Trois semaines après le Président de la République, le ministre de la Santé et de la Prévention et sa ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé ont présenté leurs vœux aux acteurs du système. A cette occasion, François Braun a détaillé ses objectifs pour "inventer l’avenir de notre système de santé". Voici les dix annonces qu’il ne fallait pas rater. "2023 sera déterminante pour la santé de nos concitoyens, et pour l’ensemble de notre système de santé, a déclaré ce lundi François Braun, devant une assemblée attentive. Ensemble, nous allons trouver le moyen de sortir de l’enchaînement infernal des crises, et casser cette spirale dépressive qui touche tous les acteurs et toutes les composantes de notre système, a-t-il promis. Nous allons reprendre la main et inverser la tendance." Trois semaines après le chef de l’Etat, les vœux du ministre de la Santé aux acteurs du secteur étaient particulièrement attendus. Dans un contexte de tensions inouïes entre les professions de santé, François Braun a fait le choix d’adresser un "message d’espoir, de confiance, mais aussi de fermeté". Le locataire de l’avenue de Ségur a appelé solennellement à dépasser "les intérêts personnels, corporatistes ou sectoriels" pour réformer le système de santé, en grande difficulté. Alors que les négos conventionnelles ont été suspendues par les syndicats de médecins libéraux, le ministre n’a pas manqué de lancer un appel à l’engagement raisonnable de tous. "Nous devons donc parvenir à formaliser un contrat d’engagement territorial individuel entre chaque médecin et l’Assurance Maladie", a-t-il déclaré, estimant qu’"il ne peut y avoir de statu quo : la situation est trop sérieuse et les attentes de nos concitoyens trop grandes". Le ministre a détaillé une série d’objectifs pour l’année 2023 pour redresser le système de santé. "Un médecin traitant pour tous les patients en ALD" C’est l’un des engagements phares du chef de l’Etat. D’ici la fin de l’année, tous les patients en ALD sans médecin traitant devront s’en voir proposer un, promettait Emmanuel Macron lors de ses vœux aux acteurs de la santé il y a trois semaines. A ce jour, "plus de 600 000 d’entre eux sont privés d’un suivi régulier. Ce n’est plus acceptable, nous devons y mettre fin", a renchéri François Braun. Pour poursuivre cet objectif, le ministre a annoncé l’installation d’une instance de pilotage au niveau national "dans les prochaines semaines", qui sera placée sous l’égide de l’Assurance maladie et réunira l’ensemble des acteurs. Une démarche qui sera déclinée dans chaque territoire. "D’ici fin juin", tous les patients en ALD sans médecin traitant auront été contactés et se verront "proposer des solutions concrètes", a-t-il assuré. Le ministre a par ailleurs indiqué vouloir accompagner le développement des équipes traitantes pluriprofessionnelles, qui devront garantir un "accompagnement de proximité autour du médecin traitant", a assuré François Braun, tout en s’appuyant sur d’autres professionnels de santé. Dans le cadre des négociations conventionnelles, François Braun a dit souhaiter "que l’Assurance maladie et les médecins définissent les moyens de mieux reconnaître et valoriser le rôle et l’engagement des médecins traitants". "Éviter le recours inutile aux médecins" Face à la "raréfaction de la ressource médicale", François Braun a promis de tout mettre en œuvre pour "redonner du temps médical, en ville comme à l’hôpital", en accélérant le "décloisonnement de notre système de santé" et en permettant aux soignants "de se concentrer sur le cœur de leur métier". En février, le ministre annoncera des "simplifications nouvelles" qui découleront des conclusions de la mission portée par le Dr Jacques Franzoni et Pierre Albertini. "Je veillerai à faire respecter dans tous les secteurs les simplifications déjà acquises pour éviter le recours inutile au médecin, je pense en particulier aux certificats médicaux déjà supprimés, mais toujours sollicités dans de multiples circonstances", a-t-il ajouté. Toujours dans cette optique de gain de temps médical, "j’ai demandé à l’Assurance maladie de proposer un système simplifié de recours aux assistants médicaux", dont le nombre doit être porté à 10 000 d’ici fin 2024, a indiqué le locataire de l’avenue de Ségur. "En complément, elle renforcera son offre