Les médecins libéraux ont perdu près de 6000 euros en 2020: la "double peine" du Covid enfin chiffrée
Le verdict est tombé : pour l'année 2020, les médecins libéraux ont déclaré un bénéfice non commercial (BNC) moyen de 86 974 euros, en baisse de 5.73% par rapport à 2019. Les généralistes tombent à 73 820 euros en moyenne, du jamais vu depuis l'année 2013. Ces chiffres exhaustifs, dévoilés ce mardi 15 février par la Carmf, révèlent l'ampleur des dégâts de la crise sanitaire. Les chiffres communiqués jusqu'ici par les AGA ne donnaient qu'un aperçu : la crise sanitaire a généré une forte chute des revenus des médecins libéraux, et ce malgré les aides de l'Etat. D'après les données dévoilées ce mardi 15 février par la Carmf, basées sur 106 032 déclarations, le BNC moyen des médecins cotisants* s'est établi à 86 974 euros pour 2020. Ces revenus nets, qui servent de base au calcul des cotisations 2022 à la caisse de retraite, sont "en nette baisse de 5,73 % en euros courants par rapport à 2019", calcule la Carmf. "Cette baisse est légèrement accentuée par l’inflation 2020 (0,48 %) pour générer une baisse en euros constants de 6,21 %." Les médecins de secteur 2 (-6.79%) sont encore plus mal lotis que les médecins de secteur 1 (-5.43%). Avec un BNC moyen de 73 820 euros, les 60 752 médecins généralistes cotisants ont perdu 3.36% de leurs revenus, revenant à un niveau de rémunération inférieur à celui de l'année 2014. Les 58 154 généralistes de secteur 1 ont déclaré en moyenne 74009 euros (-3.46%), contre 69 600 euros pour leurs confrères de secteur 2 (-1.47%). Quant aux autres médecins spécialistes, ils subissent la perte d'activité des confinements et déprogrammations de plein fouet : ils ont déclaré en moyenne 104 622 euros, soit 7.99% de moins qu'en 2019. "Quasiment toutes les spécialités sont touchées", relève la Carmf. Les ophtalmologues ont gagné en moyenne 130 707 euros, soit une baisse de 15.31%. Autres spécialités fortement impactées : la radiologie (103 804 euros, -13.63%), la chirurgie (126 683, -11.88%) ou encore la dermatologie (76 769 euros, -8.65%). "Seules certaines spécialités exercées en secteur 2 comme la pédiatrie (+1,68 %), la pneumologie (+2,69 %) et la psychiatrie (+3,53 %) sont préservées et voient les revenus légèrement augmenter en euros courants, relève la Carmf. Le secteur 1 est presque unanimement en baisse", à l'exception de quelques spécialités à faible effectifs, "peu significatives".
Ces moyennes incluent pourtant les aides perçues au titre du dispositif d'indemnisation pour la perte d'activités (Dipa) mis en place par la Cnam pour aider les professionnels à faire face à leurs charges fixes durant le premier confinement, au cours duquel les patients ont déserté les cabinets : les généralistes ont perdu 40% de leur activité, les autres spécialistes 50%. En 2020, en se basant sur les déclarations des médecins, la Cnam a versé en moyenne 3 482 euros d'avance Dipa aux généralistes en 2020 et 8944 euros aux autres spécialistes. Des sommes qu'un tiers des quelques 70 000 médecins bénéficiaires sont aujourd'hui amenés à rembourser partiellement ou en totalité, après calcul de l'aide définitive. "Le Dipa ne visait qu'à compenser les charges, rappelle le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Ça aurait pu être bien pire sans ça, mais ça n'a pas suffi."
D'autant que les généralistes ont aussi vu leur activité chuter durant l'automne et l'hiver 2020 du fait d'une baisse des pathologies hivernales grâce à l'application des gestes barrière ; baisse particulièrement marquée chez les médecins prenant en charge de nombreux enfants, relève le syndicaliste. Pour le président de MG France, cette forte baisse du BNC en 2020, malgré les mécanismes d'aides mis en place, "vient confirmer ce que l'on dit depuis un moment : le modèle économique de la médecine générale, basé sur un acte rapide et court, ne fonctionne plus". Les généralistes font de plus en plus d'actes longs et complexes, "et malgré cela leur revenu est en baisse", pointe-t-il. "Il est urgent de réformer tout ça" dans le cadre de la nouvelle convention en 2023, appelle Jacques Battistoni. Pour le Dr Thierry Lardenois, président de la Carmf, 2020 est "l'année de la double peine en médecine libérale". La profession, "exposée comme jamais dans l'histoire", a perdu 92 des siens (41 cotisants, 19 en cumul, 32 allocataires), rappelle-t-il. "Fallait-il en plus que les revenus de notre profession baissent de 5,73 % par rapport à 2019 ?", interroge le président de la caisse de retraite qui, de son côté, a mobilisé près de 1 milliard d'euros en 2020 pour venir en aide aux médecins, notamment via l'attribution d'une aide de 2007 euros aux cotisants (déduite des cotisations 2020). Thierry Lardenois appelle à considérer la médecine libérale "à sa juste valeur". "Son apport indispensable à la société doit être reconnu et valorisé dignement à l’avenir." *Médecin en cumul emploi-retraite inclus
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