Ils n’ont eu aucune hésitation à répondre à l’appel ou à s’engager spontanément. "Cela a été presque instinctif", confie le Dr Thomas Mesnier, député LREM de Charente et médecin urgentiste, qui n’avait pas pu garder d’activité médicale après son élection car "les gardes sont difficilement compatibles avec le travail parlementaire", explique-t-il. En revanche, en mars dernier, quelques jours avant la première allocution du Président de la République, et face à l’évolution de l’épidémie, il écrit au directeur de l’hôpital d’Angoulême où il exerçait auparavant. "J’ai aussi appelé mon ancien chef des urgences pour lui dire que j’étais disponible, raconte-t-il. Il se trouve qu’ils étaient en train de monter un deuxième service dédié au coronavirus. En quelques jours, tout a été réglé pour que je puisse y travailler." Un retour au service des urgences, le 23 mars dernier, d’abord à temps plein puis partiel pour pouvoir reprendre son activité parlementaire. "Au sein du groupe En Marche, nous nous réunissons en visio deux fois par semaine, décrit Thomas Mesnier. Et depuis mi-avril, nous avons repris les séances en commission des Affaires sociales. Il y a aussi beaucoup de travail en lien avec les services du ministère. De même, au sein de ma circonscription, j’ai également eu des réunions avec des chefs d’entreprise et des commerçants pour faire le point sur les mesures mises en place par le Gouvernement." Être au cœur de l’hôpital lui permet aussi de nourrir sa réflexion. "Ce qui m’a le plus frappé dans les premiers jours est que les patients ne venaient plus, raconte-t-il. L’état de santé de plusieurs patients s’est dégradé car ils sont venus trop tard. Le confinement a naturellement fait baisser certains motifs d’entrée notamment traumatologiques. Mais il y a aussi de la bobologie qui ne vient plus."
Des pistes pour "l'après" Cette moindre fréquentation des urgences à Angoulême ne s’est pas pourtant accompagnée d’un moindre nombre d’hospitalisations. "En fait, les urgences reviennent à leurs missions socles, constate-t-il. Cela pose la question de la pertinence des soins." Un des grands chantiers de "l’après" pour le député...
"Il faudra sans doute mettre un peu plus de moyens dans le système de santé mais surtout se poser la question de l’utilisation qui est faite des moyens mis sur la table", avance-t-il. Bernard Jomier est sénateur apparenté au groupe socialiste et adjoint à la maire de Paris. Médecin généraliste, il a toujours continué à exercer le vendredi après-midi dans le cabinet de groupe où il s’était installé en 1993. "Mais pour le temps de l’épidémie, cela ne valait pas la peine d’augmenter cette activité car les gens ne viennent plus dans les cabinets, explique-t-il. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé mes services à l’hôpital." Il travaille actuellement au département de médecine d’urgence de l’hôpital de Melun, dans une unité Covid de 15 lits, trois ou quatre jours dans la semaine. Administrativement, ce retour a été "très simple" car le parlementaire a simplement signé une convention de bénévolat. "C’est quelque chose de naturel quand on est soignant de répondre à l’appel en cas d’épidémie d’autant que dans mon parcours professionnel, j’ai déjà été confronté à une épidémie", explique-t-il en évoquant le VIH. "Quand je suis arrivé à l’hôpital, j’ai trouvé des personnels complètement mobilisés, raconte-t-il. Ce qui extraordinaire est que cet hôpital dysfonctionne depuis des années à la fois pour des questions de moyens mais aussi de gouvernance. Les soignants se plaignent que tout soit lourd quand ils veulent faire quelque chose. Et là, tout d’un coup, tout s’est évaporé car enfin, c’est la problématique de santé qui guidait toutes les décisions." Bernard Jomier estime ainsi que les niveaux intermédiaires ont bien réagi alors que l’organisation centrale a été mise en échec, en particulier pour les Ehpad. C’est l’une des leçons qu’il tire de la crise.
