Les professionnels de santé abordent le prolongement du confinement, qu'ils avaient anticipé, avec une certaine circonspection. Beaucoup espèrent d'abord que la communication officielle à destination des patients, comme des professionnels, sera "moins erratique et confuse qu'au début", indique Jerôme Marty, président de l'UFML, "car les patients sont perdus". Pour Bijane Oroudji, médecin généraliste à Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d'Oise), les injonctions contradictoires concernant la consultation des cabinets de médecine générale, "délétères", ont semé le doute dans l'esprit des patients. "Certains pensaient que notre cabinet était fermé", souligne-t-il. A la clé un "effondrement" de la patientèle, observe le président de l'UFLM.
Retisser la confiance
Les besoins des patients, notamment chroniques, n'ont pourtant pas miraculeusement diminué. Un des enjeux de cette période consiste à les inciter à consulter quand ils en ont besoin. Il s'agit tout d'abord de leur redonner confiance. "Il faut dire aux patients qu'il n'y a pas plus de risque de venir au cabinet que d'aller chercher son pain", insiste Jacques Battistoni, président de MG France. Le Dr Oroudji détaille très souvent à ses patients les mesures prises au cabinet pour éviter tout risque de contamination, en termes d'horaires ou de désinfection du cabinet et du matériel (15 à 20 fois par jour).
Les professionnels vont aussi maintenir leur organisation modifiée, notamment la séparation des flux de patients, dans l'espace grâce aux centres de consultation spécialisés Covid-19 ou, dans le temps, via les plages de consultation séparées. Ou encore les "tournées spécial Covid-19" organisées localement par les cabinets d'infirmiers libéraux. Cependant, l'activité liée au Covid-19, dans les centres spécialisés...
comme dans les cabinets de ville, " se tasse", remarque Jacques Battistoni.
Boom des téléconsultations
La prolongation du confinement amène donc les professionnels à "faire durer, voire à transformer" l'organisation de leur activité qu'ils ont mise en place depuis le début de cette période de crise pour s'y adapter, indique Jacques Battistoni. Pour Matthieu Thomazo, porte-parole de l'ISNAR-IMG, cette crise sanitaire sert de "catalyseur" à bien des transformations dans l'organisation des professionnels et la prise en charge des patients, en particulier pour la téléconsultation. "La grande majorité des médecins généralistes s'en sont largement emparé", souligne le président de MG France. Il y voit notamment un moyen d'entrer en contact avec les patients chroniques durant cette période de confinement. Jérôme Marty la considère particulièrement utile dans les zones très touchées par le covid-19, pour éviter les contacts entre patients et professionnels mais il observe que ces consultations s'effectuent le plus souvent par téléphone et non de manière visuelle.
Les obstacles technologiques, liés au matériel à leur disposition, à la qualité des connexions et à la relative complexité des manipulations pour les patients souvent stressés compliquent son utilisation. Bijane Oroudji ne l'utilise qu'exceptionnellement, pour reprendre contact avec des patients devenus trop "discrets", et pour les inviter à venir consulter au cabinet. "Le point final du diagnostic, c'est souvent l'examen clinique", ajoute-t-il.
Impossible de réaliser une palpation abdominale par téléconsultation, par exemple. Certes, "on peut faire des consultations complexes ou très complexes à distance", reconnaît Patrick Gasser, président d'Avenir spé, mais il manque des référentiels précis sur le sujet. Du côté des infirmiers libéraux, le télésoin, encadré depuis peu, constitue selon Patrick Chamboredon, président de l'Ordre national des infirmiers, une mesure barrière très pertinente, à développer pendant cette période. "Il faut que les infirmiers s'en emparent", estime-t-il. Selon une enquête de l'Ordre des infirmiers, 65% des infirmiers libéraux seraient d'accord pour le pratiquer.
