La fibromyalgie est une pathologie complexe du fait du manque de spécificité des symptômes, de l’absence de signes biologiques objectifs et des difficultés posées par sa prise en charge. A tel point que sa réalité a longtemps fait l’objet de controverses. On en sait aujourd’hui beaucoup plus sur cette pathologie. Pour améliorer la situation des patients et aider les praticiens souvent démunis, l’Inserm a réalisé une expertise de l’état des connaissances sur cette pathologie, et fait des propositions. La fibromyalgie a été reconnue comme une pathologie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1990. Et depuis les autorités sanitaires nationales et internationales la considèrent comme une entité à part entière. Cependant, cette maladie est marquée par une errance médicale importante et une proportion non négligeable de praticiens indiquent se sentir désarmés devant les patients souffrant de ce syndrome. Et ce d’autant que son diagnostic reste difficile à poser et que son traitement est mal codifié et le plus souvent symptomatique. En outre, de nombreuses inconnues subsistent. En particulier les données concernant l’existence éventuelle d’un syndrome similaire chez les enfants et les adolescents manquent. C’est pourquoi la Direction générale de la santé (DGS) a sollicité l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), afin de réaliser une expertise collective sur la fibromyalgie, qui permette d’avoir une idée plus précise des connaissances scientifiques sur cette maladie et de disposer de nouvelles pistes pour en améliorer la prise en charge. Dans cet optique, une analyse critique de la littérature scientifique internationale a été réalisée par un groupe pluridisciplinaire composé de quinze experts dans différents domaines, allant de la neurologie à la pharmacologie en passant par la pédiatrie mais aussi la sociologie ou encore l’économie de la santé. Au total, près de près de 1.600 documents scientifiques publiés au cours des dix dernières années ont été étudiés.
Une réalité clinique polymorphe La fibromyalgie est un syndrome douloureux chronique, associant de nombreux symptômes non spécifiques, présents en quantité et en intensité variables. Les douleurs chroniques sont diffuses, fluctuantes, avec sensibilité à la pression. On retrouve aussi souvent une asthénie persistante qui touche 3 patients sur 4, ainsi que des difficultés de concentration, des troubles de l’attention, et un déconditionnement physique - d’origine psychophysiologique- qui conduit à l’inactivité physique et au repli sur soi. Des troubles d’ordre psychique sont aussi souvent rapportés, avec des symptômes anxiodépressifs chez 60 à 85% des patients, et des troubles du sommeil atteignant de 62 à 95 % d’entre eux. Les experts insistent, cependant, sur l’"extrême...
hétérogénéité des formes cliniques en termes de présentation et de sévérité". L’impact de la maladie sur la qualité de vie est important, touchant les sphères professionnelle, sociale, mais aussi économique. Un diagnostic difficile à poser Le diagnostic de la fibromylagie est souvent compliqué. En effet, aucun biomarqueur n’a pour le moment été identifié. Et les études d’imagerie cérébrale qui ont été réalisées jusqu’à présent ne permettent pas d’aider au diagnostic, qui reste donc principalement clinique. Or les critères cliniques sont hétérogènes, peu spécifiques, et d’une grande variété interindividuelle. Comme pour tout syndrome douloureux chronique, les diagnostics différentiels sont nombreux, ainsi que les comorbidités. En outre, les classifications, en perpétuelle évolution, sont peu connues et sont peu utilisées par les médecins. Ainsi, les critères de classification ACR 1990 ont, pendant longtemps, constitué la principale référence pour émettre un diagnostic de fibromyalgie. Ils reposent sur l’existence de douleurs diffuses (à droite et à gauche, au-dessus et en dessous de la ceinture et axiales) et d’au moins 11 points douloureux à la pression (palpation digitale avec une force de 4 kg) dans des sites prédéfinis. De nouveaux critères ont été élaborés à partir de 2010, et la dernière version (ACR 2016) intègre deux nouveaux éléments : un index de douleurs diffuses ou IDD, et l’échelle de sévérité des symptômes. Par ailleurs, des questionnaires (au moins 8, tels que l’auto-questionnaire FiRST pour Fibromyalgia Rapid Screening Tool) sont disponibles, "dont la complexité, la sensibilité et la spécificité sont variables", précisent les auteurs de l’expertise.
Sur le plan épidémiologique, la fibromyalgie souffre d’un manque de données et d’une hétérogénéité des chiffres en fonction des critères diagnostiques retenus. Ainsi, sa prévalence dans la population générale a été estimée entre 2 et 4 % avec les critères de classification ACR 1990. Mais une méta-analyse plus récente (2017) menée sur plus de 3,6 millions de personnes estime sa fréquence moyenne, toutes populations et âges confondus, à 1,78 %. En France, une étude réalisée sur un échantillon représentatif a estimé la prévalence entre 1,4 et 2,2 % selon le questionnaire utilisé. Au final, toutes les données attestent que la fibromyalgie est une maladie assez fréquente. Sa prévalence augmente avec l’âge avec, selon les études, un maximum soit pour les classes d’âge moyen (30-50 ans), soit après...
