2 299, soit 20.5 %) prédisaient mal le diabète (3.5 – 3.6 pour 100 personnes/année). En revanche, l’hyperglycémie modérée à jeun selon l’OMS (1 140 sujets, soit 10.2 %) et l’intolérance au glucose (2 245, soit 20 %) étaient de meilleurs prédicteurs de la conversion (7.5 pour 100 personnes/année et 5.8 pour 100 personnes/année, respectivement). Toutes les définitions quelles qu’elles soient présentaient soit une faible sensibilité, soit une faible spécificité. La combinaison des tests améliorait la capacité pronostique, la combinaison d’une intolérance au glucose ou d’une hyperglycémie modérée à jeun selon l’OMS montrant la meilleure capacité de prédiction, même si celle-ci reste insuffisante (sensibilité = 67.7 % ; 64.5 – 70.1 ; spécificité = 77.9 % ; 77.1 – 78.7). L’aire sous la courbe pour les 3 tests glycémiques était de 65 % (63 – 66.9) pour l’hémoglobine glyquée, 74.6 % (72.7 – 76.4) pour l’hyperglycémie modérée à jeun et 77.1 % (75.4 – 78.8) pour la glycémie 2 heures après glucose alors que l’aire sous la courbe pour un score composé de l’information clinique était de 71.6 % (69.8 – 73.3). Lorsque ce score était combiné avec les résultats de l’HGPO, l’aire sous la courbe atteignait 82.4 % (80.9 – 83.9). En conclusion, l’hyperglycémie modérée à jeun selon les critères de l’OMS et l’intolérance au glucose après charge en glucose prédisent la progression vers le diabète mieux que ne le font les trois autres définitions d’une hyperglycémie intermédiaire mais leur sensibilité est faible. L’hyperglycémie modérée à jeun basée sur les critères de l’ADA a une meilleure sensibilité que les autres définitions mais classe presque la moitié des adultes comme ayant une hyperglycémie intermédiaire et prédit de manière pauvre le diabète. La combinaison des résultats de la glycémie intermédiaire avec les informations cliniques améliore les propriétés pronostiques chez les sujets à risque.

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