Selon une expertise de l’Inserm, l’activité physique est un véritable « médicament » de prévention et de soin des maladies chroniques.
Les maladies chroniques pèsent lourdement dans notre système de santé. Actuellement en France, on considère qu’une personne sur 4 en souffre, et 3 sur 4 après 65 ans. Et avec l’allongement de la durée de vie et l’amélioration des traitements (qui font diminuer la mortalité), les maladies chroniques vont augmenter à l’avenir, entrainant davantage de dépendance. "Améliorer la prévention et la prise en charge des maladies chroniques c’est donc répondre à une urgence majeure de santé publique", affirment ainsi les auteurs d’une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur ce sujet, dont les conclusions viennent d’être publiées. On connait bien l’impact du manque d’activité physique en tant que facteur de risque de nombreuses maladies, au même titre que le tabac l’alcool ou l’alimentation déséquilibrée. Des actions de prévention peuvent être mises en œuvre en amont des maladies, "mais aussi à tout moment de l’évolution de celles-ci" rappelle l’Inserm. Il s’agit d’ "un enjeu central pour le maintien de l’autonomie, notamment chez les personnes âgées". L’objet de cette expertise collective était donc de "disposer d’un bilan des connaissances scientifiques et d’analyser, dans le cadre des maladies chroniques, l’impact de l’activité physique et sa place dans le parcours de soin". Elle intervient alors que la loi de modernisation du système de santé a introduit, depuis 2016, la possibilité pour les médecins généralistes de prescrire une activité physique aux personnes qui souffrent d’une affection de longue durée. Ce vaste travail a analysé 2 000 références bibliographiques et a abouti à un document de plus de 800 pages. Il a particulièrement étudié quatre maladies chroniques: les pathologies cardiovasculaires, les cancers, le diabète et les pathologies respiratoires chroniques. S’y ajoutent l’obésité, ainsi que certaines maladies mentales (dépression, schizophrénie), et les troubles musculosquelettiques (TMS). La principale conclusion des auteurs constitue un "véritable changement de paradigme". En effet, si on a longtemps considéré que le repos devait faire partie du traitement, le sport constitue au contraire dorénavant un traitement à part entière recommandé de façon "systématique" et aussi précocement que possible dans le parcours de soins. Les experts recommandent même "que l’activité physique soit prescrite avant tout traitement médicamenteux pour la dépression légère à modérée". « C’est donc une prise de conscience collective qui est à l’œuvre ainsi qu’un changement de regard sur les patients » insiste Laurent Fleury (responsable du pôle expertise collective de l’Inserm).
Développer les centres de réadaptation cardiaque à l’effort
Globalement, pour l’ensemble des pathologies, le rythme préconisé est "un minimum de 3 séances par semaine". Mais les auteurs du document font des préconisations affinées pour chaque pathologie. Ainsi, concernant en particulier les pathologies coronaires et le post-infarctus, ils rappellent l’impact bénéfique sur la mortalité d’une réadaptation cardiaque fondée sur l’activité physique, avec une baisse de 30 % de la mortalité d’origine cardiovasculaire, de 26 % de la mortalité totale et une diminution de 31 % du risque de réhospitalisations. Ce réentrainement à l’effort s’effectue dans des centres de soins de suite et de réadaptation spécialisés, seules structures susceptibles de conduire et de superviser un tel programme au cours d’un séjour de 3 a 4 semaines en hospitalisation complète ou de jour grâce a un encadrement pluridisciplinaire. "Malheureusement, seuls 22 % des patients éligibles bénéficient d’un séjour complet en réadaptation cardiaque après un syndrome coronaire aigu. La réadaptation cardiaque supervisée à domicile n’existe pas encore en France", précisent les auteurs de l’expertise. Selon eux, tous les patients insuffisants cardiaques devraient bénéficier d’un programme de réentraînement à l’effort "quel que soit le degré de sévérité de la pathologie, grâce à un entraînement régulier et progressif". Il consiste "idéalement en 30 minutes d’activité modérée 5 fois par semaine dans la dernière phase du programme, qui doit être poursuivi tout au long de la vie". Mais pour cela, les structures spécialisées doivent se développer, et au plus près des malades.
Toutes les maladies chroniques concernées
En cas d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, la marche doit être le traitement de première intention. Concernant l’obésité, les auteurs conseillent de mettre l’accent sur la diminution du tour de taille comme paramètre de suivi plutôt que sur la perte de poids et de proposer des programmes d’activité d’endurance. Et pour le diabète de type 2, il s’agit de privilégier l’association du renforcement musculaire et des activités d’endurance dans des intensités modérées à fortes. En oncologie, de nombreuses données issues de méta-analyses, montrent que l’activité sportive améliore la qualité de vie et réduit les effets secondaires liés au cancer et aux traitements (déconditionnement musculaire, fatigue, intolérance au traitement…), ainsi que les récidives, en proposant des programmes combinant endurance et renforcement musculaire. Ces études ont porté sur les cancers les plus fréquents, tels que les cancers du sein, du colon et de la prostate. Dans le domaine des pathologies respiratoires, et en particulier de la BPCO, les auteurs mettent en avant l’amélioration de la qualité de vie et la réduction des limitations fonctionnelles liées aux complications "grâce à une activité physique régulière pérenne et variée (endurance, renforcement musculaire, natation, tai chi…)". Dans l’asthme, le sport "permet de réduire l’importance et la fréquence des crises par l’amélioration du VO2max, de l’endurance et de la capacité d’exercice par des activités d’endurance" précisent-ils. AVC, pathologies ostéo-articulaires, et dépression, sont enfin des domaines dans lesquels une activité physique adaptée permet d’améliorer les symptômes, la qualité de vie, et de diminuer les séquelles ou les récidives.
Individualiser la prescription
Pour adapter la prescription d’activité physique, les auteurs du rapport conseillent de tenir compte "du cadre et du type de pratique, de ses modalités (intensité, durée, fréquence), et surtout des préférences et attentes du patient qui conditionnent son intérêt et son plaisir dans la pratique de cette activité". L’activité choisie doit, en effet être efficace, mais aussi ludique et motivante. Ils conseillent d’articuler les programmes d’activité physique avec les programmes d’éducation thérapeutique, en particulier pour les patients étant le moins enclins a priori à pratiquer un sport (patients âgés, faible niveau socio-économique, précarité sociale…). Pour évaluer le niveau du patient, l’entretien doit être approfondi. Le praticien pourra s’aider de tests simples (ex : test de marche de 6 minutes) visant à évaluer sa capacité et sa tolérance à l’exercice ; et de tests plus complexes (ex : épreuve d’effort cardiorespiratoire) utiles pour sécuriser la pratique.
Renforcer la formation
Une meilleure information des médecins et autres professionnels de santé est nécessaires affirmes les auteurs de l’expertise. Ils recommandent de généraliser les modules obligatoires relatifs à la prescription de l’activité physique dans la formation des étudiants en médecine, et de renforcer la formation continue dans ce domaine. Un autre versant de la formation doit concerner les professionnels de l’activité physique. Enfin, il apparait nécessaire de développer la recherche dans ce domaine, et en particulier sur les effets à long terme "en vie réelle".
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