50 ans, et une forte représentation féminine. Cependant, avec l’évolution des critères de diagnostic, on a assisté à une importante diminution du ratio femme/homme.
Dans les suites de l’expertise de l’Inserm, le Ministère des Solidarités et de la Santé s’est engagé à des actions concrètes qui répondent directement aux des attentes des patients. Il s‘agit, en particulier de mieux informer le grand public et former les professionnels en développant des moyens de sensibilisation, des outils de formation sur le diagnostic et la prise en charge de la douleur chronique, ou encore de repérage du mésusage des opioïdes antalgiques.
Le ministère propose aussi de sécuriser les structures de prise en charge de la douleur en termes de financement et d’utilisation de molécules hors Autorisation de mise sur le marché (AMM), et d’améliorer la connaissance de l’activité des ces structures.
Enfin, il entend favoriser les projets de recherche sur la douleur chronique et la fibromyalgie.
Des données plus spécifiques nécessaires L’évolution des connaissances sur la fibromyalgie ces dernières années a souligné son étiologie multifactorielle, "permettant de la qualifier non plus de syndrome médicalement inexpliqué mais de syndrome avec douleurs nociplastiques ou dysfonctionnelles, c’est-à-dire liées à des modifications neurophysiologiques des systèmes nociceptifs centraux". S’y ajoutent des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux, qui "contribuent au déclenchement et à la pérennisation d’une fibromyalgie comme de toute autre douleur chronique", avec une forte altération de la qualité de vie. Cependant, la recherche reste peu spécifique dans ce domaine. "Les travaux scientifiques menés au cours de la dernière décennie ne prennent que rarement en compte l’hétérogénéité des symptômes, les variations de la sévérité et les divers traitements pris par les patients, ce qui limite leur portée. Ils font peu la distinction par rapport à d’autres formes de douleurs chroniques diffuses ; les différences de genre, de même que le devenir des patients, n’ont été que peu explorés", précise ainsi l’Inserm. Une prise en charge qui peut associer médicaments, activité physique et psychothérapie Les experts insistent sur la nécessité d’adapter la prise en charge au patient. Elle doit aussi être interdisciplinaire pour couvrir tous les aspects de la pathologie. L’éducation thérapeutique est fondamentale pour s’assurer de l’adhésion du malade. A coté du traitement médicamenteux, la place de l’activité physique...
est majeure. "Une remise en mouvement précoce via une activité physique adaptée est l’un des aspects centraux de la prise en charge afin, entre autres, de prévenir ou de limiter le déconditionnement physique", affirment les auteurs du rapport. Ils proposent pour cela d’étendre à la fibromyalgie les recommandations émises dans l’expertise collective Inserm sur la pratique de l’activité physique dans les maladies chroniques.
Une psychothérapie pourra être utile afin d’améliorer le bien-être psychologique et la qualité de vie des patients. Concernant le traitement médicamenteux, il est variable selon les symptômes, pouvant être utilisé contre la douleur, mais aussi les troubles du sommeil, l’anxiété ou la dépression… Les experts attirent néanmoins l’attention sur le mésusage médicamenteux, en évitant, notamment, "la prescription d’opioïdes contre les douleurs diffuses, surtout chez les enfants et les adolescents". Autre recommandation de l’expertise : le développement de la recherche sur la douleur chronique généralisée, dont la fibromyalgie. Il s’agit d’améliorer les connaissances sur cette maladie, de renforcer les investigations chez les jeunes souffrant de douleurs chroniques diffuses, et d’identifier des facteurs d’amélioration de la prise en charge, en particulier dans l’organisation des soins.
Les publications concernant l’existence d’une fibromyalgie chez les enfants et les adolescents sont limitées, reposant sur l’analyse d’un nombre réduit de cas, suivis par un nombre très limité de centres. En conséquences, "cela ne permet pas de distinguer une différence fondée sur des preuves entre douleurs chroniques diffuses et fibromyalgie chez les enfants et les adolescents". Les jeunes présentent en général "des douleurs musculo-squelettiques chroniques plus ou moins diffuses, touchant plusieurs sites (en particulier le rachis) et souvent associées à d’autres symptômes tels que des céphalées, des douleurs abdominales, des troubles du sommeil et de l’humeur", détaillent les experts. La clinique, l’évolution et la prise en charge ne sont pas différenciées. L’expertise collective préconise donc de ne pas distinguer à ce jour un syndrome fibromyalgique juvénile chez les enfants et les adolescents souffrant de douleurs chroniques diffuses. Et ce d’autant plus qu’il existe un risque "d’enfermer un jeune dans une future identité d’adulte souffrant de fibromyalgie".
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