"Il faut décentraliser le pouvoir sanitaire de lutte contre les épidémies"
Egora.fr : Vous faites le constat d'un manque d'organisation face à l'épidémie. Quels sont les maillons faibles du système français ?
Dr Jean-Pierre Door : Je fais le constat d'un défaut d'anticipation, d'une inadaptation des structures administratives françaises – trop centralisées, et du manque de coordination de la politique sanitaire face au risque épidémique. Ce n'est pas une nouveauté : nous l'avions déjà expérimenté lors des épidémies du H5N1 et du H1N1. Aujourd'hui, cette hypercentralisation du pouvoir sanitaire me renforce dans mes propositions. Il y a eu des dysfonctionnements dans toute la France, car le cadre géographique n'est pas adapté.
N'est-ce pas le rôle des ARS que de décentraliser la politique sanitaire ?
Les ARS sont en fait hypercentralisées. C'est l'exécutif qui leur donne des ordres et ce sont des instances très administratives. Ce n'est pas le bon échelon. D'autant que la loi NOTRe [la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015, NDLR] a découpé les régions de manière totalement inadaptée ; on l'a vu avec le grand Est.
Vous plaidez pour une recomposition territoriale de la gestion épidémique, basée sur les zones de défense et de sécurité…
Les zones de défense -au nombre de 7 en métropole- sont des circonscriptions civiles et militaires. Elles constituent un cadre administratif pour planifier les mesures de défense à caractère non militaire. Un Haut Conseil de lutte contre le risque épidémique et biologique sera chargé de déterminer les grands axes, déclinés ensuite dans les zones de défense. Au sein de ces zones, le préfet de zone aura l'entière responsabilité. Lors de la crise, les préfets ont été au rendez-vous et ont agi localement en liaison avec les élus locaux, les médecins et les établissements publics et privés.
Quelles seraient exactement les attributions de ce Haut Conseil ?
A charge pour lui d'analyser les dangers, de mener la coordination face à ces risques, d'organiser les coopérations internationales mais aussi de promouvoir le rôle des habitants dans la prévention. Il sera composé de médecins issus de CHU, de CHR mais aussi des URPS. Les médecins libéraux ont été démunis de tout ; il faut qu'ils soient représentés et représentatifs dans ce Haut Conseil, mais aussi dans les zones de défense auprès du préfet, à la tête du conseil sanitaire de zone. L'URPS est tout à fait apte à désigner quelqu'un pour représenter les professionnels libéraux.
Ce dispositif s'inspire de ce qui existe en Asie, en particulier de ce qui a été mis en place à Hong Kong, lors de l'épidémie du Sras. C'est une forme de décentralisation du pouvoir sanitaire de lutte contre les épidémies et -ne l'oublions pas- les attentats biologiques ou chimiques au niveau des régions. Je pense que la zone de défense est le cadre administratif et opérationnel régional adéquat.
Qu'en est-il du Haut Conseil de santé publique ?
Il s'occupe du domaine médical, thérapeutique, de prévention. Mais selon moi, le HCSP n'est pas armé pour s'occuper du risque épidémique. Une pandémie, c'est un état de guerre. Il faut être armé. Or, l'Eprus [Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, NDLR], qui a la charge la réserve sanitaire mais aussi des médicaments, des masques et des vaccins à l'époque de H1N1, a été désarmé, démobilisé, déshabillé si l'on peut dire. Il permettrait d'avoir tous les moyens médicaux à disposition des zones de défense.
Quand sera examinée votre proposition de loi?
J'espérais pouvoir bénéficier d'une niche parlementaire le 25 juin mais ce n'est pas possible. En attendant, je continuerai à soulever le sujet dans la commission d'enquête parlementaire dont je suis membre. La critique est facile mais il faudra bien donner des solutions pour être armé face à une nouvelle pandémie. Je défendrai cette proposition, soutenue par une quarantaine de collègues, au même titre que je défendrai le réarmement de l'Eprus.
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