Budget de la Sécu 2023 : "On ne peut pas vouloir l'accès aux soins et sous-doter la médecine libérale"

Politique de santé
Présenté ce lundi 26 septembre en Conseil des ministres, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a suscité de vives réactions chez les organisations représentatives des médecins. Si les syndicats saluent la limitation du remboursement des arrêts maladie prescrits en téléconsultation, la CSMF a déploré un Ondam de ville très inférieur aux besoins, tandis que le SML a déploré dans ce texte plusieurs "atteintes au système conventionnel".
 

Comme à l’accoutumé, certaines mesures intégrées dans le PLFSS 2023 n’ont pas manqué de faire réagir les organisations représentatives des médecins. A commencer par le déremboursement des arrêts de travail délivrés en téléconsultation par un autre professionnel que le médecin traitant ou un médecin vu au cours des 12 derniers mois, sauf exceptions. La mesure avait été dévoilée ce week-end dans le Journal du Dimanche par Gabriel Attal, ministre de l'Action et des Comptes publics, la veille donc de la présentation officielle du projet de loi. Très rapidement, l’UFML-S a salué cette mesure. Le syndicat du Dr Jérôme Marty s’était levé quelques jours plus tôt contre le "far west" des téléconsultations et avait appelé la Cnam à y mettre fin. Dans un communiqué, le syndicat a ainsi déclaré voir en ce déremboursement "un magistral coup de pied donné aux plateformes commerciales de téléconsultation et aux ‘cabines à fric’". La Dre Florence Lapica, vice-présidente de MG France, voit également la mesure d’un bon œil. "Les médecins traitants ne délivrent pas les arrêts de travail de la même façon, ils le font de manière plus réfléchie", a-t-elle déclaré. De son côté, le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, salue une mesure "logique" mais estime que la lutte contre "les dérives et les excès de la télémédecine" ne va pas assez loin. "Je pense que procéder au remboursement d'offres de télémédecine dans des entreprises commerciales dont les acteurs au bout de la ligne sont des médecins complètement étrangers aux territoires, quand il y a une réponse organisée aux besoins de soin sur ces territoires-là, c'est jeter l'argent par les fenêtres."

Conscient des enjeux d’accès aux soins, l’UFML-S a toutefois souligné que "les délais de consultation auprès du médecin traitant sont souvent peu compatibles avec la délivrance d’un arrêt de travail en temps et en heure". "Annoncer le déremboursement de la téléconsultation pour ces patients, c’est nier le fait qu’ils n’ont pas d’interlocuteur ni de suivi médical et c’est prendre le risque d’engorger davantage les urgences", prévient pour sa part Jeunes Médecins, opposé à la mesure. "Le Gouvernement semble considérer que 100 millions d’euros auraient été payés ‘à tort’ par l’Assurance maladie. Il faut remettre les choses à leur place : les arrêts ne représentent rien dans le budget de la Caisse nationale d’assurance maladie (moins de 10%), et 90% d’entre eux sont tout à fait justifiés ! Comme souvent, ce sont malheureusement quelques abus qui conduisent à revoir des dispositifs pourtant utiles à tous, et dans un contexte d’inégalités territoriales d’accès aux soins", déplore le syndicat de jeunes – qui défend par ailleurs la levée de la limite des téléconsultations.   "Atteintes au système conventionnel" Dans un communiqué, le Syndicat des médecins libéraux (SML) dénonce un PLFSS 2023 qui "contient des atteintes au système conventionnel qui questionnent au moment où débute la négociation d’une nouvelle convention". "Le PLFSS va permettre à la Cnam de réclamer des indus dont le montant sera extrapolé sur la base d’un échantillon statistique. Si cette mesure était adoptée, les professionnels de santé seraient sanctionnés sur des faits supposés", s’insurge le syndicat. "Cette justice d’exception est inacceptable et sans doute anticonstitutionnelle."  De son côté, la CSMF réclame la suppresion de l'article 22 du projet de loi qui prévoit de conditionner "le cas échéant" le conventionnement d'un professionnel de santé à sa formation, à son expérience ainsi qu'à sa "zone d'exercice", ce qui ouvre la porte à des mesures coercitives Le même article prévoit qu'un accord cadre interprofessionnel, comme ceux régissant les MSP ou l'exercice coordonné, doit être signé "par au moins une des organisations représentatives des structures concernées" (FCPTS, Avec Santé, Fédération des centres de santé). Des structures dont la représentativé n'est pas issue des urnes, souligne la CSMF.  Les syndicats seniors apportent également leur soutien à leurs jeunes confrères vent debout contre la mise en place d'une 4e année d'internat de médecine générale. Dans un long texte publié sur Twitter, le syndicat MG France considère que la médecine générale "nécessite bien une année professionnalisante comme toutes les autres spécialités", cela ne peut se faire "sans les conditions indispensables à sa mise en place". "Penser que la 4ème année serait la solution aux problèmes de démographie médicale est une erreur", prévient-il. MG France appelle ainsi le Gouvernement à ne pas prendre de "décisions précipitées" qui risqueraient de "compromettre une fois de plus l’attractivité de la médecine générale".

