Stop violence

Des travaux d'intérêt général pour avoir défiguré un généraliste : les médecins "effarés" par cette sanction "ridicule"

En novembre dernier, le Dr Mohamed Oulmekki, généraliste installé à Drancy (Seine-Saint-Denis), avait été défiguré par un patient qu'il suivait depuis son enfance pour un litige lié à un remboursement. L'agresseur a finalement écopé, jeudi 13 février, de trois semaines de travaux d'intérêt général. Une sanction dénoncée par la communauté médicale. 

17/02/2025 Par Louise Claereboudt
Violence Faits divers / Justice
Stop violence

La photo de son visage tuméfié avait provoqué l'indignation de la communauté médicale. Le 25 novembre dernier, alors que le Dr Mohamed Oulmekki, généraliste de 64 ans installé à Drancy (Seine-Saint-Denis), enchaîne les consultations, un jeune homme fait irruption dans la salle d'attente bondée et le pousse dans son bureau, lui assénant un violent coup de tête. "Il m’a traité de voleur et d’escroc. Il a mis en doute ma bonne foi", avait raconté le médecin, sous le choc, à nos confrères du Parisien, peu après l'agression. Le jeune homme, que le Dr Oulmekki connaît bien puisqu'il le suit depuis ses 6 ans, se serait plaint d'une erreur de destinataire dans un remboursement. 

Le médecin, qui présentait une triple fracture du nez, avait porté plainte dès le lendemain de l'agression et fermé son cabinet durant un mois et demi. L'agresseur de 22 ans a finalement été condamné, jeudi 13 février, par le tribunal judiciaire de Bobigny, à trois semaines de travaux d'intérêt général, 2000 euros d'amende, un an d'inéligibilité et une interdiction de paraître au cabinet médical du Dr Oulmekki. "La décision de justice m’a mis au tapis, j’ai été humilié. C’est dix fois pire que la douleur physique", a confié le généraliste, écœuré, à nos confrères du Figaro

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Le praticien sexagénaire reste marqué par cette agression. "Je porte encore les séquelles, c'est définitif : je n’ai plus d’odorat ni de goût. Je dois refaire un scanner des dents parce qu’il y a des racines certainement nécrosées. […] Je me suis fait violence pour recommencer [à exercer]. Chaque jour, quand j’allais au cabinet, c’était la peur au ventre. Je le fais pour les patients qui n’y sont pour rien, qui sont gentils et pour lesquels je vais tout faire", a-t-il témoigné auprès de CNews. Au lendemain du procès, le médecin a été "incapable de retourner au cabinet". 

"Je n’ai pas eu l’occasion de dire un mot durant tout le procès, pas un mot, a-t-il déploré. La décision, c’est vraiment légitimer les violences faites aux médecins et aux soignants." Contactée par Le Figaro, sa compagne, la Dre Karima Allouache, également généraliste à Drancy, a exprimé sa colère quant à cette décision de justice : "Quelle justice ? Vous rentrez, vous tapez, vous repartez et vous faites trois semaines de travaux d’intérêt général. Merci la justice. Où va la France ?", a-t-elle lancé, souhaitant "bon courage aux médecins qui vont venir travailler dans le 93". 

 

"Tous avec un œil au beurre noir"

Dans un communiqué diffusé ce lundi 17 février, le Syndicat des médecins libéraux (SML) s'est indigné de la peine "ridicule" infligée à l'agresseur du Dr Oulmekki. Se disant "effaré" par la décision des juges, il appelle à une "mobilisation citoyenne" pour soutenir les médecins victimes de violences. "Nous souhaiterions savoir combien d’agresseurs récidivistes ont écopé de simples travaux d'intérêt général lors de leur première condamnation !", réclame le syndicat, pour qui "cela ne peut plus durer".

"Notre code de déontologie nous demande de soigner tout le monde, y compris les sociopathes en tous genres, il va falloir à un moment considérer un vrai droit de retrait qui n’exige pas de nous d’organiser la continuité des soins", poursuit le SML, rappelant que "servir de punchingball ne fait pas partie des rôles d’un médecin". L'organisation, qui demande "des peines renforcées pour ceux qui s’en prennent aux médecins", plaide en faveur d'un travail conjoint avec les ministres de la Santé, de l'Intérieur et de la Justice pour que cessent ces agressions.

Sur les réseaux sociaux, Médecins pour demain (MPD) a également apporté son "profond" soutien au généraliste de Drancy, qui dispose de 10 jours pour faire appel de cette décision. "Personne n'ignore que les actes de violence envers les professionnels de santé explosent et il est inacceptable que ceux qui consacrent leur vie à soulager la souffrance soient exposés à une quelconque violence", s'indigne l'association dans un communiqué, pointant la responsabilité de l'Etat dont le "désinvestissement dans la médecine" a conduit à la crise que connaît actuellement le système de santé et qui cristallise les tensions.  

Exigeant une "prise de conscience collective et un engagement fort de la part des autorités pour que la sécurité des professionnels de santé soit garantie", Médecins pour demain a lancé une action solidaire pour dire "stop" à la violence. L'association invite les médecins à exhiber un "œil au beurre noir" ou à faire valoir leur droit de retrait ou à fermer leur cabinet cette semaine. "Toute violence doit cesser et être fermement condamnée !", écrit-elle, regrettant que les propositions qu'elle a avancées jusqu'ici soient restées "lettre morte". 

L'association appelle notamment à former les soignants à "la gestion des personnes violentes ou agressives", à faciliter les dépôts de plainte, à "un traitement pénal rapide des agressions constatées", ou encore à la "protection étendue au personnel d'accueil".  

MPD plaide également pour l'installation de boutons d'appel d'urgence dans les maisons médicales de garde et de caméras de surveillance aux abords des MMG et structures de permanence des soins, mais aussi pour la conservation de l'éclairage public à l'extérieur de ces établissements, "jusqu'à une heure après la fin des horaires d'exercice". Il apparaît, en outre, indispensable pour le collectif de "rompre l'isolement" des médecins qui réalisent des gardes, par exemple en mettant en place un accompagnement par les forces de l'ordre lorsqu'une visite peut s'avérer dangereuse.  

 

 

[avec Le Figaro et CNews

7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de Francoise Keromen -Becquet
115 points
Médecine du travail
il y a 1 mois
En France nous n'avons pas un ministère de la justice mais un ministère de la protection des délinquants ......c'est bien connu et cela se confirme !!!!lamentable Dans un même ordre ;quand on lit que
Photo de profil de Romain L
15,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 mois
Malheureusement le laxisme de la justice est loin de se limiter au cas de ce confrère. C'est un véritable fléau qui, à mon avis, incarne l'entre-soi bobo de ce milieu mais également un gros problème d
Photo de profil de Avocat  Du Diable
2,5 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
Le parquet peut et doit faire appel de cette décision, le Ministre de la santé devrait s'exprimer à ce sujet . Le laxisme judiciaire nous conduit au désastre que nous connaissons sans exclure un malêt
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