Visites à domicile obligatoires, retour de la taxe lapin… Le Sénat modifie à son tour le PLFSS
Alors que l'Assemblée nationale n'est pas parvenue à terminer l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, les sénateurs vont se pencher sur ce texte en séance publique à partir du 18 novembre.
C'est dans un contexte inédit que la commission des affaires sociales du Sénat a présenté, ce mercredi, ses apports au PLFSS, qui sera discuté en séance publique à partir du lundi 18 novembre au 26. En effet, les députés ne sont pas parvenus, plus tôt dans le mois, à examiner l'intégralité du texte, et donc à l'adopter en première lecture. Le Gouvernement a ainsi repris la main et transmis sa version initiale du budget de la Sécu – enrichie de certains amendements de députés - au Sénat. En commission, les sénateurs ont déposé un peu plus de 70 amendements.
"Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale […] impose à la fois de l'action et de la responsabilité", a déclaré Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie, lors d'une conférence de presse. D'emblée, la sénatrice a abordé la question de la hausse du ticket modérateur sur les consultations chez le médecin ou la sage-femme, envisagée par l'exécutif mais qui n'est pas intégrée dans le PLFSS car elle relève du pouvoir réglementaire. "Au Sénat, nous avons tout fait pour que ce ne soit pas une option retenue par le Gouvernement."
Toutefois, "il faut mieux maitriser les dépenses de santé", a reconnu la rapporteure, avançant plusieurs pistes pour y parvenir. "Cela engage des efforts de chacun, à la fois des prescripteurs, des patients et des effecteurs." "Très attachée à l'exercice conventionnel", la commission des affaires sociales s'est montrée néanmoins opposée à des "décisions prises unilatéralement", en l'occurrence sur des baisses de prix, mais soutient la "pertinence des prescriptions".
La commission entend ainsi allonger le délai dans lequel l'Assurance maladie et les syndicats de médecins "peuvent valablement conclure un accord de maîtrise des dépenses dans le champ de l'imagerie permettant de réaliser au moins 300 millions d'euros d'économies sur la période 2025-2027". Reportant du 30 avril au 30 juin 2025, la date à laquelle devra être conclu cet accord. Et, de fait, "du 30 juin au 30 juillet 2025, la date jusqu'à laquelle le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie pourra, en l'absence d'accord conclu avant le 30 juin, procéder unilatéralement à des baisses de tarifs pour atteindre cet objectif d'économies."
Plusieurs amendements déposés encouragent à l'utilisation du DMP, insuffisamment utilisé, qui permettra "de lutter contre les actes redondants", a justifié Corinne Imbert. L'un d'eux prévoit aussi, qu'en ville, "les conventions professionnelles conclues avec l'Assurance maladie peuvent fixer les conditions de rémunération des professionnels de santé en fonction de la consultation et du renseignement du DMP".
La commission soutient aussi la généralisation de la carte Vitale sécurisée, "toujours dans l'esprit de lutter contre la fraude". Afin de" responsabiliser" les patients, un amendement vise, en outre, à mettre à la charge des assurés n'honorant pas un rendez-vous en soins de ville "une somme forfaitaire fixée par décret", au bénéfice de l'Assurance maladie.
Une "taxe lapin" que les sénateurs avaient déjà tenté de faire adopter auparavant. L'amendement prévoit qu'"une partie de cette somme, définie dans le cadre des négociations conventionnelles, pourrait être reversée par l'Assurance maladie aux professionnels de santé concernés en indemnisation".
La commission des affaires sociales du Sénat s'oppose en revanche à une extension de l'expérimentation de l'accès direct aux kinésithérapeutes en communauté professionnelle territoriale de santé, prévu par l'article 17 du PLFSS, estimant que les CPTS "n'offrent pas les mêmes garanties" qu'à l'hôpital et, en ville, dans les structures d’exercice coordonné les plus intégrées.
Un amendement, répondant à la demande du Cnom, vise par ailleurs à étendre le champ de l'expérimentation de la prise en charge par la Sécurité sociale aux tests et analyses réalisés afin de détecter une soumission chimique, plutôt qu'aux seuls tests effectués en ce sens.
Si la commission des affaires sociales a accepté "de participer à cette logique de maintien à 16 milliards d'euros du déficit", elle appelle l'exécutif à enclencher, "au lendemain du PLFSS", un certain nombre de réformes "fondamentales", en matière par exemple de vieillissement et d'autonomie et d'organisation des soins. "Il faut une perspective d'avenir", a souligné le président de la commission, Philippe Mouiller.
Plus de 300 amendements au total
Si les amendements déposés par la commission sont au nombre de 77, d'autres sénateurs ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice. Au total, près de 300 autres amendements ont ainsi été déposés. Plusieurs concernent directement les médecins en cumul emploi-retraite. L'un d'eux entend par exemple supprimer "la limite d'âge de 75 ans" dans les établissements publics de santé. Un autre propose de réactiver et de pérenniser le dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les médecins retraités. Mais également de le déplafonner, permettant à celui-ci de s'appliquer "sur la totalité du revenu que les médecins en cumul emploi-retraite tirerait de leur activité".
Toujours dans le but d'améliorer l'accès aux soins, en déchargeant les médecins, plusieurs sénateurs proposent d'ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux.
Nouveauté qui risque, cette fois, de déplaire aux représentants de la profession : des sénateurs veulent rendre obligatoire les visites médicales à domicile "lorsque l'assuré ne peut se déplacer en raison de son état", notamment en cas de perte d'autonomie. Cela avait déjà fait l'objet d'une proposition de loi du sénateur du Nord Dany Wattebled, qui avait été adoptée en commission mais rejetée en séance publique le 16 mars 2023.
Plusieurs autres amendements concernent les autres professionnels de santé. Ainsi, il est proposé "d'intégrer pleinement les kinésithérapeutes dans les rendez-vous de prévention, les consultations de prévention, ainsi que les séances d’information, d’éducation pour la santé et de promotion de la santé, spécifiquement conçues pour les adultes aux âges charnières de la vie : de 20 à 25 ans, de 40 à 45 ans et de 60 à 65 ans". Ces derniers pourraient aussi se voir autoriser à prescrire de l'activité physique adaptée (APA).
Un autre amendement affirme le rôle majeur de médecins scolaires, de PMI et médecins du travail dans la mise en œuvre de ces rendez-vous de prévention et "garantit qu’ils disposent des moyens financiers nécessaires pour cette mission".
Le médecin-sénateur Alain Milon veut aussi permettre aux infirmières libérales de prescrire "des perfusions en cas de déshydratation, des compléments alimentaires afin de prévenir la dénutrition, des chaussures en prévention des chutes, des coussins de positionnement ou anti-escarres ainsi que des fauteuils coquilles".
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