de service pour faciliter les démarches des médecins qui s’engageraient dans cette voie pour augmenter leur patientèle", a-t-il assuré, précisant qu’un plan spécifique serait construit pour "faire connaître le dispositif" aux médecins. "Faire que l’exercice isolé soit l’exception" "Nous devons nous mobiliser pour l’exercice isolé devienne l’exception", a par ailleurs déclaré François Braun, reprenant les mots d’Emmanuel Macron lors de la présentation du plan Ma Santé 2022. "L’exercice coordonné doit être renforcé." "Dans un cadre qui doit être organisé, en garantissant par exemple la traçabilité de toutes les prises en charge à travers Mon espace santé, ces exercices coordonnés doivent permettre de positionner chaque professionnel sur son cœur de valeur", a-t-il estimé. Dans cette démarche, François Braun a soutenu la simplification des protocoles de coopération. Le ministre a promis par ailleurs de soutenir les projets d’exercice coordonné (création d’une MSP, mise en place d’une équipe de soins primaires ou spécialisés…). Je souhaite que "les professionnels soient accompagnés, aidés dans leurs projets, dans une logique de guichet unique". "Cette démarche va de pair avec les dynamiques nouvelles de répartition des tâches entre professionnels de santé", a expliqué François Braun qui, à ce titre, en a profité pour "saluer" la députée de la majorité Stéphanie Rist, à l’origine de la proposition de loi visant à instaurer un accès direct aux IPA, kinés et orthophonistes. Le ministre de la Santé n’a pas tergiversé à ce sujet et a d’emblée dit vouloir s’appuyer sur "la pratique avancée, les protocoles de coopération, les partages et les délégations de compétences".
Assurant toutefois qu’il ne permettrait pas "un accès direct dérégulé", François Braun a taclé "ceux qui défendent le statu quo", qu’il juge "mortifère". "A ceux qui portent haut le mépris et l’invective contre telle ou telle profession, je dis que ces comportements n’ont pas leur place dans la communauté des soignants", a-t-il ajouté, faisant référence aux propos tenus par certains médecins, en l’occurrence ceux du porte-parole de Médecins pour demain qui, en parlant des renouvellements d’ordonnances, dénonçait le fait que "n’importe quel troufion avec trois mois de formation pourra les renouveler". Des propos polémiques qui n’ont fait qu’accroître les tensions entre les professions de santé. "La PDSa, partout" Le ministre a par ailleurs formulé le vœu de "permettre partout sur le territoire la continuité et la permanence des soins". "Pour moi, ce n’est pas négociable", a-t-il martelé. Tous les Français doivent pouvoir "accéder à un médecin en journée" mais aussi "le soir, les week-ends et les jours fériés" via une permanence. "Il relève désormais de la responsabilité collective des professionnels d’un territoire de garantir cette promesse", a-t-il rappelé. Parmi les mesures déployées dans ce cadre, le ministre a cité la consolidation de l’appel préalable au 15 avant de se déplacer aux urgences. Il a également annoncé un tour de France des services d’accès aux soins (SAS) d’ici "fin février" avant une généralisation qui devrait intervenir "d’ici la fin de l’année". Premiers les objectifs de ce tour : "identifier les moyens de consolider quelques filières spécialisées dans les SAS", comme la psychiatrie.
Les assistants de régulation médicale (ARM), qui viennent d’être reconnus comme professionnels de santé à part entière, feront l’objet d’un plan qui devrait être présenté d’ici la fin du premier semestre. Au programme : renforcer de l’attractivité du métier et les recrutements. Et "l’engagement des médecins au titre de la régulation médicale ou de l’effection, en plus de donner lieu à une rémunération dédiée, sera reconnu dans le cadre plus global de l’engagement territorial." Le ministre a par ailleurs promis d’être attentif à "juguler les dérives parfois attachées au développement effréné des centres de soins non programmés". "Sécurité des soignants" Ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo a ajouté qu’une mission sécurité des soignants, confiée entre autres à Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins, avait été lancée face "à la recrudescence des violences qui les touchent". Un plan sur la sécurité des professionnels de santé devrait être décliné...