"Je ne me voyais pas confiné chez moi" Ce sont justement dans deux Ehpad du centre hospitalier de Chauny dans l’Aisne que le député LREM Marc Delatte a pu également enfiler sa blouse de nouveau. Médecin généraliste libéral pendant vingt-sept ans, il avait essayé de pérenniser...
son exercice après son élection à l’Assemblée nationale en 2017, avant de trouver finalement un successeur. "J’ai gardé des liens forts avec la communauté médicale de ma région et je ne me voyais pas confiné chez moi pendant l’épidémie", raconte-t-il. Après avoir discuté avec le directeur de l’ARS Hauts-de-France, il propose ses services dans ces Ehpad et est intégré à l’équipe le 1er avril, à raison de trois demi-journées par semaine. "Je n’avais pas attendu l’épidémie pour rendre visite aux Ehpad de ma circonscription, rappelle le député. Mais quand j’y suis arrivé pour y travailler, ce qui m’a frappé à mon premier contact avec les professionnels, c’était leur grande inquiétude de transmettre le virus aux résidents." Ces inquiétudes font immédiatement écho à son travail au sein du Comité consultatif national d’éthique qui a rendu un avis le 1er avril sur les mesures de protection des résidents des Ehpad. Si, pour l’heure, il n’y a aucun cas dans le premier Ehpad où il exerce, six cas ont été recensés dans l’autre structure dont un nécessitant une hospitalisation. "Les procédures ont été très rigoureuses mais cela implique un temps plus long pour tous les actes, souligne-t-il. C’est bien aussi d’avoir des temps d’échange entre soignants pour se soutenir."
Jean-Martin Cohen-Solal, ancien directeur général de la Mutualité Française qui fut aussi conseiller du ministère de la Santé sous la gauche dans les années 80 et 90, et directeur du Comité français d’éducation pour la santé, avait toujours gardé quelques vacations de médecine générale dans son cabinet avant de prendre sa retraite fin 2018. "Début mars, j’ai reçu un mail de l’Ordre de Paris faisant appel à des médecins récemment retraités pour du renfort au niveau de la régulation de la permanence des soins au Samu de Paris, raconte-t-il. Je n’ai pas hésité une seconde ! " Quatre médecins, répartis à l’entrée entre Covid et non-Covid, répondent ainsi aux appels au 15. Un assistant de régulation transfère l’appel à... un réanimateur, à un médecin généraliste ou à un interne. "Nous avons assisté en direct à l’évolution de l’épidémie, raconte-t-il. Les premières semaines, il y a eu un nombre considérable d’appels. Nous avons eu peur que la digue ne puisse pas tenir." Les régulateurs constatent également les évolutions dans la description des symptômes (comme la perte du goût, par exemple) et dans la compréhension des patients de l’épidémie et des traitements. Les annonces sur la chloroquine ont particulièrement choqué Jean-Martin Cohen-Solal. "Chez beaucoup de gens, le cocktail ‘confinement, solitude et peur de la maladie’ a provoqué un très grand désarroi, confie-t-il. On a eu des personnes qui craquaient au téléphone. Mon expérience de médecin généraliste m’a été très utile car nous avons l’habitude de parler au téléphone avec les patients et de percevoir ce qui ne va pas. C’est un savoir que nous avons pu transmettre aux internes. De mon côté, il m’a été très utile de pouvoir être en contact régulier avec des réanimateurs pour prendre les bonnes décisions."
Il reste que pour ce médecin qui a dû gérer plusieurs crises sanitaires dans sa carrière, cette épidémie inédite ressemble "à une série de science-fiction". Mais elle a également mis en lumière, selon lui, deux faiblesses du système de santé français : l’absence de culture de prévention et la difficile coordination entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. "Au Samu, nous avons constaté que lorsque nous étions en lien avec une CPTS, l’organisation était clairement beaucoup plus facile " note-t-il cependant. Encore une autre leçon pour l’après.
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