
Les CPTS ont permis à plus de 20 000 patients de retrouver un médecin traitant
La Fédération nationale des CPTS a mené une "grande enquête" visant à évaluer la cohérence entre sa feuille de route et les réalités de terrain, mais aussi à recueillir de la donnée en vue de la future évaluation des CPTS. Après ce premier volet sur la dynamique collective, les partenariats sur le territoire et l'utilisation des fonds, un second portera sur les relations ville-hôpital. "Concours pluripro" vous détaille les principaux résultats.

Article initialement publié sur Concourspluripro.fr
Près de 7 CPTS sur 10 (69%) ont mis en place une organisation de soins non-programmés. C'est ce que révèle la "Grande enquête des CPTS" menée par la FCPTS du 10 janvier au 28 février dernier auprès de toutes les communautés professionnelles territoriales de santé, adhérentes ou non à la FCPTS. Une démarche importante, estime Jean-François Moreul, son président, pour "mettre en concordance" les actions de la fédération nationale et "ce que vivent [les] adhérents", assure-t-il à Concours pluripro. "Il s'agit aussi d'une des premières briques de la future évaluation des CPTS afin d'avoir des données de terrain", ajoute celui qui est également président de la CPTS des Vallées de l'Anjou bleu (Pays de la Loire).
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Les 310 questionnaires complétés – dont 207 intégralement* – présentent un échantillon "représentatif de la répartition des CPTS par région et par taille ACI", assure le rapport. Avec notamment 38.6% de CPTS de taille 3, 34.9% de taille 2, 12.1% de taille 4 et 4% de taille 1. De plus, 72,5% des CPTS participant à l'enquête ont signé leur ACI avant 2023 contre 62,34% des CPTS en France, ajoute la FCPTS qui en conclut que son échantillon "comporte des CPTS un peu plus anciennes". Parmi les répondantes, 30.8% sont sur un territoire à dominante rurale, 26.6% à dominante urbaine et 42.5% mixte "semi-urbain ou semi-rural".

Objectif de l'enquête : avoir une meilleure connaissance des CPTS et de leurs caractéristiques, identifier sur l’axe "Accès aux soins" des éléments démontrant la plus-value des CPTS, évaluer les besoins financiers de ces organisations territoriales, et identifier leurs besoins et attentes vis-à-vis de la FCPTS.
L'enquête met en lumière "un engagement fort" des CPTS sur l’organisation territoriale des soins non programmés : 69% ont mis en place une organisation d’orientation et de réponse aux demandes et 18,7% l'ont en projet. Ces organisations de soins non programmés portées par les CPTS, qui ont en moyenne "deux ans d'ancienneté", "démontrent leur efficacité et proactivité sur la mission 'Accès aux soins'", assure la FCPTS. En effet, 3.394 professionnels de santé sont mobilisés sur ce sujet, avec une moyenne de "28 professionnels [participants] par CPTS". Plus de 6 organisations sur 10 (63.05%) ont trait à des soins non-programmés en médecine générale, 13.25% en pédiatrie (par des médecins généralistes ou des pédiatres), ou encore 8.03% en kinésithérapie.
Ainsi, sur 73 CPTS répondantes, 247.003 consultations ont été enregistrées depuis 2021. En 2024, 118.720 consultations ont été déclarées, soit une moyenne de 1.643 consultations par an et par CPTS, ou encore un peu plus de 6 consultations par jour (5 jours par semaine, 52 semaines).