Risque de faillites
Globalement, estime Mathias Wargon, chef de service des urgences au CH de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), "il faut que les gens ne viennent pas d'emblée aux urgences pour des choses qui ne relèvent pas de la médecine d'urgence et s'adressent d'abord à...
leur médecin traitant et aux centres de santé". Les équipes de certains hôpitaux s'épuisent... "Les patients reviennent peu à peu", observe d'ailleurs, Bijane Oroudji. Mais pour Patrick Gasser, les réticences des patients restent fortes et ce retour ne se fait, ou ne se fera pas, dans toutes les régions au même rythme. Aussi, ajoute-t-il, le maintien de mesures barrières, comme l'espacement des consultations pour éviter que les patients se croisent, maintiendra le nombre de consultations bien en dessous de la normale. Selon lui, "l'inquiétude augmente" du côté des spécialistes face aux risque de faillites de leurs entreprises, et des “avances de trésorerie” seront nécessaires pour permettre aux plus affectées de passer ce cap difficile.
Au-delà de la question financière, les professionnels s'inquiètent beaucoup pour la santé de leurs patients, en particulier de ceux atteints de pathologies chroniques. Pour Jérôme Marty, il existe un risque important de décompensation chez ceux qui n'ont pas consulté, par peur de déranger ou d'être contaminé, alors qu'ils en avaient besoin durant les premières semaines du confinement. Bijane Oroudji craint de les revoir avec une symptomatologie plus avancée. Matthieu Thomazo espère qu'une fois passée la "sidération" des premières semaines les patients qui en ont besoin vont de nouveau consulter.
Mais "comme le suggère une note de la DGS, souligne Jacques Battistoni, il ne faut pas hésiter à aller vers les patients" chroniques, ou plus généralement fragiles, en les contactant directement. Les infirmiers libéraux, qui se rendent au domicile de nombreux patients chroniques, peuvent aussi jouer un rôle important de vigilance dans cette démarche, ajoute le président de l'ONI. Leur pratique les amène à être attentifs à l'observance des traitements et, plus globalement, à l'état de santé physique et psychique des personnes. Voire même aux risques de violences intrafamiliales, accrus par le confinement...
Protection et transparence
Cette reprise de l'activité "ordinaire" dans cette situation extraordinaire ne pourra cependant avoir lieu que si les professionnels disposent des équipements de protection adéquats : masques, gants et surblouses. Tous l'espèrent. La grande confusion qui a entouré le manque de ces équipements, en ville comme à l'hôpital, a beaucoup...
agacé les professionnels. Comme Matthieu Wargon, "choqué par le manque de transparence" et qui aurait préféré qu'on dise la vérité à ce propos. Il entrevoit cependant une amélioration de l'information sur ce sujet.
Rien que pour les infirmiers, "il en faudrait au moins six millions par semaine", observe Patrick Chamboredon. Selon lui, des patients refusent de recevoir les infirmiers libéraux qui ne sont pas équipés. En Occitanie, le conseil de l'Ordre des médecins fournit les cabinets. Mais le président de l'UFML déplore que les médecins d'autres régions reçoivent une proportion variable de FFP2 parmi leurs 18 masques hebdomadaires.
Il craint d'ailleurs que le nombre de soignants contaminés, inconnu à ce jour, soit très élevé. Le porte-parole de l'ISNAR-MG regrette pour sa part que "dans certaines régions, les internes de médecine générale ont reçu 16 masques pour toute la durée du confinement" (avant sa prolongation). C'est-à-dire bien moins que les généralistes avec lesquels ils travaillent. "On nous promet la montée en charge de la capacité de production française, poursuit Jacques Battistoni, mais pour l'instant, nous sommes encore en flux tendu et on peut tout juste faire face au besoin" des professionnels comme des patients. Le Dr Oroudji, quant à lui, se débrouille avec des masques "Bachelot" et distribue ses masques chirurgicaux à ses patients symptomatiques.
Au-delà de ces interrogations, la prolongation du confinement offre aussi l'opportunité d'approfondir le travail interprofessionnel et interdisciplinaire. De manière informelle, comme cela se passe souvent sur le terrain, mais aussi de manière formelle. A Saint-Ouen-l'Aumône, les professionnels impliqués dans la création d'une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ont accéléré leur rapprochement à travers leur centre Covid-19. Selon le porte-parole de l'INSAR-IMG, cette période doit aussi conduire les pouvoirs publics à davantage impliquer le secteur ambulatoire dans la prise en charge des patients Covid-19, en développant les liens entre la ville et l'hôpital. En tout état de cause, estime Patrick Gasser, "ce type d'épisode va nous faire réfléchir. Il ne sera plus possible de travailler de la même façon".
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