Ce dimanche, un chirurgien d'un grand hôpital francilien a tenté de mettre fin à ses jours, dans son bureau. Il a été retrouvé inanimé par les infirmières, rapporte Libération qui consacre un dossier à la crise de l'hôpital. Et commence son enquête approfondie par le récit glaçant de cette tentative de suicide. En juin dernier, deux médecins hospitaliers se sont suicidés à Castres et Strasbourg. Une situation tendue qui a poussé la ministre de la Santé a réagir.
Dimanche, dans un grand hôpital d'Ile-de-France, un médecin a craqué. Un de plus. C'était un chirurgien solide et expérimenté. Il était de garde ce jour là. La journée était particulièrement chargée, comme il en avait souvent l'habitude. A l’issue d’une intervention, il a pourtant lâché : "J’en ai assez, je suis fatigué, je m’en vais." Contrairement à ses habitudes, il est allé s'enfermer dans son bureau.Inquiètes de ne pas le voir revenir, les infirmières du service vont toquer à sa porte. Elle est verrouillée. Elles passent par le balcon. Et là, elles le découvrent inanimé.
Dans un état très grave
Aussitôt transféré en réanimation, le chirurgien est toujours dans un état très grave. "C’est un choc terrible pour nous tous", témoigne la directrice dans Libération. "C’est un homme expérimenté, il est dans le service depuis trois ans, un très bon professionnel", note un de ses collègues qui précise : "Un homme simplement discret, on ne sait pas grand-chose de sa vie." Ce chirurgien se tait, puis ajoute : "Son geste, que voulez-vous que l’on puisse en dire ? Ce que l’on voit, c’est qu’il a fait ce geste à l’hôpital, dans son bureau et pendant une garde. Et non pas chez lui." (…).
Un suicide parmi d'autres, trop, autant de gestes individuels qui reçoivent un écho intense en ces périodes de souffrance des personnels, qui n'arrivent plus à entrevoir leur avenir. Le 8 juin dernier, une chirurgienne oncologue s'est donné la mort au Centre Paul-Strauss à Strasbourg. Elle avait 34 ans. Quelques jours plus tard, c'est à Castres qu'un autre drame est survenu. Un jeune chef de clinique orthopédiste qui exerçait au centre hospitalier a également mis fin à ses jours. "Il n’est plus possible de voir s’égrainer de telles tragédies sans s’assurer que tous les facteurs précipitants n’ont pu être évités. Parmi ceux-ci, on retrouve entre autres la fatigue accumulée, le manque de soutien de la hiérarchie et un encadrement insuffisant", avait martelé l'INSCCA après le drame.
Moins de 10 jours après le suicide du Dr Stéphanie Jost, nous apprenons qu’un jeune orthopédiste a mis fin à ses jours à Castres. L'Ordre adresse ses condoléances à sa famille et ses collègues et soutient la démarche de l’@ISNCCA auprès de la Ministre @agnesbuzyn. https://t.co/LlTV0qxQJa
— bouet patrick (@BouetP) 20 juin 2018
"Ces suicides sont catastrophiques, ils ébranlent les communautés hospitalières et les patients", a déclaré la ministre de la Santé après les drames. Pour l'INSCCA, les deux drames, qui se sont produits à deux semaines d'intervalle, soulignent les "incertitudes", la "dégradation de l'outil de travail" et la "précarisation des débuts de carrière" dont souffrent les jeunes médecins hospitaliers. "Les conditions de travail peuvent y participer mais ça n'est souvent pas l'unique raison", a réagi Agnès Buzyn sur France info, précisant que "des enquêtes administratives sont en cours".
Un plan de réforme de l'hôpital
Un observatoire de la qualité de vie au travail des soignants vient d'être mis en place par la Ministre qui a tenu à affirmer "l'importance de ces questions pour tous les professionnels de santé et médico-sociaux". Douze experts composent cet Observatoire. Professionnels de santé ou universitaires, ils sont "reconnus pour leur engagement dans le champ des ressources humaines et des conditions de travail". Leur expertise couvre "l’ensemble des thèmes prioritaires de la qualité de vie au travail : sécurité des soins, médecine du travail, addictions, exercice ambulatoire, secteur médico-social, attractivité des personnels, parcours des étudiants en santé, psychologie au travail, management, formation et prise en compte des enjeux de transformation du système de santé." Agnès Buzyn a également annoncé qu'un plan de réforme de l'hôpital serait lancé début septembre. La réforme "prendra en compte les cinq leviers sur lesquels nous avons travaillé : la qualité et la pertinence des soins, les modes de financement et de régulation, le virage numérique, la formation et la qualité de vie au travail des professionnels de santé et enfin l'organisation territoriale des soins", a détaillé Agnès Buzyn dans les colonnes de Libération.
"C'est le sentiment du désert des Tartares" résume à Libération un ancien chef de service de chirurgie, face à l'attente interminable du plan hôpital. "La tension est là, palpable. D'autant que les mois de juillet et d'août sont des moments difficiles pour les hôpitaux". Avec de fortes tensions dans les services d'urgence, de faibles prévisions capacitaires en lits, des mouvements sociaux partout en France et des patients sur des brancards dans les couloirs… "C’est une erreur de croire que 90 % des hôpitaux ou des services d’urgences vont bien, que ce n’est qu’une petite minorité d’établissements qui ont des problèmes, note un directeur d’un grand CHU de province. Or on a un peu le sentiment que c’est l’analyse qui prévaut au ministère." Et d’ajouter encore, prenant un peu de recul : "Le temps presse. Même dans les écoles d’infirmiers ou d’aides-soignants, on a maintenant du mal à recruter. C’est inquiétant. Comme si quelque chose s’était cassé." [Avec liberation.fr]
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