Le Mediator (chlorhydrate de benfluorex) a-t-il été retiré du marché à juste titre ? C’est à cette question que tente de répondre le Pr Gilbert Kirkorian (Hospices civils de Lyon) dans un ouvrage*, qui vient d’être publié. Commercialisé en France à partir de 1976 sous l’indication initiale d’“hypolipémiant“, ce médicament a ensuite été prescrit comme “adjuvant au régime adapté pour les personnes diabétiques en surcharge pondérale“, puis utilisé, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), comme amaigrissant sur ses possibles effets anorexigènes… Plus de cinq millions de Français en ont consommé jusqu’en 2009 (selon l’Assurance maladie), quand les autorités de santé ont décidé d’en suspendre l’AMM, en raison d’une suspicion de toxicité liée à sa proximité pharmacologique avec des médicaments de la famille des dérivés fluorés de la classe des amphétamines de type isoméride, et confortée par cinq études cliniques. Le Pr Kirkorian a analysé ces travaux un à un, de l’étude “inaugurale“ cas-témoins d’Amiens de 2010 à Regulate (la seule randomisée), en passant par l’étude cas-témoins du CHU de Brest de 2010, l’étude multicentrique française publiée en 2012 et celle de l’Assurance maladie (AM) de 2010. Egora-Le Panorama du médecin : Vous pointez les faiblesses des études... quelles sont-elles ? Pr Gilbert Kirkorian : Ces quelques études sont toutes de mauvaise qualité. Tout d’abord, rien n’a été fait, et en particulier pas d’échographie (l’examen de référence), pour vérifier que les patients inclus, à qui l’on a découvert ensuite une insuffisance valvulaire, n’en souffraient pas avant la prescription de Mediator. Ils étaient peut-être essoufflés, ou présentaient des symptômes en lien avec une insuffisance valvulaire… Personne ne le sait, puisqu’ils n’ont pas été “explorés“ comme il convient. Deuxième manquement, dans l’étude de l’AM, les interventions sur les valves n’ont pas toutes été prises en compte, mais uniquement celles d’un certain type, chez des coronariens ou des personnes plus susceptibles d’être en surpoids. Par ailleurs, si les anomalies valvulaires sont davantage visibles dans le bras chlorhydrate de benfluorex (étude Regulate), c’est peut-être parce que les patients ont minci, ce qui facilite la lecture d’insuffisances possiblement préexistantes, à l’inverse des patients du bras contrôle qui recevaient de la pioglitazone, réputée grossissante. La valve mitrale est la plus difficile à voir, parce que située profondément dans la poitrine. On ne sait rien encore de l’effet du médicament sur des critères durs, tels les événements cardiaques ou la mortalité. Ainsi, même l’AM ne s’y est pas intéressée dans les années qui ont suivi son étude… Autre question, pourquoi les patients inclus dans cet essai ont-ils pris du Mediator? Ils pouvaient être diabétiques certes, mais aussi déjà essoufflés… et si tous ces patients étaient semblables cliniquement, pourquoi certains ont reçu le traitement, et d’autres non ? Leur médecin le prescrivait-il au hasard ? Ou peut-être ceux qui recevaient du Mediator étaient-ils plus en surpoids? Et leurs éventuelles insuffisances valvulaires alors moins visibles à l’échographie préalable ? Peut-on toutefois retenir quelque chose de ces études ? Malheureusement non, pour les raisons que je viens d’évoquer. Aucune, non plus, n’est construite pour répondre aux questions que l’on se pose en termes de mortalité, d’interventions, de critères “durs“, globaux. Seul le problème de la présence des insuffisances valvulaires, qui n’est pas un critère pertinent, a été analysé. Quelle serait la bonne étude pour juger objectivement des effets du Mediator? Pour en avoir la certitude, elle devrait être randomisée, en double aveugle, inclure des patients semblables dans les deux bras, identiquement explorés. Les critères de jugement portant sur les événements cliniques (insuffisance cardiaque, décès, etc.), sur une période de quelques années comme cela se fait pour tout médicament aujourd’hui avant sa commercialisation. Je crains que les cinq études en question n’aient clos le débat de l’utilité du Mediator. Pourquoi si peu de contradicteurs pour défendre le médicament ? Le premier était le laboratoire, bien sûr, sujet à caution…Les quelques spécialistes qui s’y sont risqués ensuite ont été contestés, parfois violemment, sans véritables arguments. Je m’interroge, moi, sur le nombre de ceux qui ont réellement lu les études à charge, en prêtant attention à leurs défauts méthodologiques… Médiator, et si ce n’était qu’une question de poids?, aux éditions L’Harmattan.
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