L'association mayennaise de citoyens contre les déserts médicaux s’apprête à lancer une action en justice contre l'Etat. Leur objectif : obtenir la régulation de l'installation des médecins dans les territoires sous-dotés. Son président, Maxime Lebigot, infirmier de profession, explique à Egora pourquoi il juge nécessaire de mettre fin aux “privilèges” des praticiens. A l’origine de ce combat, il y a “le coup de gueule d’un papa”. Alors que son fils n’avait que quelques mois, Maxime Lebigot se retrouve face au mur. Son médecin traitant, qui suit également le nourrisson, lui annonce qu’il prend sa retraite au 1er juillet 2016. Pour ne pas interrompre le suivi des courbes de croissance du petit Lucas, Maxime Lebigot et son épouse se mettent alors en quête d’un généraliste en Mayenne. Une mission qui s’avérera très vite impossible. “On a réussi à trouver l’une des seules pédiatres de Mayenne qui a accepté de prendre notre fils en charge en juillet et août. Mais elle nous a clairement fait comprendre qu’elle ne pourrait pas continuer… ou de manière extrêmement ponctuelle. On a donc rappelé l’ensemble des médecins de Laval et de l’agglomération, mais tous étaient débordés, raconte Maxime Lebigot. On nous a alors dit d’appeler les grands technocrates de l’ARS qui nous ont suggéré d’aller aux urgences pédiatriques de Laval.”
Lancer un signal fort aux politiques Pour le couple d’infirmiers qui travaillent dans cet hôpital, il est alors hors de question de “déranger [leurs] collègues pour une rhino”. Excédé par la situation, Maxime Lebigot décide d’interpeller le maire de la commune et le conseil départemental sur les réseaux sociaux. Témoignant dans un journal local à la suite de son coup de gueule, l’infirmier reçoit une vague de soutiens et forme l’association de citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM), un fléau qui touche particulièrement la Mayenne qui a perdu 34 médecins en cinq ans*. Aujourd’hui, quatre ans après sa création, l’association compte plus de...
410 membres et plusieurs antennes, dont une dans la Sarthe mise sur pied par une médecin rhumatologue. Leur cheval de bataille est clair et n’a pas changé : obtenir la régulation de l’installation des médecins. Et alors que l’épidémie de coronavirus n’a fait que confirmer l’importance de leur combat, les membres ont décidé de lancer une action contre l’Etat pour dénoncer un inégal accès aux soins en France. “On a pris contact cet été avec Maître Corinne Lepage qui nous a dit qu’elle accepterait de défendre notre cause”, explique le président de l’association, qui espère envoyer “un signal fort” aux politiques. Pour cela, Maxime Lebigot entend fédérer l’ensemble des associations de patients autour de cette cause et impliquer les mairies, sans cesse interpellées par leurs administrés. S’il ne compte pas “lâcher l’affaire”, le Mayennais s’attend toutefois à “se prendre des taquets de partout”. “On se heurte au lobby des médecins” Il dénonce par ailleurs le lobbying des médecins qui devraient, selon l’infirmier, se plier à la régulation lors de leur installation comme les professions paramédicales et les pharmaciens. “Pourquoi cette caste sociale, qu’est le corps médical, ne devrait pas s’y plier ? C’est quand même l’impôt qui paie la formation des médecins”, s’insurge Maxime Lebigot qui ironise : “C’est sûr qu’en Mayenne, on n’a pas la mer et la montagne.”
Auditionné il y a deux ans par la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale afin de défendre son point de vue, le jeune homme s’était déjà retrouvé face aux députés-médecins Thomas Mesnier, Stéphanie Rist, Marc Delatte qui, vent-debout, “tentait de [lui] faire comprendre par A + B que ça ne marcherait pas”. Une réponse difficile à avaler pour le président de l’association des citoyens contre les déserts médicaux. Ce dernier juge inadmissible la création de deux “castes” distinctes entre médecins et paramédicaux. “Est-ce que les infirmiers libéraux ont droit aux 50.000 euros d’aide à l’installation, est-ce qu’ils bénéficient de toutes les exonérations fiscales, est-ce qu’ils peuvent avoir une secrétaire ou est-ce que leurs charges sociales sont payées par l’Etat ? La réponse est non”, déclare-t-il vigoureusement. Des mesures gouvernementales anti-déserts bien insuffisantes Alors que le Gouvernement a mis en place ces diverses aides ces dernières années pour pallier le manque de médecins dans certaines zones, Maxime Lebigot juge les mesures peu efficaces. Il observe de surcroît plusieurs “dérives” comme à Vaiges, petite commune proche de Laval, où deux généralistes se sont installées dans une maison médicale il y a six ans, bénéficiant chacune des 50.000 euros...
d’aide à l’installation. “Le maire a refait la maison de santé sans leur demander 1 centime. Elles étaient en zone de revitalisation rurale, donc ont bénéficié d’exonérations fiscales. Et aujourd’hui, elles ont fait leur cinq années et sont parties à Laval”, indique l’infirmier qui dénonce l’appât du gain qui prend le pas sur l’humain. Il regrette également que plusieurs aides soient octroyées sans mesures compensatoires. “En Mayenne, les internes qui font leur stage en libéral ont droit à 300 euros, c’est très bien, ça leur permet de payer leur logement. Mais pourquoi, après cela, ils ne devraient pas exercer sur le territoire ? En revanche, une infirmière qui souhaite faire sa formation de pratique avancée en gériatrie peut bénéficier d’une aide du conseil départemental mais, en contrepartie, il doit rester cinq ans en Mayenne. Pourquoi nous, qui mettons les mains dans la merde, on devrait rester, et eux non ?”
Quant à la suppression du numerus clausus, Maxime Lebigot juge cette décision bénéfique, mais alerte sur le fait que les effets ne seront visibles que “dans dix ans. Et ce n’est pas parce qu’on formera plus de médecins qu’ils seront mieux répartis sur le territoire national.” *Source: Cartosanté
Si des millions de Français subissent des difficultés d’accès aux soins, le département de la Mayenne n’est pas épargné, bien au contraire, il s’agirait même du troisième désert médical du pays. Selon le site Cartosanté, mis en place par l’Agence régionale de santé, en 2019, le territoire, qui compte 191 omnipraticiens, était pourvu de 6,2 généralistes libéraux pour 10.000 habitants, bien moins que la moyenne nationale (8,8 pour 10.000). Les généralistes mayennais réalisaient par ailleurs, au 31 décembre 2019, 5.609 par an et par praticien, contre 3.998 dans les Hautes-Alpes.
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus