Supprimer l’aide médicale d’Etat est une "profonde erreur, et il y a des moments où l’erreur confine à la faute", lançait Aurélien Rousseau, ce mardi soir, sur le plateau de Quotidien. Le ministre de la Santé réagissait au vote des sénateurs qui se sont prononcés pour une réduction du panier de soins actuellement accordé aux 400 000 personnes en situation irrégulière, présentes sur le sol français depuis au moins trois mois. Le Sénat a en effet adopté un amendement au projet de loi immigration visant à transformer l’AME en aide médicale d’urgence (AMU), recentrant le dispositif créé en 2000 sur la prise en charge des "maladies graves et des douleurs aigues".
Outre le ministre de la Santé, plusieurs organisations de professionnels de santé ont vivement critiqué ce vote de la chambre haute du Parlement, à l’instar de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a dénoncé "une hérésie humanitaire, sanitaire et financière", ou encore la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). La Conférence des présidents de CME de CHU, par la voix de son président Rémi Salomon, a également alerté sur un risque "d’augmentation des contraintes" sur l’hôpital, "car nous verrons des patients plus graves car pris en charge tardivement avec un risque de dissémination des maladies infectieuses".
Quelques jours avant ce vote controversé, près de 3 000 soignants "de toutes spécialités et de toutes origines" signaient une tribune dans Le Monde pour défendre ce dispositif, qui fait "l’honneur de notre profession". "Nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort", écrivaient-ils. Un collectif d’étudiants en santé avait en outre organisé une manifestation, ce lundi, devant le palais du Luxembourg, espérant un sursaut politique et une issue "humaniste" aux débats sur la question.
Egora a demandé à ses lecteurs s’il fallait restreindre l’aide médicale d’Etat aux soins urgents. 337 réponses ont été enregistrées. Au total, 70% se sont montrés favorables à une réduction du panier de soins dont peuvent bénéficier les sans-papiers. "Oui, par principe. La seule solidarité qui puisse être légitimement obligatoire c'est la solidarité entre Français. Si certains veulent aider les étrangers, aucun souci, mais pas avec l'argent des autres. Sinon il n'y a plus de limite", a argumenté un médecin, jugeant que l’AME est "un moteur d’immigration illégale".
Un autre généraliste écrit qu’"il arrive de voir des malades urgents", mais "c’est rare". "La plupart du temps c'est une demande de doliprane ou d'amoxicilline, parfois d'anticancéreux totalement injustifiés. On perd beaucoup de temps et le refus est très mal perçu. Une limitation ferait gagner du temps et serait bénéficiaire pour la Sécurité sociale".
27% des répondants au sondage se sont toutefois opposés à la suppression de l’AME. "Restreindre aux soins urgents implique de définir administrativement ce qui est urgent... puis de communiquer aux praticiens une liste de motifs que l'administration aura évalué à la place des médecins... Bref ce serait encore une fois laisser l'administration nous dicter sa loi et refuser de nous payer à posteriori. Soit on fait l'AME et on la fait bien, soit on ne la fait pas", explique un médecin.
"J'interviens en médecine de ville dans un centre d'hébergement d'urgence pour personnes en situation de grande précarité ainsi que sur un quartier en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), je prends en soins des personnes en AME à différents stades d'évolution de leur problématique de santé. Je n'ai jamais eu l'impression d'être en dehors du cadre éthique et déontologique de soins préventifs et curatifs ni que ces personnes abusaient du système de santé (à part cas très exceptionnel). Des problèmes de santé ‘bénins’ qui ne seraient pas pris en charge en temps et en heure, risquent de s'aggraver en soins de santé urgents, graves, avec parfois des séquelles irréversibles qui coûteront bien plus cher au système de santé", alerte une autre Egoranaute.
Enfin, 2% des répondants se sont déclarés sans opinion.
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