Force est de l’admettre, le Covid long, terme médiatique plutôt que médical, demeure une notion des plus floues. D’autant qu’il n’en existe aucune définition officielle, notamment sur la durée de persistance des symptômes, une fois la phase aigüe achevée. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évoque une ancienneté de 12 semaines, tandis que le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) britannique parle de quatre semaines. En France, la Haute autorité de santé (HAS) reste prudente, évoquant « une persistance de symptômes plusieurs semaines ou mois après les premières manifestations ».
« Covid long, c’est le mot que tout le monde comprend. Mais à ma connaissance, il n’existe ni chiffres, ni définition, qui soient complètement tranchés », explique la Pre Claire Andréjak, du service de pneumologie du CHU Amiens-Picardie et secrétaire générale chargée du comité scientifique de la SPLF. A minima, « il s’agit de symptômes qui persistent après un épisode de Covid. Le principal lien est chronologique, mais pour l’instant la causalité ne peut pas être établie », ajoute-t-elle, rappelant que d’autres virus, dont celui de la grippe, engendrent aussi des symptômes persistants.
Causalité douteuse, risque d’enfermement diagnostique
Pour Claire Andréjak, le risque posé par la notion de Covid long est « d’enfermer les gens dans un diagnostic, de ne pas aller plus loin, voire de passer à côté de pathologies préexistantes » à l’épisode de Covid-19. Publiée fin 2021, une étude française suggère même un fréquent phénomène d’autosuggestion (1). Menée sur 35 852 volontaires, elle révèle que la persistance de symptômes était bien plus corrélée à la croyance d’avoir eu le Covid… qu’au fait de l’avoir réellement contracté ! Ce qui a toutefois quelques effets bénéfiques : des patients souffrant de dyspnée ont ainsi pu être diagnostiqués d’une BPCO qu’ils ne soupçonnaient pas, indique Claire Andréjak.
Ces symptômes persistants, quels sont-ils justement ? Selon une étude chinoise publiée en 2021 (2), menée à 6 mois post-Covid sur des patients ayant été hospitalisés, c’est la fatigue qui domine (63% des patients), suivie par les troubles du sommeil, la dyspnée d’effort et l’anxiété, retrouvées chacune chez plus d’un cinquième des patients. Une multiplicité de symptômes (pulmonaires, cardiovasculaires, neurologiques, ORL ou digestifs) qui pourrait s’expliquer par une inflammation persistant dans divers organes.
Dans son service, Claire Andréjak dit recevoir des patients présentant encore de tels symptômes, notamment de dyspnée, parmi ceux ayant contracté le Covid-19 en 2020. L’afflux de patients physiquement marqués par cette expérience semble toutefois se tarir, ce que la pneumologue attribue, de manière hypothétique, à l’évolution des variants, désormais moins virulents. « La phase aigüe n’est plus la même, nous avons par exemple beaucoup moins de cas d’anosmie. Dès lors, les symptômes persistants peuvent aussi évoluer. Nous sommes beaucoup moins sollicités sur la dyspnée, malgré un nombre de cas de Covid-19 supérieur », indique la spécialiste. Afin d’évaluer au mieux ces symptômes post-Covid, une méta-cohorte, regroupant diverses cohortes locales et comptant plusieurs milliers de patients, a été mise en place par la SPLF.
La pneumologie lourdement affectée par la Covid-19
Phénomène désormais bien décrit, la pandémie a engendré des dégâts collatéraux sur bien d’autres activités médicales. La pneumologie figure parmi les plus touchées, avec une baisse de 31,27% de l’activité de transplantation pulmonaire en 2020, bien plus que pour les greffes de foie (-19,04%) ou de cœur (-13,65%). En cause, le fait que la transplantation ait été réservée aux seuls patients en besoin urgent, mais aussi en raison d’une baisse du nombre de donneurs -du fait d’un décès lié au Covid-19. Même baisse de régime en oncologie pulmonaire : selon une étude menée au sein de l’AP-HP, le nombre de diagnostics de cancer du poumon a chuté de 32% lors du premier confinement (printemps 2020). Dans certains centres, les délais de prise en charge ont été allongés, au risque de pertes de chances pour les patients.
Au niveau mondial, c’est la lutte contre la tuberculose qui semble avoir le plus pâti du Covid. Du fait de l’accent mis sur l’urgence pandémique, le dépistage a chuté en 2020, avec 5,8 millions de personnes diagnostiquées à travers le monde, contre 7,1 millions en 2019. Selon l’OMS, l’écart entre le nombre de patients diagnostiqués et celui de patients réels s’élèverait à 4,1 millions de cas. Fait inédit depuis les années 2000, la mortalité tuberculose est repartie à la hausse, avec respectivement 1,5 et 1,6 millions de morts en 2020 et 2021, contre 1,4 million en 2019.
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(1) Matta et al.,. JAMA Internal Medicine, 8 novembre 2021
(2) Huang et al., The Lancet, 16 janvier 2021
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