"Inutile" et "illogique" : les généralistes dénoncent l’ouverture de la vaccination anti-Covid aux pharmaciens
“Je me demande ce qui prend à cette administration de vouloir se passer à tout prix du médecin généraliste”, s’est interrogé le Dr Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des médecins de France, dans une interview accordée à Franceinfo. Le généraliste des Hauts-de-Seine n’a pas caché son agacement après que la possibilité pour les pharmaciens d'administrer le vaccin AstraZeneca a été évoquée par le porte-parole du Gouvernement, puis hier soir par la Haute Autorité de santé. “Quand vous êtes en primo-vaccination, elle doit être faite par un médecin”, a-t-il expliqué, inquiet, ajoutant qu'il “faut quand même que les pharmaciens et les sages-femmes apprennent à gérer un choc anaphylactique et qu'ils aient de l'adrénaline”. Le président d’honneur de la FMF a par ailleurs souligné que les généralistes, mobilisés “massivement” dans les centres de vaccination, pouvaient, grâce à ce nouveau vaccin, “plus facile à manier que celui de Pfizer”, vacciner “tranquillement dans les cabinets et en toute sécurité”.
Un avis que partage la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) qui, dans un communiqué envoyé ce mercredi, indique que “ce n'est pas multiplier les vaccinateurs qu'il faut, c'est multiplier les vaccins”. Selon son président, le Dr Ortiz, l’ouverture de la vaccination aux pharmaciens est "inutile" et "illogique" et ne répond “à aucune nécessité et à aucun besoin”, rappelant au passage que 85% des médecins généralistes étaient prêts à vacciner dans leurs cabinets, selon une enquête récente du Collège de Médecine Générale et du Collège national des généralistes enseignants. “Milliers de doses à la poubelle" Lors d’une conférence de presse, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, a souligné par cette décision, “une épine irritative”. “Nous sommes en situation de pénurie de vaccin qui impose de respecter l'éligibilité des patients. Il doit y avoir un cahier des charges sur la conservation du vaccin et la sécurisation de la vaccination”, a-t-il affirmé, précisant qu'aujourd'hui, “on pourrait vacciner 20 fois plus en centre de vaccination, c'est la pénurie qui nous en empêche”. Accroître le nombre de vaccinateurs pourrait par ailleurs “aboutir à ce que des dizaines de milliers de doses partent à la poubelle”, craint Luc Duquesnel. Inquiétude partagée par son confrère, le Dr Ortiz, dans le communiqué de la CSMF: “Multiplier les lieux de vaccination, avec un vaccin AstraZeneca présenté en flacons de 10 doses, fait prendre un risque de perdre de nombreuses doses, car un flacon ouvert ne peut se conserver que six heures…” Pour le Dr Duquesnel, il est également nécessaire de faire attention à ce que “la vaccination par les pharmaciens n'aboutisse pas à des conflits locaux et n'aggrave la pénurie par un gaspillage des vaccins”. En effet, selon le généraliste, “s'il n'y a pas eu assez de vaccins pour la grippe, même pour certaines personnes qui avaient des bons, c'est parce que les pharmaciens n'ont pas vérifié l'éligibilité”. Or, prévient le Dr Battistoni, il faudra prioriser les populations avec ce vaccin AstraZeneca. “Pour prioriser, qui peut mieux que le médecin traitant définir ces priorités ? A notre avis, personne”, soutient le président de MG France. D’autant que “beaucoup de patients entre 50 et 65 ans ne sont pas ‘requêtables’. L’Assurance maladie ne peut pas rechercher qui sont les patients obèses par exemple. Tout ça plaide pour un rôle central du médecin généraliste, du médecin traitant, dans cette phase d’utilisation du vaccin AstraZeneca, tant que le contexte épidémiologique est le même et que les vaccins restent rares”, c’est-à-dire “au moins jusque fin février”. Délégation La question de la vaccination semble avoir ravivé les tensions autour de la délégation de tâches. Le Dr Hamon s’est dit “un petit peu énervé”, constatant que “les pharmaciens veulent changer de métier”. “On considère que le métier de médecin généraliste est un métier qui n'est qu'une succession de petits actes qui peuvent être faits soit par une infirmière, soit par un pharmacien, soit par un kinésithérapeute, soit en téléconsultation. Je pense quand même qu'il faut avoir un minimum de prudence, qu'il faut avoir un minimum de formation et apprendre aux pharmaciens et aux sages-femmes à gérer un choc anaphylactique.”
Le généraliste s’est toutefois dit prêt à collaborer avec les pharmaciens, les infirmières, avec les kinés “pour le patient”. Une coordination interprofessionnelle également promue par le syndicat MG France, qui précise que cela ne “consiste pas à prendre la place de l'autre”. “On entend bien que la HAS n’interdit pas aux pharmaciens de vacciner, mais aujourd’hui la priorité est de vacciner les patients qui en ont le plus besoin par les médecins généralistes. Ce sont eux qui peuvent les repérer”, indique le Dr Jacques Battistoni qui précise : “Nous attendons des pharmaciens qu’ils délivrent les vaccins, s’occupent de la logistique, fassent en sorte que le médecin qui le souhaite puisse bénéficier toutes les semaines des doses dont il a besoin”. Selon lui, l’ouverture de la vaccination aux pharmaciens dans les officines n’est pas une priorité, même s’il se réjouit que les pharmaciens pourront “donner un coup de main dans les centres de vaccination”. Il estime qu’il faudra ouvrir la vaccination à d’autres professions “dès lors qu’on aura beaucoup de vaccins à utiliser, mais dans ce cas là, il est indispensable que nous ayons la possibilité de continuer à avoir des vaccins en stock dans nos cabinets, nos frigos, de façon à pouvoir vacciner au fil de l’eau. C’est comme ça qu’on sera le plus pertinent dans la vaccination”. Alors que les pharmaciens clament depuis plusieurs semaines leur souhait de participer à cette campagne de vaccination, le Dr Battistoni affirme que “les syndicats de pharmaciens sont dans une forme de compétition à cause des élections professionnelles, donc c’est un peu une surenchère”. Selon lui, il faut cependant “raison garder”, dans “l’intérêt de la population”. “Chaque chose en son temps, ne perdons pas de vue la priorité du moment: protéger ceux qui en ont le plus besoin.” [avec franceinfo]
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