    "On cherche à détruire notre modèle de biologie de proximité" La place est aussi à la colère du côté des biologistes. Le PLFSS 2023 prévoit en effet de permettre au ministre de la Santé, "dans l’hypothèse d’une absence d’accord entre l’assurance maladie et les biologistes", de procéder à une baisse des tarifs pour un montant d’économies de 250 millions d’euros. Une atteinte au cadre conventionnel, dénonce le Syndicat des médecins libéraux. "Nous, syndicats et laboratoires de biologie médicale, étions prêts à travailler à une régulation tarifaire pour participer à la maîtrise des dépenses de santé. Nous le faisons d’ailleurs depuis 10 ans : la valeur globale des actes a baissé de 30% permettant à la Cnam de réaliser 5,2 milliards d’euros d’économie. Nous ne pouvons accepter une politique de rabot aveugle fondée sur un diagnostic insensé : sabrer dans notre enveloppe de routine au motif de notre activité Covid, qui est exceptionnelle par nature, ne peut que mener à une dégradation des prises en charge, de nos investissements dans l’innovation, à des suppressions d’emplois et au délitement du maillage territorial qui garantit un accès aux soins à tous", s’insurge l’Association pour le progrès de la biologie médicale dans un communiqué. "La décision du Gouvernement est incompréhensible. Que l’on cherche à détruire notre modèle de biologie de proximité, ou simplement à nous désigner comme coupable, nous qui avons toujours répondu présents, pour faire des économies de court-terme, ce projet est mortifère", accuse Alain Le Meur, président de l’APBM. De manière plus générale, la CSMF a dénoncé un Ondam "très déséquilibré" entre la ville qui doit se contenter de +2.9% (+1.4% hors Covid) et l'hôpital (+4.1%). "C'est la première fois qu'on a un Ondam très en dessous du niveau de l'inflation", déplore Franck Devulder, qui s'interroge sur le financement des revalorisations qui seront contenues dans la prochaine convention. Convention qui doit "donner les moyens" aux médecins libéraux de répondre aux besoins de la population. "Nous aussi, nous serons exigeants", répond Frank Devulder aux propos tenus par Agnès Firmin Le Bodo dans Egora"On ne peut pas vouloir l'accès aux soins et sous-doter la médecine libérale (...). Le Gouvernement en portera la responsabilité", met en garde le Dr Bruno Perrouty, président des Spécialistes-CSMF.  

Les Entreprises du médicament dénoncent "un projet qui tourne le dos à l’innovation"
De son côté, le Leem (Les Entreprises du médicament) pointe un PLFSS totalement déconnecté des enjeux. "Le montant de l’enveloppe consacrée aux dépenses de médicaments pour 2023 semble sciemment fixé en deçà des besoins de la population ; il est 7% inférieur aux dépenses de médicaments pour 2022 (24,6 milliards d’euros alloués en 2023, contre 26,4 milliards d’euros de dépenses estimées pour 2022)", explique le Leem dans un communiqué, qui craint que ce budget n’aggrave "les difficultés d’accès aux médicaments que rencontrent déjà les Français, en augmentant les risques de ruptures d’approvisionnement et en freinant l’accès à l’innovation". Le président du Leem, Thierry Hulot, a ainsi appelé le Gouvernement à revenir "en profondeur" sur ce texte, qui "consacre le renoncement à toute ambition de souveraineté sanitaire, pour s’inscrire dans une logique purement comptable".

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