Le diabète de type 2, "erreur de catégorisation" ? C’est un pavé dans la mare que le diabétologue britannique Edwin Gale lançait en 2013, dans son éditorial paru dans le Lancet*. Selon lui, cette maladie, toujours "à la recherche d’une définition", "n’a pas de caractéristique clinique, est généralement diagnostiquée par défaut quand il n’existe pas d’autre cause évidente, sa physiopathologie est hétérogène, sa présentation clinique et ses conséquences sont variables selon les populations". Pourtant, la recherche se poursuit comme s’il s’agissait d’"une entité clinique unique avec des caractéristiques uniformes, supposant ainsi un mécanisme causal standard et un traitement universel".
Dix ans plus tard, le doute grandit quant au bien-fondé de l’appellation "diabète de type 2". Rappelant qu’il concerne de 90% à 95% des diabétiques, l’American Diabetes Association (ADA) maintient, dans ses recommandations de 2023, que ses causes sont variées, sans étiologie spécifique connue. "C’est un diabète de type 2 puisque ce n’est pas autre chose", ironise le Pr Etienne Larger, chef du service de diabétologie de l’hôpital Cochin (Paris). Selon lui, nombre de cas cachent d’autres types de diabète non décelés, faute d’investigation poussée. "On ne se donne pas les moyens d’aller chercher, en pratique courante, d’autres types de diabète", en particulier les Mody, d’origine monogénique.
Cinq endotypes de diabète
Pour dissiper le brouillard, une tentative de stratification, la plus aboutie à ce jour, a émergé en 2018 en Suède**. L’équipe de Leif Groop, du Centre du diabète de l’université de Lund, s’est penchée sur près de 9 000 adultes récemment diagnostiqués, dont elle a évalué six critères : la présence d’auto-anticorps anti-GAD (dirigés contre les cellules bêta), le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c), l’Homa-IR (indice d’insulinorésistance), l’Homa-B (indice de fonction des cellules bêta), l’âge, l’indice de masse corporelle.
De l’analyse de ces six éléments ont émergé cinq sous-groupes de diabète, ou "endotypes" : le SAID (diabète de type 1 et diabète auto-immun sévère de l’adulte, ou Lada), le SIDD (diabète insulinodéficient sévère), le SIRD (diabète insulinorésistant sévère), le MOD (diabète léger lié à l’obésité) et le MARD (diabète léger lié à l’âge). Dans la foulée de ces travaux, largement débattus, l’équipe du German Diabetes Group a répliqué en 2019 ces résultats dans la population allemande, aboutissant aux mêmes endotypes, mais avec des répartitions différentes***.
Intérêt pronostique et thérapeutique
Quel intérêt pour la prise en charge des patients ? Tout d’abord, ces tentatives de stratification "permettront de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques en jeu dans le diabète", estime le Pr Jean-François Gautier, chef du service de diabétologie et d’endocrinologie de l’hôpital Lariboisière et président de la SFD. Elles pourraient aussi permettre de mieux pronostiquer l’évolution du diabète. En effet, les patients atteints d’un SAID ou d’un SIDD présentent un moindre contrôle glycémique, et nécessitent une mise plus rapide sous insuline. Par ailleurs, ceux de l’endotype SIDD sont plus à risque de rétinopathies et de neuropathies, alors que ceux touchés par un SIRD sont plus portés aux complications rénales.
"Ce débat sur les endotypes va nous permettre de repérer d’emblée les patients à risque de telles ou telles complications, les répondeurs à tel ou tel traitement", ajoute Jean-François Gautier. Des essais thérapeutiques sont d’ores et déjà en cours en Suède afin d’évaluer l’efficacité des traitements en fonction des endotypes. Le SIRD pourrait mieux répondre aux agonistes du GLP-1 et aux glifozines, tandis que les sulfamides et l’insuline seraient à recommander dans le SIDD, avance Jean-François Gautier, qui voit derrière ce "clustering" un chemin prometteur vers une "médecine personnalisée".
Pourtant, le recours aux endotypes, dans la pratique clinique, pourrait se heurter à plusieurs écueils. Parmi les critères utilisés par l’équipe suédoise pour stratifier les patients, certains, tels les scores Homa-B et Homa-IR, ne sont pas mesurés en routine. "Cela pose la problématique de l’accessibilité des données qui fondent ce ‘clustering’. Si nous voulons utiliser ce mode de classification des patients, il va falloir recommander le dosage systématique de ces données au diagnostic", remarque la Dre Sandrine Lablanche, du service de diabétologie, d’endocrinologie et de nutrition du CHU Grenoble Alpes. Reste à déterminer l’intérêt pratique de cette classification : "Qui dit complexité, dit compréhension de la complexité par les soignants, et des ajustements thérapeutiques qui en découlent. Il n’est pas du tout sûr qu’en ajoutant de la complexité, on améliore la prise en charge des patients".
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