La participation des CPTS au service d'accès aux sons (SAS) est "réelle", assure l'enquête : 63,3% des CPTS y participent activement… et 25,7% n’ont pas été associées à sa mise en œuvre. Qu'elle soit de manière opérationnelle et/ou au sein de la gouvernance, l'intégration au SAS est "très variable" en fonction de certains facteurs : l’ancienneté de la CPTS (plus elle est ancienne, plus elle est intégrée au SAS) ; sa taille (62% pour les CPTS de taille 1 vs 80% pour celles de taille 4) ; et la région. Par exemple, le Centre-Val de Loire compte 93% de CPTS intégrées au SAS alors que l'Auvergne-Rhône-Alpes n'en compte que 41%. Ou même 0% à l'île de la Réunion.
En moyenne, les CPTS ont proposé "il y a deux ans" (pour les 197 répondantes) des actions en faveur de l'accès à un médecin traitant. Ainsi, 70% ont mis en place une orientation des patients sans MT vers une offre déjà existante localement (nouveaux médecins installés / médecins acceptant de nouveaux patients), 45% ont établi une liste de patients sans MT, 18% ont misé sur la coopération pluriprofessionnelle (bilans préparatoires réalisés par d’autres professions de santé, protocoles de coopération, etc.) et 32% ont orienté des patients sans MT vers des ressources médicales – 17% vers des ressources à distance sur le territoire de la CPTS via notamment la téléconsultation, 10% vers des ressources complémentaires, comme les retraités ou les internes) et 5% vers des ressources à distance hors territoire de la CPTS. En revanche, 11% (soit 21 CPTS) n'ont pas "encore" mis en place d'action sur ce sujet.
Ainsi, 20.759 patients ayant retrouvé un médecin traitant et 60% des patients identifiés ont trouvé une solution, révèle l'enquête, qui détaille les actions mises en place par les CPTS pour répondre aux problématiques d’accès aux soins : protocoles de coopération et télé-expertise (chacun à 40% des 198 CPTS répondantes), accès direct à des kinés ou des orthophonistes (38%), ou encore plateforme d’orientation des demandes de soins, par exemple infirmiers ou orthophoniques (23%). Parmi les autres actions citées : la consultation en binôme MG/IDE, l'accès direct vers des consultations de second recours, des médicobus, ou encore le recrutement d'une infirmière coordinatrice de parcours ou d'une IPA pour gérer les demandes d’accès aux soins…
De plus, 1 CPTS répondante sur 2 déclare avoir mis en place des actions en faveur des publics isolés ou éloignés du soin : téléconsultation assistée au domicile du patient (51%), médicobus (27%), téléconsultation assistée dans un cabinet paramédical ou un local tiers (24%) ou encore permanence délocalisée (10%). Ainsi, 17.387 patients ont été pris en charge par des CPTS.
Interrogées sur les freins à la réalisation de la mission "Accès aux soins", les CPTS évoquent, en premier lieu, le contexte et les perspectives démographiques des professionnels de santé sur le territoire. Viennent ensuite le manque de mobilisation des professionnels de terrain, l'attractivité du territoire, l'éloignement des facultés et instituts de formation ou encore le cadre réglementaire et financier qui limite les initiatives. "4,8% des CPTS estiment être fortement dépendantes des ressources en médecins retraités pour mener à bien cette mission et 10,8% relativement dépendante", alors que 69.1% des CPTS déclarent vouloir travailler avec les futurs docteurs juniors pour mener à bien cette mission.
L'enquête démontre aussi que les CPTS ont su "structurer et animer un réseau de partenaires en proximité" : centres hospitaliers (90.5% des 215 CPTS répondantes), communes et intercommunalités (87%), DAC (87%), MSP (83%), établissements sociaux et médicosociaux (80%), départements (54%), représentants d'usagers (51%) ou encore centres de santé (45%). Pour 26,3% des CPTS, la collaboration avec les centres hospitaliers se formalisent par une convention de partenariat. Et 48,8% des CPTS intègrent le conseil d’administration des centres hospitaliers : 33,7% avec droit de vote et 15,1% sans.
Les CPTS sont donc comme "des organisations pertinentes pour l’intégration et la coordination des acteurs à même de faire vivre un projet de territoire". Cette "capacité partenariale", c'est d'ailleurs ce que retient Jean-François Moreul : "Cela montre que les CPTS se sont ouvertes à tous les partenaires de leur territoire. Au début, c'était un outil à la main des professionnels de santé libéraux… mais ces derniers ont su l'ouvrir à d'autres. Aujourd'hui, les libéraux participent aux discussions, et sont dans la danse de l'organisation."
Au cours de l'enquête, les CPTS ont déclaré "des frais de fonctionnement bien supérieurs aux enveloppes allouées dans le cadre de l’ACI". Des écarts, par ailleurs, significatifs en fonction de la taille de la CPTS et de son ancienneté.

En moyenne, une CPTS emploie 1.94 ETP de salariés pour l'aider à réaliser ses missions et accompagner la structuration interne : si la CPTS de taille 1 compte 0,82 ETP de salariés, celle de taille plus de plus de 100 adhérents en compte 2,96. De plus, 79% des CPTS sont locataires de leurs locaux, alors que 16.2% louent "occasionnellement" des salles, gratuitement ou pas.
L'indemnisation des dirigeants représente en moyenne 12% du budget annuel de la CPTS (112 CPTS répondantes). Un chiffre qui fluctue en fonction des régions : 23.8% en Grand Est contre 4.5% en Ile-de-France, par exemple. En revanche, "l’effet taille de la CPTS est limité : on observe un bien moindre pourcentage d’indemnisation en taille 1 (7,5%) vs 13,5% pour les tailles 2", observe la FCPTS.
Dans le cadre des missions ACI, la rémunération des professionnels de santé équivaut en moyenne à 18% du budget annuel total de la CPTS, avec toujours des variations régionales : 25.1% en Pays de la Loire contre 11.3% en Nouvelle Aquitaine, par exemple. En revanche, "l’ancienneté est un facteur important à prendre en compte" : elle représente 16,8% du budget total pour les CPTS ayant signé après 2022 et 19,3% pour celles qui ont signé avant 2022.
Autre élément analysé par l'enquête : les écarts entre les dépenses réelles et les enveloppes maximales prévues par l’ACI.

