Surprescription d'arrêts de travail : 5000 médecins généralistes seront convoqués

16/06/2023 Par Louise Claereboudt
Assurance maladie / Mutuelles
Les médecins "ont un temps d’échange avec l’Assurance Maladie au cours duquel ils pourront faire valoir leurs arguments sur leur niveau de prescriptions en matière d’arrêts de travail", rappelle la Cnam, alors que les syndicats crient à l’injustice. 
 

"Propositions de loi de tout bord, négociations avortées, règlement arbitral et maintenant… mise sous objectif ou mise sous accord préalable…" Sur Twitter, nombreux sont les médecins qui témoignent d’une forme d’exaspération et d’un sentiment d’injustice depuis le lancement d’une campagne de mise sous objectif (MSO) par l’Assurance maladie. Une procédure mise en place à l’issue de contrôles des prescriptions d’arrêts de travail.  

 

Contactée par Egora le 12 juin, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) a indiqué que "près de 1000 médecins" avaient été retenus pour une mise sous objectif de leurs prescriptions d’arrêts de travail dans le cadre de cette campagne, ce qui correspond à "2% des médecins généralistes". Deux fois plus qu’en 2022, a précisé la Caisse, expliquant cette hausse par "l’évolution importante des dépenses en matières d’IJ".  

"Si un millier de ‘forts prescripteurs’ est ciblé en priorité, 5000 médecins généralistes traitants seront convoqués à des entretiens confraternels et 15 000 recevront au moins une visite de délégués de l’Assurance maladie pour les avertir d’une pratique excessive…", s’insurge MG France dans un communiqué. "Plus d’un tiers des MGF traitants ciblés, ça fait beaucoup", poursuit le syndicat de la Dre Agnès Giannotti, qui dénonce une "mise en cause très large de la profession", "une pression psychologique de plus et de trop".  

"L’augmentation des IJ est réelle, mais est-elle liée à des changements de pratiques des médecins, ou est-elle liée à l'évolution de la société, au vieillissement des salariés et aux pressions sur l’augmentation de la productivité et des cadences ? interroge MG France. Mettre en cause les médecins généralistes traitants comme boucs émissaires alors qu’ils subissent déjà les pires contraintes avec la baisse de leurs effectifs et les lois coercitives qui menacent, ressemble plus à un ‘management toxique’ qui pourrait bien avoir pour effet d’accélérer la chute des effectifs de ces professionnels pas plus déviants que d’autres." 

Face à la colère montante, la Cnam a tenu à apporter quelques précisions ce jeudi 15 juin. Elle se défend d’abord de pointer du doigt les seuls médecins, précisant à Egora que "les actions mises en place par l’Assurance maladie en 2023 portent aussi bien vers les assurés, les médecins prescripteurs et les entreprises". Elle ajoute encore que : "Ont été sélectionnés les médecins prescrivant au moins 2 fois plus d’arrêts de travail par patient actif en tenant compte de la structure de leur patientèle (comparaison avec leurs confrères de la même région à patientèle et zone d’exercice comparable avec standardisation des patientèles selon l’ALD, le sexe et l’âge et prise en compte de l’indice de défavorisation du territoire)." 

La Cnam insiste par ailleurs sur l’existence d’une "phase contradictoire" - "essentielle" - qui permettra aux "2% des généralistes" concernés par "une potentielle mise sous objectif" d’avoir "un temps d’échange avec l’Assurance maladie au cours duquel ils pourront faire valoir leurs arguments sur leur niveau de prescriptions en matière d’arrêts de travail". Elle précise le déroulé de la procédure : "Dans les prochains jours, chaque médecin préalablement contacté par téléphone par sa CPAM afin de l’informer de la démarche recevra un courrier le sollicitant pour recueillir ses observations avant éventuelle mise sous objectifs de ses indemnités journalières", écrit la Cnam. 

"À réception du courrier, les médecins ont un mois pour faire valoir leurs observations écrites ou demander à être entendu : chaque médecin demandant à être reçu le sera rapidement", poursuit la Caisse. "Les explications écrites et/ou orales seront analysées avec attention par les équipes des CPAM et du Service médical." À l’issue de cette phase, le directeur de la CPAM "dispose d’un mois pour notifier sa décision de poursuite ou d’abandon de la procédure de mise sous objectifs". 

MG France ne voit pas les choses de la même façon : "L’Assurance maladie prétend accompagner la profession, mais les courriers ont clairement un ton menaçant", déplore le syndicat, qui appelle l’ensemble des médecins généralistes concernés par cette procédure à refuser "catégoriquement" toute mise sous objectif. Un message également porté par la Fédération des médecins de France et la CSMF. 

Pour rappel, les mises sous objectif seront effectives à partir du 1er septembre prochain.  

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