5,4 % de la population française était végétalienne en 2018, une proportion qui a sans doute augmenté depuis, a indiqué la pédospychiatre Anne Senequier, fondatrice et codirectrice de l’observatoire de la santé à l’Institut de relations internationales et stratégique (Iris), lors des 55es Journées parisiennes de pédiatrie (décembre 2021). Ce régime, qui exclut tout produit d’origine animale (viande, poisson, œuf, lait…), est pauvre en fer, calcium, vitamine D, vitamine B12 et acide docosahexaénoïque (DHA). Risque accru de fracture osseuse « En population globale, 20 à 30 % des adolescents manquent de fer. Les apports sont équivalents entre végétaliens et omnivores, mais la carence martiale est plus fréquente chez les premiers », décrit le Pr Patrick Tounian, pédiatre au service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques à l’hôpital Armand Trousseau (Paris). En effet, le fer non héminique, contenu dans les haricots blancs, les lentilles et les épinards, a une biodisponibilité de 2 à 5 %, contre 20 à 30 % pour le fer héminique provenant des aliments d’origine animale. « La Société française de pédiatrie (SFP) recommande la consommation de deux produits carnés par jour chez les enfants et les adolescents. Une telle consommation sera inutile pour 50 % d’entre eux mais n’aura pas d’effets toxiques », ajoute le Pr Tounian.
S’agissant du calcium, les apports sont insuffisants au sein de la tranche d’âge 11-17 ans quel que soit le régime. La minéralisation osseuse est moindre chez les végétaliens, augmentant le risque de fracture durant l’enfance et à partir de la ménopause. Les produits laitiers peuvent toutefois être remplacés par certains végétaux (chou et brocoli notamment) et eaux minérales (Contrex et Courmayeur). Enfin, contrairement à une idée répandue, les végétaliens ne sont pas carencés en protéines. Une alimentation à supplémenter Dans ses recommandations de 2019, le Groupe francophone d’hépatologie-gastroentérologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP) fixe la prescription de compléments alimentaires chez l’enfant ou l’adolescent végétalien à 2 à 3 mg/kg par jour de fer métal en cas de faible ferritinémie ; 500 à 1 000 mg de calcium par jour ; 50 000 UI de vitamine D toutes les six semaines ; 1 000 µg de vitamine B12 trois fois par semaine jusqu’à l’âge de trois ans, et 100 mg/jour de micro-algues riches en DHA. « Être végétalien n’est pas très physiologique ! Les enfants ont une préférence innée pour les produits laitiers et carnés et ce n’est pas un hasard », tranche le Pr Tounian. « La SFP propose deux produits carnés par jour, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) une à deux portions par semaine, les Etats-Unis évoquent la possibilité de suivre un régime végétalien sans problème », remarque toutefois le Dr Senequier, qui appelle à une « harmonisation » des recommandations. Et signale qu’en matière de nutrition, « il existe un éventail des possibles assez large ». D’autant que le choix du végétalisme – par les parents ou par l’enfant lui-même – obéit souvent à des considérations éthiques et écologistes. « Les parents pensent qu’ils font quelque chose de bien pour eux, pour leur enfant et pour la société. C’est vrai jusqu’à un certain point… Il faut comprendre leur raisonnement et leur proposer des alternatives pour arriver à un juste milieu entre leur mode de pensée et la santé de l’enfant », conseille le Dr Senequier. Danger chez le nourrisson Le végétalisme est en revanche à proscrire avant l’âge d’un an. Une étude française datée de 2018 et portant sur 34 bébés nourris avec des jus végétaux rapporte « un décès, 19 hospitalisations et 10 complications sévères : malaise sur anémie sévère, état de mal convulsif par hypocalcémie, détresse respiratoire par alcalose métabolique, fracture osseuse, hématome sous-dural bilatéral par hypovitaminose K et déshydratation. Ainsi que 82 % de cassure staturo-pondérale, 60 % d’anémie, 55 % d’hypoalbuminémie inférieure à 35 g/l et 18 % d’œdème diffus », liste le Pr Tounian. « Un nourrisson alimenté avec des jus végétaux est en danger de mort ! La situation doit être signalée au procureur », souligne-t-il.
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