Pour l'enveloppe "Accès aux soins", des différences sont relevées en fonction des régions car les CPTS en Centre-Val de Loire "consomment en moyenne 68.946 euros toutes tailles confondues" et celles en Occitanie "62.418 euros" et en Île-de-France "57.611 euros". Pour l'enveloppe "Parcours", ce sont les CPTS des régions Bretagne (40.263 euros en moyenne) et Hauts-de-France (seulement 15.000 euros en moyenne) qui se démarquent, note l'enquête. Pour la "Prévention", ce sont de nouveau les CPTS bretonnes (30.350 euros en moyenne), Île-de-France (28.678 euros) et Hauts-de-France (seulement 16.925 euros) qui se démarquent.
La consommation de l'enveloppe "Gestion de crise" "semble très dépendante de la manière dont les CPTS se sont emparées de la mission et des actions mises en place", note la FCPTS, qui remarque "un effet région important". Ainsi, en Paca, la consommation moyenne de l’enveloppe est de 17.912 euros.
Sur l'enveloppe "Qualité et pertinence des soins", ce sont les CPTS normandes (40.207 euros en moyenne), réunionnaises (21.955 euros sur 4 CPTS répondantes) et de Paca (16.718 euros) qui sortent du lot.
Enfin, l'enveloppe "Accompagnement des professionnels" démontre un effet région moins important bien que les CPTS des régions Bretagne (17.153 euros en moyenne) et Centre-Val de Loire (16.362 euros) semblent utiliser davantage de fonds pour cette mission.
"L’analyse des écarts entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées souligne d’une part, des charges de fonctionnement bien supérieures à l’enveloppe fonctionnement et, d’autre part, des dépenses sur les missions inférieures aux enveloppes théoriques", analyse l'enquête qui démontre que "l’enveloppe globale (fonctionnement et missions confondues) versée en prenant en compte un taux d’atteinte moyen de 45% correspond de justesse, voire est légèrement inférieure, aux dépenses réellement engagées". Ainsi, il en ressort que "la fongibilité des enveloppes est pratiquée de fait par les CPTS", que celles-ci soient explicitement autorisées à le faire par leur CPAM ou qu'elles ventilent comptablement leurs dépenses. Ce que font, chaque année, 82,4% des CPTS. Faut-il rendre plus explicitement les enveloppes fongibles ? 58.7% des CPTS sont favorables pour une fongibilité sans condition et 36,6% sous conditions.
De plus, sur 153 CPTS répondantes, le financement ACI est jugé satisfaisant à 6.7/10 en moyenne. Une appréciation "globalement satisfaisante" estime la FCPTS. Avec une plus forte satisfaction pour les CPTS de taille 1 (7,3). Les régions les plus satisfaites sont Paca et Nouvelle Aquitaine (7.1 et 7.5 respectivement) et les moins : les Drom (4,8) et Hauts de France (5,5).
Concernant les critères prioritaires sur la réévaluation ou l'ajustement des enveloppes, les CPTS citent en premier lieu le rééquilibrage de l’enveloppe fonctionnement puis un rééquilibrage en faveur de certaines missions, dont l’accompagnement des professionnels de santé et la prévention et la qualité des soins. Viennent ensuite l'accès aux soins, les parcours et la gestion de crise. Car 20.6% des CPTS estiment leurs fonds "insuffisants" pour assurer les actions et le fonctionnement et 64.2% la jugent "suffisante". Sans être majoritaire, 44,2% des CPTS diversifient leurs fonds dans des proportions relativement faibles. "Ces fonds représentent en moyenne 9,1% des fonds de la CPTS. L’ACI reste donc à 91% majoritaire", indique l'enquête.
En Occitanie, 85% des CPTS diversifient leurs fonds, en Grand Est 50%. A contrario, d'autres régions les diversifient très peu : 22% en Paca, 33% dans les Hauts-de-France et 36% en Normandie.
Le second volet de cette Grande enquête portera sur les relations ville-hôpital.
* 73% par des salariés de CPTS et 27% par des administrateurs
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