avant l’été. "Lutter contre l’intérim cannibale" Si l’on savait que le Gouvernement préparait en coulisses son plan d’encadrement de l’intérim médical, c’est désormais officiel. "J’ai parlé d’intérim ‘cannibale’, car il rémunère injustement le nomadisme professionnel, détruit la cohésion des équipes et enferme dans un cercle vicieux les établissements qui y ont recours. Je le maintiens", a déclaré François Braun face aux acteurs de la santé. "Nous mettrons en œuvre à compter du lundi 3 avril l’encadrement des rémunérations", a-t-il fermement ajouté. Le ministre a par ailleurs réaffirmé la volonté du Gouvernement "d’aller vers une interdiction pure et simple de cette pratique en début de carrière". "Ce sera par endroit difficile, cela pourra tanguer, nous le savons, mais j’ai la conviction qu’il ne faut pas lâcher au risque sinon d’une déstabilisation grave de nos équipes dans les établissements", a-t-il estimé, s’attendant à des protestations. François Braun a également demandé des engagements fermes aux établissements privés où l’encadrement des rémunérations "n’est pas possible en droit". En parallèle, le ministre a indiqué qu’il engagerait un travail d’ici l’été pour élaborer une nouvelle façon d’organiser le temps de travail des soignants à l’hôpital. Objectif : limiter les heures supplémentaires et permettre aux personnels de concilier vie personnelle et professionnelle.
"Sortir du tout T2A" François Braun a dit également vouloir "tourner le dos à la logique comptable qui a présidé à la gestion du système et a pu aboutir à une forme de rationnement des soins". Cela se traduit notamment par la sortie du "tout T2A", "en posant les fondements de cette évolution dès la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale". "C’est une vraie révolution dans un temps court, où il ne faudra pas tomber dans l’écueil de ‘tout changer pour ne rien changer’", a-t-il prévenu. "2023 : l’année des infirmières" "L’année 2023 sera celle des infirmières et infirmiers, celle de perspectives clarifiées", a également promis le ministre, qui s’est montré soucieux de l’avenir de la profession, qui souffre d’un manque d’attractivité. "Je refuse de me résoudre à ce qu’autant d’étudiants infirmiers abandonnent leur cursus." Celui-ci a décliné plusieurs mesures visant à sécuriser les parcours et de la qualité de vie étudiante : intégration du mentorat dans les formations d’ici la rentrée de septembre, reconnaissance du tutorat, déploiement des "cordées de la réussite". Des propositions d’évolution de Parcoursup devraient par ailleurs être déclinées à l’automne prochain. François Braun a également promis de "libérer les voies d’accès" au métier, via un "appel à la manifestation d’intérêt", qui sera lancé au premier semestre, "pour susciter des formations réalisées à 100% en apprentissage" ; mais aussi en favorisant les contrats d’engagement de service public. "La consolidation du métier sera aussi permise par l’évolution du décret d’actes du métier d’infirmier", a ajouté François Braun. "Nous installerons, d’ici la fin du premier trimestre, un comité de pilotage Etat/Régions pour échanger sur ces perspectives, et dresser les besoins quantitatifs et qualitatifs pour les infirmiers et infirmières, devant permettre de déboucher sur un ‘deal’ de formation dans chaque région." Un grand plan sera également lancé au printemps pour augmenter le nombre d’infirmières en pratique avancée. Objectif : atteindre 5 000 IPA fin 2024.
"Assumer l’ambition sur la prévention" Cette année 2023 devra par ailleurs illustrer l’ambition forte du Gouvernement sur la prévention. "Ce n’est pas qu’un titre sur une carte de visite ministérielle, ou au fronton de ce bâtiment de l’avenue Duquesne !" Cela se traduira entre autres par "la concrétisation des rendez-vous de prévention". Par ailleurs, de nouvelles formes d’aller-vers et de médiation en santé devront être identifiées : les préconisations d’une mission sur le sujet devront être rendus durant le premier semestre. Cette année, sera également élaborée une nouvelle stratégie vaccinale, avec un accent mis sur la vaccination contre le papillomavirus. Un nouveau plan de lutte contre le tabac sera lancé et une stratégie globale d’amélioration de la santé des femmes sera élaborée. A l’approche des Jeux olympiques 2024, le ministre a aussi annoncé un investissement majeur dans l’activité physique et sportive. Enfin, "2023 sera assurément l’année de la santé de l’enfant" avec l’organisation des Assises au printemps prochain. "Entamer l’étape 2 du 100% santé" Afin de garantir un accès à la santé à tous les Français, le ministre a indiqué que 2023 serait l’année de l’étape 2 du 100% santé. Au programme : permettre une meilleure connaissance du dispositif, actualiser les paniers de soins pris en charge, ouvrir le périmètre à de nouveaux produits… Autres enjeux importants dans cette même optique : la modération des dépassements d’honoraires et le déploiement du tiers payant. Afin de mettre en œuvre ces chantiers, pour certains titanesques, le ministre de la Santé a expliqué que sa méthode sera celle du Conseil national de la refondation (CNR) en santé qui, "se poursuivra cette année".
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